Octobre 1995 - n°1

LA TECHNIQUE DE POLYMORPHISME DE LONGUEUR DES FRAGMENTS DE RESTRICTION (R.F.L.P.)

C'est en 1980 que Botstein et coll. ont publié une carte génétique du génome humain qui, pour la première fois, utilisait des marqueurs génétiques issus de la technique de polymorphisme de longueur des fragments de restriction (de l'anglais Restriction Fragment Length Polymorphism, ou RFLP). Cette technique a eu immédiatement un gros succès auprès des généticiens, car elle donnait accès à un nombre très élevé de marqueurs distribués le long du génome. Ni les isozymes, ni même les protéines totales révélées en électrophorèse bidimensionnelle, n'offraient cette possibilité.

Les étapes de la technique de RFLP

1) Extraction de l'ADN des différents génotypes à analyser

2) Digestion de l'ADN par un enzyme de restriction. C'est l'extrême spécificité de ces enzymes qui est exploitée pour la mise en évidence du polymorphisme : une présence-absence de site de restriction entraîne un polymorphisme de longueur de fragments. Ce phénomène n'étant pas rare, la digestion de l'ADN de deux individus quelconques dans une espèce donnée produit de très nombreuses différences de longueur des fragments. S'il est aisé d'obtenir des fragments polymorphes, leur visualisation est délicate. C'est ce que permettent les étapes suivantes.

3) Les fragments de restriction sont séparés selon leur taille par une électrophorèse en gel d'agarose. L'ADN étant chargé négativement, il migre de la cathode vers l'anode. Les fragments les plus petits sont les plus rapides.

4) L'ADN est transféré sous forme dénaturée sur une membrane de nylon. La position relative des fragments d'ADN est préservée durant le transfert.

5) La membrane est incubée dans une solution contenant une sonde marquée préalablement, soit par la radioactivité, soit chimiquement. La sonde s'hybride alors avec le ou les fragments d'ADN avec lesquels elle présente une homologie. On utilise couramment deux sources de sondes, les sondes génomiques (ADNg) et les sondes d'ADN complémentaire (ADNc). Les sondes génomiques sont obtenues par digestion de l'ADN total du génome nucléaire de l'espèce étudiée à l'aide d'un enzyme de restriction. Pour pallier partiellement les problèmes posés par les ADN répétés, on a couramment recours à des enzymes de restriction sensibles à la méthylation, comme Pst 1, qui vont générer de très grands fragments dans les régions répétées méthylées, fragments qui ne seront pas clonables ou amplifiables. Les sondes d'ADNc correspondent nécessairement à des gènes exprimés, puisqu'elles sont obtenues à partir des ARN messagers.

6) L'endroit, ou les endroits, où la sonde s'est fixée sont révélés en plaçant la membrane au contact d'un film sensible à la radioactivité (figure), ou en réalisant une réaction enzymatique colorée spécifique. Les étapes 4 à 6 correspondent à la technique de Southern.

Le polymorphisme révélé en RFLP

Lorsque deux individus homozygotes sont comparés après digestion de leur ADN par un enzyme donné et hybridation avec une sonde donnée, on observera donc des profils d'électrophorèse différents chaque fois que des sites de restriction différeront dans la région reconnue par la sonde (figure). Le polymorphisme d'insertion-délétion, fréquent dans certaines espèces, aura la même conséquence. Sans expériences complémentaires, il n'est pas possible de trancher entre ces deux situations. Mais sur le plan génétique, cela n'a pas d'importance. Une sonde révèle un locus, polymorphe ou pas, et multiplier le nombre d'enzymes a pour conséquence d'augmenter le nombre d'allèles détectables en ce locus dans une population. Chez les individus hétérozygotes les deux bandes allèles sont visibles. En d'autres termes cette technique permet de distinguer sans ambiguïté l'hétérozygote des deux homozygotes parentaux : elle est une source de marqueurs codominants et spécifiques de locus. On notera que des sites de restriction peuvent se trouver dans la région reconnue par la sonde. Il y aura alors compétition entre les différents fragments pour l'hybridation avec la sonde, et deux ou plusieurs bandes apparaîtront, même chez les homozygotes. En cas de polymorphisme, un allèle peut donc correspondre à deux ou plusieurs bandes mais là encore l'analyse génétique permettra d'élucider le déterminisme.

Les applications de la technique de RFLP

Enumérer les applications de la technique de RFLP revient à énumérer les utilisations des margueurs génétiques, que l'on peut diviser en deux grandes catégories :

* les études de diversité, avec les analyses de structuration intra ou interpopulation, le criblage de variants dans les populations, l'identification variétale, etc.

* la construction de cartes de liaisons génétiques, avec leurs multiples intérêts : localisation de gènes majeurs, analyse de la recombinaison, cartographie de gènes à effets quantitatifs, etc. la construction de cartes est ainsi très répandue chez les végétaux. Depuis 1986, date de la première publication de cartes RFLP chez le maïs et la tomate (Helentjaris et al.1986), des cartes génétiques partielles ou complètes ont été publiées pour 34 espèces de plantes.

D'autres méthodes de marquage, fondées sur la PCR, sont maintenant en train de supplanter la RFLP pour diverses applications, mais celle-ci reste encore très utilisée lorsque l'on recherche des marqueurs codominants et spécifiques de locus. Elle reste la technique de choix pour les travaux de cartographie comparée, qui se sont beaucoup développés ces dernières années. Enfin dans le domaine de l'évolution moléculaire, elle permet la comparaison de cartes de restriction pour des locus particuliers, dans le but d'établir des phylogénies de gènes.

Références

- Botstein D., White R.L., Skolnic M. & Davis R.W., 1980. Construction of a genetic linkage map in man using restriction fragment length polymorphism. Am. J. of Human Genet. 32,314-331.

- Helentjaris T., Slocum M., Wrigth S., Schaefer A.& Nienhuis J., 1986. Construction of genetic linkage maps in maize and tomato using restriction fragments length polymorphism. Theor. Appl. Genet. 72,761-769.

Exemple de profil RFLP obtenu dans une population de lignées recombinantes de maïs (pistes 1 à 11). Dans ce cas deux allèles sont en ségrégation, chacun représenté par une bande. La sonde a été marquée à la radioactivité. La piste M correspond à un standard de taille des fragments d'ADN.

Dominique de Vienne,
Université Paris XI
Station de Génétique Végétale, INRA/CNRS/UPS

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