Février 1997 - n°15
Pour répondre à ces questions, l'INSERM a réuni un groupe d'experts composé de médecins et chercheurs virologues, hépatologues, pédiatres, épidémiologistes, économistes de la santé et spécialistes des vaccins. Le groupe a analysé la littérature scientifique mondiale disponible sur le sujet, soit environ 1000articles. Cette analyse est assortie d'un certain nombre de recommandations.
Depuis l'identification il y a un peu plus de 30ans du premier virus hépatotrope, le virus B, cinq autres virus -A, C,D, E, et G- ont été caractérisés. Il ressort en premier lieu de cette expertise que l'importance des hépatites (prévalence, mode de contamination...) est sous-estimée en France. Pour cela, le groupe recommande le renforcement des structures permettant la surveillance des différentes hépatites. Celles-ci permettraient notamment de mieux évaluer l'importance en santé publique du virus de l'hépatite G, récemment identifié, et dont le pouvoir pathogène semble faible. Des chiffres de 2à 3% de personnes infectées dans la population générale ont été avancés.
En France, les problèmes majeurs sont ceux posés par les virus de l'hépatite B et C, qui peuvent induire une infection chronique susceptible de dégénérer en cirrhose suivie de carcinome hépatocellulaire, et à un moindre degré par celui de l'hépatite A.
Deux pour cent de la population française a été en contact avec le virus de l'hépatite B. Parmi cette population, 5à 10% des sujets vont développer une infection chronique. Ainsi, 100000à 150000individus seraient aujourd'hui porteurs chroniques en France. Les experts mettent l'accent sur l'importance de la vaccination de trois cibles: les nourrissons, les pré-adolescents et les sujets à risque (toxicomanes, homosexuels, sujets à partenaires multiples, professions de santé), pour assurer une protection optimale de la population. Or, il semble que depuis 1994, date de la mise en place de la vaccination systématique et gratuite par la médecine scolaire, 200000pré-adolescents sur les 900000prévus n'aient pas été vaccinés. Seulement 20à 30% des nourrissons seraient vaccinés aujourd'hui, du fait de la réticence des familles et de certains médecins. Les experts recommandent l'extension de campagnes d'informations sur la vaccination pour réexpliquer les critères qui ont permis aux autorités sanitaires de définir ces trois cibles pour la stratégie vaccinale.
La mise en cause du vaccin dans l'apparition de certaines manifestations neurologiques a conduit les autorités de santé à préciser qu'il n'y avait pas de preuves scientifiques, à la lumière des données actuelles rétrospectives, quant à l'imputabilité de ces manifestations au vaccin. La vaccination est cependant déconseillée aux sujets présentant des antécédents personnels de sclérose en plaque. Le groupe d'experts recommande la mise en place d'études cas-témoins prospectives pour confirmer les résultats déjà obtenus quant à l'innocuité du vaccin.
Le profil épidémiologique de l'infection par le virus de l'hépatite C est bien différent de celui de l'hépatite B. Dans 30% des cas, le mode de transmission demeure inconnu mais pourrait être en grande partie d'origine nosocomiale, c'est-à-dire une transmission en milieu hospitalier. Le risque de transfusion du virus dans la population générale semble plus limité que pour l'hépatite B, car la transmission par voie sexuelle est faible. On estime toutefois que 500000à 600000sujets ont été touchés par le virus en France. Quatre vingt pour cent de ces sujets seraient des porteurs chroniques. Cette forte prévalence est le résultat des contaminations transfusionnelles avant 1990. Depuis la mise en place de la recherche des anticorps anti VHC à cette époque, l'incidence des hépatites post-transfusionnelles a considérablement chuté: elle est estimée aujourd'hui à 1/220000dons (contre 1/15 en 1988).
Le problème majeur reste celui des toxicomanes par voie veineuse: 70% d'entre eux seraient infectés par le virus, selon certaines études. Aussi, le groupe d'experts recommande le renforcement des mesures préconisées dans les programmes de lutte contre la toxicomanie, par exemple la mise à disposition de seringues.
Pour limiter la transmission nosocomiale, les experts recommandent la plus grande vigilance dans l'application des mesures d'hygiène en milieu hospitalier et en médecine ambulatoire, notamment dans la désinfection des instruments utilisés lors d'examen invasifs (endoscopes et ustensiles de petite chirurgie). L'utilisation préconisée de matériel à usage unique doit permettre de réduire ce risque nosocomial qui existe pour l'hépatite B.
Il n'existe pas de vaccin disponible aujourd'hui contre le virus de l'hépatite C, la réalisation de celui-ci étant difficile du fait de la variabilité génétique du génome viral et de la faible immunogénicité des protéines d'enveloppe virale. Les recherches doivent donc être encouragées.
Quant au dépistage, s'il n'y a pas lieu de l'indiquer pour la population générale, le groupe d'experts recommande qu'il soit pratiqué chez tous les sujets présentant un risque de contamination (antécédents transfusionnels, contacts avec les patients infectés, toxicomanes), chez les femmes enceintes et les donneurs d'organes. La prise en charge du test sérologique anti VHC devrait être réservée à ces seuls sujets en attendant les résultats d'études "coût-efficacité" sur des campagnes de dépistage élargies.
Pour les hépatites B et C, les experts recommandent une mise en place précoce des traitements, sans attendre l'établissement de lésions hépatiques sévères et irréversibles. Les bi- ou tri-thérapies combinant plusieurs agents thérapeutiques antiviraux ou immunostimulants (interféron alpha, ribavirine, lamivudine, famciclovir...) doivent être encouragées et évaluées.
L'amélioration des conditions d'hygiène dans les pays industrialisés a provoqué une baisse de l'immunité naturelle dans l'ensemble de la population, et plus particulièrement chez les enfants. Les individus qui contractent l'hépatite A à l'âge adulte peuvent présenter des formes plus sévères que l'enfant. Aussi les experts recommandent de veiller à l'application de la vaccination des sujets les plus à même de favoriser la diffusion du virus dans les populations non protégées, c'est-à-dire les voyageurs se déplaçant dans les régions fortement endémiques et le personnel affecté à la restauration des collectivités particulièrement vulnérables (crèches, instituts d'enfants handicapés...).
INSERM, Bureau de l'Expertise collective,