Juin 2008 - n°133
La Fondation pour la Recherche Médicale engage un million d’euros pour soutenir des équipes prêtes à démarrer des travaux sur les interfaces cerveau-machine
Il est longtemps apparu inimaginable de réparer
le système nerveux. De nombreux espoirs ont émergé depuis
une vingtaine d’années, que ce soit par la mise en évidence
de molécules capables de faire repousser des neurones lésés
ou par l’utilisation de techniques permettant de visualiser les lésions
des nerfs à la suite d’un traumatisme. Les progrès sont
tels qu’ils permettent d’envisager de soigner ce qui paraissait
irrémédiablement détruit.
Consciente des enjeux de ce domaine de recherche insuffisamment développé
en France, la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), l’Institut
pour la Recherche sur la Moelle épinière et l'Encéphale
(IRME) et l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière
(ICM) ont décidé de donner une impulsion forte à la recherche
sur les neuroprothèses, susceptibles de remplacer les commandes nerveuses
perdues. Dans ce contexte, la FRM lance un appel d’offres d’un
million d’euros sur deux ans afin de financer des jeunes chercheurs
travaillant sur les approches expérimentales relevant de cette thématique.
Un domaine de recherche qui repousse les limites
du « médicalement » possible
L’objectif d’une interface cerveau-machine est de mettre en place
une neuroprothèse au sein d’une boucle qui a été
interrompue entre un signal (transmission de la perception visuelle ou de
l’intention d’un mouvement) et le traitement du signal (identification
de l’objet visualisé ou réalisation du mouvement). Les
recherches actuelles analysent les différents codages neuronaux de
ces opérations et proposent des dispositifs à même de
suppléer la fonction sensorielle ou motrice qui ne peut plus être
exécutée par le cerveau.
Les recherches sur les interfaces cerveau-machine sont actuellement en pleine
explosion : des prothèses sensorielles, dont la rétine artificielle
permettant une vue partielle, sont proposées à un nombre croissant
de patients, mais les prothèses motrices restent exceptionnelles et
doivent être rapidement mises au point. Les progrès sont en particulier
très attendus dans le secteur trop longtemps négligé
du traitement des traumatisés crâniens et médullaires.
Les statistiques des lésions traumatiques du cerveau (155 000 en France,
12 000 nouveaux cas graves par an) comme celles de la moelle (plus de 1 000
atteintes par an) sont pourtant dramatiques, car ces lésions provoquent
pour nombre d’entre elles des paralysies définitives. Seul réel
espoir pour ces milliers d’accidentés : développer la
recherche sur des neuroprothèses susceptibles de remplacer les commandes
nerveuses perdues.
L’élite mondiale mobilisée
autour d’un défi futuriste
Au mois de septembre dernier, la FRM, l’IRME et l’ICM ont invité
à Chantilly une centaine des meilleurs chercheurs internationaux dans
cette thématique, à débattre sur le fonctionnement du
système nerveux et l’utilisation de dispositifs robotisés
d’aide aux handicapés moteurs et sensoriels. Des résultats
remarquables ont été présentés, à commencer
par la capacité à enregistrer en routine un ensemble de 50 à
500 neurones chez l’animal, ou maintenir dans le cerveau des électrodes
pendant plusieurs années, afin d’enregistrer les activités
neuronales et de traduire leurs actions coordonnées pour commander
un robot. De tels travaux permettent de prévoir d’utiliser dans
un temps assez proche la seule pensée pour agir. Le moment où
un robot remplacera une structure nerveuse définitivement détruite,
n'est plus très loin !
La recherche sur les interfaces cerveau-machine connaît actuellement
un développement spectaculaire dans certains pays étrangers
(en particulier aux Etats Unis), mais reste très insuffisante en France.
Les chercheurs réunis ont conclu qu’une des actions prioritaires
à mener est de financer la formation de jeunes chercheurs français
et de les familiariser avec une approche interdisciplinaire du handicap associant
cliniciens, informaticiens, roboticiens, neurophysiologistes…
Un appel d’offres pionnier sur les interfaces
cerveau-machine
La Fondation pour la Recherche Médicale, l'IRME et l'ICM se veulent
pionniers pour promouvoir le développement de la recherche sur les
interfaces cerveau-machine en France. L'IRME soutient d'ailleurs depuis de
longues années l'étude sur les traumatismes médullaires
et crâniens, et l'ICM prévoit la création au sein du CHU
Pitié- Salpêtrière d'un institut de neurosciences ultramoderne.
Associée à l’IRME et l’ICM, la Fondation pour la
Recherche Médicale lance donc en 2008 un appel d'offres inédit
doté d'un million d'euros dont l’objectif est de financer pendant
deux ans la formation de jeunes chercheurs dans ce domaine.
Les projets seront évalués par des experts internationaux. Le
Comité de Pilotage de l’appel d’offres, constitué
de huit spécialistes français, effectuera la sélection
finale durant l’été 2008, sur la base de la qualité
des projets et des perspectives de contribution à l’essor de
ce champ de recherches en France.
Des axes de recherche à développer
en priorité
Parmi les thèmes qui seront soutenus par la Fondation pour la Recherche
Médicale, citons :
- l’évaluation très fine des capacités résiduelles
du système nerveux après un traumatisme grâce aux nouvelles
techniques d'imagerie ;
- une meilleure connaissance des propriétés de plasticité
des réseaux neuronaux pour optimiser la restauration fonctionnelle
après une lésion ;
- un décodage de la commande motrice ou des perceptions sensorielles
qui pourra permettre decommander un robot capable de suppléer la fonction
manquante ;
- les développements techniques concernant les implants, les multi-microélectrodes,
les systèmes électroniques miniaturisés, les processus
robotiques adaptatifs…
A propos de la FRM…
Fondée en 1947 par des médecins et chercheurs de renom dont
les Pr Jean BERNARD et Jean HAMBURGER, la Fondation pour la Recherche Médicale,
reconnue d’utilité publique depuis 1965, s'est affirmée
comme l'acteur le plus important du financement privé de la recherche
médicale publique française, toutes pathologies confondues.
Elle est le seul organisme caritatif à intervenir dans tous les domaines
de la recherche médicale.
Elle finance les meilleurs chercheurs, porteurs de programmes de recherche
conceptuellement innovants.
Pionnière, elle encourage le développement de recherches dans
des secteurs délaissés ou correspondant à de nouvelles
priorités de santé publique.
Elle joue un rôle primordial dans la formation des jeunes chercheurs
et apporte une aide vitale aux projets de recherche des jeunes équipes,
préparant ainsi l'avenir de la recherche médicale.
La FRM soutient, en moyenne, chaque année, 700 chercheurs et équipes
de recherche. Elle agit en toute indépendance grâce au soutien
régulier de 430 000 donateurs.