Septembre 2007 - n°124
La Fondation Simone et Cino del Duca, sous l’égide de l’Institut de France, remet son Prix scientifique 2007
La Fondation Simone et Cino del Duca, sous l’égide
de l’Institut de France, a pour objectif de favoriser la recherche scientifique
et de concourir à la conservation et la mise en valeur du patrimoine
culturel, en France et à l’étranger. Dans cette optique,
elle attribue prix, bourses et subventions.
Trois Grands Prix sont décernés chaque année, dont un
Prix scientifique d’un montant de 300 000 euros destiné à
récompenser une équipe de chercheurs français ou étrangers
Intéressons-nous plus précisément aux lauréats
du prix 2007, remis solennellement le 13 juin dernier lors de la séance
de proclamation des Grands Prix et Concours des Fondations de l’Institut
de France. La cérémonie a été ouverte par Mme
Hélène CARRÈRE d’ENCAUSSE, président de
l’Institut de France, secrétaire perpétuel de l’Académie
française, puis introduite par M. Gabriel de BROGLIE, chancelier de
l’Institut.
Un mécénat absolument tourné
vers l’avenir
L’Institut de France abrite des fondations dotées de structures
administratives et financières autonomes qui leur permettent de jouer
un rôle incomparable dans le mécénat moderne.
Quatre domaines sont soutenus par les prix et subventions des fondations :
=> La recherche scientifique, notamment dans le domaine de la santé,
avec des Grands Prix fortement dotés et de nombreuses subventions pour
récompenser des chercheurs confirmés ou aider de jeunes talents,
et soutenir des laboratoires ;
=> Les projets d’éducation, de formation et de développement
durable et environnemental ;
=> Les actions humanitaires, avec notamment la lutte contre les maladies
endémiques et la grande pauvreté, l’aide aux populations
civiles victimes de guerre et l’aide aux enfants défavorisés
;
=> Le patrimoine culturel, à travers la participation à la
conservation d’œuvres d’art, à la création
de collections ou à l’aide à de jeunes artistes.
Depuis 1810, un millier de legs et donations provenant de particuliers ont
permis, par leurs revenus, de récompenser plusieurs centaines de milliers
de bénéficiaires.
Les lauréats du Prix scientifique 2007
Le Prix scientifique 2007 de la Fondation Simone et Cino del Duca a été
remis le 13 juin dernier par M. Jean DERCOURT, secrétaire perpétuel
de l’Académie des sciences.
Il a été décerné au professeur Jacques PROST,
directeur général de l’École supérieure
de physique et chimie industrielles de la ville de Paris, et au professeur
Jean-François JOANNY, directeur de l’unité de recherche
physicochimie, UMR 168 CNRS - Institut Curie et professeur à l’université
Pierre et Marie Curie - Paris VI. Une récompense pour leurs travaux
de recherche sur le thème "Concepts et techniques physiques mis
en œuvre dans l’étude du vivant : études de processus
sur les molécules du vivant".
L’équipe de Jacques PROST et de Jean-François JOANNY,
à l’Institut Curie, s’intéresse en effet aux phénomènes
physiques impliqués dans tous les processus intracellulaires.
"Le biologiste perçoit le cytosquelette comme un assemblage
de protéines telles que l’actine, les filaments intermédiaires
ou les microtubules, sur lesquels les moteurs moléculaires transportent
le matériel biologique ; le physicien, lui, voit l’ensemble de
ces filaments et moteurs comme un gel conférant à la cellule
des propriétés élastiques particulières",
remarque M. PROST."Ces approches différentes apportent
un nouvel éclairage sur la complexité des processus mis en jeu
dans les cellules."
"Les phénomènes physiques rencontrés dans les
cellules semblent très proches de ceux de la physique de la matière
molle qui étudie les polymères, les tensioactifs, les colloïdes…",
complète M. JOANNY.
L’équipe de l’Institut Curie a donc eu recours aux concepts
de la physique de la matière molle pour décrire la machinerie
cellulaire. Grâce à l’interaction très étroite
entre les théoriciens, les expérimentateurs et les biologistes
de l’Institut Curie, les chercheurs ont reconstitué in vitro,
à partir d’un minimum de composants, certains processus cellulaires.
Cette imitation simplifiée de la cellule leur permet de mieux comprendre
certains mécanismes cellulaires, mais aussi de les quantifier.
Ils arrivent ainsi, entre autres, à modéliser le cytosquelette
des cellules, ou encore, à mimer le trafic intracellulaire à
partir de vésicules géantes, de mini billes et de moteurs moléculaires.
Prenons l’exemple des microbilles de latex,
un nouveau modèle expérimental développé par M.
PROST et M. JOANNY pour imiter le mouvement cellulaire.
Les recherches sur le sujet ont débuté par l’étude
d’un système modèle : la bactérie Listeria. Cette
bactérie présente en effet la particularité de se déplacer
dans les cellules infectées à une vitesse pouvant atteindre
plusieurs microns par minute. Elle utilise pour cela une véritable
ruse, puisqu’elle détourne la machinerie biochimique des cellules
qu’elle infecte, afin de générer son propre mouvement.
Elle doit cette propriété à une molécule exprimée
à sa surface, ActA, qui provoque la formation d’un réseau
ou « comète » d’actine, constamment renouvelé,
comme les micro filaments qui constituent le squelette des cellules.
Quand l’actine polymérise, le gel se déforme et exerce
des contraintes élastiques qui propulsent la bactérie à
une vitesse de quelques microns par minute. Cette force élastique est
équilibrée par une friction de la comète sur la bactérie.
Le mouvement de Listeria est donc assez semblable au mouvement d’une
savonnette qu’on essaie d’attraper !
S’inspirant des surprenantes capacités de la bactérie
Listeria, les équipes de Cécile SYKES, de Jacques PROST et de
Jean-François JOANNY à l’Institut Curie, ont développé
un nouveau modèle expérimental. En remplaçant les bactéries
Listeria par des billes de latex recouvertes de la protéines WASp (équivalente
humaine d’ActA, connue pour son rôle dans l’assemblage de
l’actine), ils ont pu reproduire in vitro les processus biochimiques
à l’origine du mouvement, et disposer ainsi d’un système
bien contrôlé pour l’étude des mécanismes
qui contrôlent le déplacement cellulaire ainsi que ses dysfonctionnements.
"Toutefois, dans la plupart des cellules, l’actine ne se polymérise
pas sur la surface externe de la cellule, mais à l’intérieur.
Un projet important de notre équipe vise donc aujourd’hui à
reconstituer un système biomimétique où l’actine
polymérise de manière corticale à l’intérieur
d’une vésicule", souligne M. JOANNY. Dans la cellule,
l’actine corticale interagit avec des moteurs moléculaires de
type myosine ; un des buts de l’expérience est de comprendre
ce nouvel effet…