Novembre 1996 - n°12

La validation des procédés de stérilisation thermique

RAPPELS HISTORIQUES
Après que de sérieux accidents aient sanctionné la faible efficacité des tests de l'US Pharmacopeia (USP) basés sur des prélèvements statistiques opérés sur des produits finis aux Etats-Unis et dans le monde, les inspections FDA concernant des laboratoires pharmaceutiques mirent en évidence des problèmes majeurs concernant les spécifications, procédures et tests pour les systèmes de production ou de commande; Ceux-ci étaient souvent inappropriés, voire inexistants. En 1976, la FDA proposa des modifications des GMP (Good ManuTacturing Practices) pour les fabricants en gros volumes, détaillant comment les équipements et procédés devaient être conçus, construits et mis en oeuvre. Ces modifications furent orientées vers les procédures de sténlisation en chaleur humide chaleur sèche, oxyde d'éthylène, dépyrogénation SIP et filtration. Apparurent les temmes de validation, protocole et qualification.
Note: la vaidation est une procédure documentée qui permet d'assurer avec un niveau de confiance élevé qu'un procédé spécifique produira de façon consistante et répétable un produit répondant à des spécifications et des critères de qualité prédéterminés. Ces concepts ont été étendus par la FDA à des procédés et systèmes au-delà de la stérilisation qui constituent des éléments essentiels dans la préparation des produits parentéraux, fabrications aseptiques, remplissages, contrôles environnementaux, pasteurisation, eau pure...

LA VALIDATION DES PROCEDES DE STERILISATION THERMIQUE
Les procédés incorporant des cycles de stérilisation thermique mettent en oeuvre les systèmes tels qu'autoclaves à vapeur fours à chaleur sèche, tunnels de dépyrogénation, stérilisateurs à oxyde d'éthylène, Iyophilisateurs, Form Fill & Seal et lignes de remplissage (SIP).
Les tests devant être effectués comprendront:
- Etudes de distribution de la chaleur
- Cartographie des contenants
- Etudes de pénétration de la chaleur
- Etudes microbiologiques comparées
La règlementation europeenne concernant la validation des procédés de stérilisation thermique (comme son homologue américaine dont elle s'inspire) est très générale et jusqu'à récemment très dispersée. Elle est en cours d'harmonisation. Sa mise en pratique est délicate car quelquefois sujette à interprétation. En fait, ces normes sont volontairement générales pour permettre une possible progression en fonction de l'évolution des techniques.
Les principales normes sont les suivantes:
- EN 550 - EN 554 ~ Stérilisabon des dispositifs medicaux
- Pr EN 285 ~ Grands sténlisateurs à la vapeur d'eau
- ISO 11134 ~ Stérilisation des produits de santé
Les CGMP sont détaillées et expliquées dans les monographies éditées aux USA par la PDA (Parenteral Drug Association):
- N° 1 . Validation des cycles de stérilisation à la vapeur
- N° 2 . Validation des cycles de stérilisation par chaleur sèche
Les normes européennes, quant à elles, sont reprises en Grande Bretagne dans le HTM 2010:
- Partie 3 . Validation et vérification

RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES CONCERNANT LA PRECISION DE MESURE
Les principales exigences de précision à retenir sont les suivantes:
- CGMP 1976 -EN 554
La précision globale (incluant l'appareillage de mesure et les sondes) du système de validation doit être de +/- 0,5 °C. Cette précision est ABSOLUE c'est à dire qu'elle est définie par rapport aux étalons nationaux et internationaux. Ce qui implique le raccordement à ces mêmes étalons.

L'ETALONNAGE DU SYSTEME DOIT ETRE EFFECTUE SUR SITE AVANT ET APRES CHAQUE TEST
- HTM 2010 6.16
La répétabilité de l'équipement de test doit être de +/- 0,25°C ou mieux, I'erreur maximum du système de mesures complet (y compris les capteurs) doit être inférieure à 0,5°C.
- EN 554 4.6.2.
La précision de l'équipement de test ne devra pas être inférieure à celle des appareils montés sur le stérilisateur et devra excéder par AU MOINS UN FACTEUR 3 la précision des appareils requis pour juger les performances du stérilisateur.
- EN 554 A.2.6.
Le facteur 3 a été choisi car il fournit approximativement une probabilité de 90% que toute erreur relevée ne provient pas de l'équipement de test.

Pourquoi de tels impératifs de précision ?
Ia vitesse de destruction des micro-organismes dépend énormément de la température (fonction exponentielle). De très faibles erreurs dans la mesure de la température ont un effet très important dans le calcul des valeurs stérilisatrices (Fo et Fh). En chaleur humide, autour de la température de référence de 121.1 °C, une erreur de mesure de 1°C entraïne une erreur de 26% sur le calcul de la valeur stérilisatrice Fo !! Ces mêmes normes et monographies définissent, pour les études de distribution de la chaleur, le nombre de capteurs de température leur disposition spatiale dans l'enceinte de stérilisation ainsi que des critères de reproductibilité concordant sur 3 opérations successives.
Les critères de distribution sont définis selon les é!éments suivants:
• GMP
L'uniformité des températures doit être de +/- 1 °C par rapport à la température moyenne.
• EN 554
Toutes les températures doivent être à l'intérieur de la bande de stéri!isation avec pour limite supérieure la température de stérilisation + 3K.
• el!es ne doivent pas différer de plus de 2 K
• elles ne doivent pas f!uctuer de plus de 1 K
Note: Les différentes normes GMF3, EN554, HTM 2010, MCA divergent sur le nombre de capteurs à mettre en place, le nombre de 12 capteurs par m3 augmenté de 2 capteurs par m3 supplémentaire est généralement admis

LES CAUSES D'ERREURS, LES MATERIELS, LES PRECAUTIONS A PRENDRE
Toutes ces contraintes chiffrées imposent l'utilisation rigoureuse d'un matériel performant et très fréquemment étalonné (raccordé) par rapport aux étalons nationaux et internationaux.
La détermination de la précision absolue d'un système de validation implique l'étude des différentes sources d'erreur provenant du capteur de température, de sa connexion à l'instrument de mesure, de l'instrument de mesure lui-même et du système d'étalonnage.

LES CAPTEURS
En ce qui concerne les capteurs, i! est généralement admis que les meilleurs compromis précision fiabi!ité, facilité et économie d'utilisation sont proposés par les sondes à résistance (sonde platine Pt100) et les thermocouples. Toutefois, en utilisation industrielle intensive (ce qui est le cas en validation), la sonde Pt100, plus précise en utilisation statique, se révèle sensible aux chocs, à l'humidité et à la corruption de l'élément sensible, tous éléments pouvant générer des dérives sournoises.
Le thermocouple de qualité, relativement économique, est disponible en différents matériaux et tailles. Son inertie thermique est faible. Il se révèle solide et fiable (il fonctionne ou il est coupé) et sa souplesse permet son utilisation dans les emplacements les plus difficiles d'accès.
Il est toutefois indispensable de bien analyser les possibles sources d'erreur dues à son principe et aux conditions d'utilisation afin de les éviter ou de les minimiser.
Dans la gamme de températures qui nous intéressent (-100 °C +350 °C), le thermocouple type T (cuivre-constantan) est celui qui présente la meilleure précision grâce à l'homogénoité et à la pureté des matériaux utilisés.
La plupart des erreurs liées à l'utilisation d'un thermocouple peuvent être éliminces par les opérations (obligatoires) d'étalonnage. Ainsi en est-il de la conformité aux tables de correspondance tension = f(température) et de l'interchangeabilité d'un thermocouple avec un autre de même nature.
Toutefois, les erreurs liées à l'utilisation de thermocouples de qua!ité quelconque (impuretés, non homogéncité des matériaux thermocouples) ou à l'utilisation de connecteurs et prolongateurs générateurs de tensions parasites, ne sont pas corrigées à l'éta!onnage.
Une non homogénéité du thermocouple soumise à une différence de température de 50°C peut générer une erreur de 2,5°C. De la même manière, un bon thermocouple malmené (écroui), généralement au passage d'une paroi où le gradient de température est important, peut générer une erreur de 0,5°C. Les thermocouples multibrin sont donc vivement conseillés, car beaucoup plus souples et moins sujets à la déformation permanente que les matériaux monobrin.

LA CONNEXION A L'INSTRUMENT DE MESURE
Cette connexion doit être réalisée avec le plus grand soin; En effet el!e constitue la "soudure froide du thermocouple" et sa température doit être mesurce avec précision pour effectuer avec succès ce qu'on appelle la "compensation de soudure froide". Il est donc indispensable que ces connexions s'effectuent sur un bloc de borniers dont la température doit être la plus uniforme possible (bloc isotherme) donc massif et protégé des interférences thermiques extérieures.
La compensation de soudure froide et la dispersion thermique sur les bornes d'entrée sont les deux sources d'erreurs les p!us importantes de tous les appareils de mesure à thermocouple.
Par exemple, la précision globale d'un système KAYE est de +/- 0,25°C (cas le plus défavorable), la contribution "soudure froide" est de +/- 0,15°C, soit environ 60%.

L'INSTRUMENT DE MESURE
Les erreurs liées à l'instrumentation de mesure elle-même se sont considérablement réduites grâce aux énormes progrès réalisés sur les composants et circuits électroniques.
La sensibilité, qui était le principal frein à l'utilisation des thermocoup!es par rapport aux Pt100 (la tension générée par un thermocouple pour un écart de température de 1°C est environ 10 fois inférieure à celle d'une Pt100) est maintenant largement suffisante et permet d'apprécier le 1/100ème de degré celsius (KAYE).
La transformation de la lecture de tension en °C est maintenant effectuée en conformité avec les tables de linéarisation avec une précision de 0,06°C (KAYE).
Les erreurs de conversion analogiques/numériques, les dérives en température et à long terme des circuits électroniques, sont maintenant négligeables sur les appareillages de qualité (excepté panne détectable lors de l'étalonnage).

L'ETALONNAGE DE L'ENSEMBLE CAPTEUR-INSTRUMENT
Les erreurs dues à l'étalonnage du système de mesure ne doivent pas étre négligées. Un système d'étalonnage se compose généralement d'un étalon de température, lui-même étalonné (raccordé aux étalons nationaux), muni d'un certificat en cours de validité et dont la spécification d'incertitude (précision) entre deux étalonnages sera bien supérieure (x 4 au minimum) aux précisions finales recherchées ainsi que d'un (ou plusieurs) générateur(s) de température dont la stabilité et l'uniformité en température devront être spécifiés. En effet, lors de la comparaison successive de la lecture de l'étalon et de chaque voie de mesure du système, toute variation de température entraînera des erreurs d'étalonnage, d'où l'importance de la rapidité de comparaison conduisant à l'utilisation d'un système automatisé. De la même manière, !'uniformité de génération en température ainsi que la prise en compte de la différence de nature, donc de conduction, et l'évacuation thermique entre l'étalon et les capteurs de !a chaîne à étalonner devront être minimisés et quantifiés (cette erreur globale appelée incertitude de transfert d'étalonnage, est de 0,1°C pour un système KAYE).

CONCLUSION
La validation des procédés de stérilisation thermique nécessite des systèmes de mesure de température extrêmement précis. La précision de mesure absolue (incertitude totale de mesure) est la somme des erreurs individuelles à tous les stades de l'étalonnage du système par rapport aux étalons nationaux jusqu'à la prise de mesure elle-même. Il est donc nécessaire de choisir son matérie! et son système d'étalonnage avec circonspection (la spécification générale de précision de l'instrument n'est souvent qu'un leurre) et d'effectuer les étalonnages et les mesures selon un protocole (de préférence automatisé) prenant en compte les contraintes de manipulation et de connexion. D'autre part, toutes ces précautions s'avéreront inutiles si les procès verbaux de validation consignant les résultats sont entachés d'erreurs de report de valeurs, de graphiques ou de résultats de calculs. Un système fiable générant automatiquement des rapports est donc conseillé.

VictorFERNANDES
MB Electronique

Retour aux archives de la gazette du LABORATOIRE