Mars 1997 - n°16
Introduction
Les contaminations par les mycoplasmes restent le problème majeur des cultures cellulaires. Souvent difficile à détecter, car chronique et insidieuse, l'infection est souvent à l'origine d'une diminution de la croissance cellulaire, de modifications morphologiques et/ou cytologiques, ainsi que d'altérations de fonctions biologiques comme par exemple pour les hybridomes la sécrétion de molécules d'anticorps.
En général, on recommande que les cultures infectées soient isolées et remplacées par de nouvelles afin d'éviter la contamination d'autres lignées. Dans les cas où la lignée cellulaire est jugée irremplaçable, il est possible d'éliminer l'agent contaminant. En fait, par sa simplicité, le traitement des lignées contaminées se banalise, ne restant plus le privilège d'un nombre limité de laboratoires.
Ces dernières années, un grand nombre de méthodes ont été employées, mais dans la majorité des cas les résultats sont restés mitigés. Actuellement, les techniques de décontamination comprennent l'utilisation d'antibiotiques, de complément, d'anticorps divers (monoclonaux ou polyclonaux), de passages sur animal (souris nude), de cocultures en présence de macrophages de souris, de traitements plus ou moins spécifiques faisant appel à la trypsine, au S-bromouracil ou Hoechst 33258, à la culture en milieu solide (gel d'agar), etc..., la liste n'étant pas exhaustive. Cependant, parmi ces techniques, un nombre restreint permet d'obtenir des résultats convaincants.
La technique la plus prometteuse et apparemment la plus simple semble le traitement aux antibiotiques.
Actuellement les antibiotiques les plus couramment utilisés pour l'élimination des mycoplasmes des cultures cellulaires sont deux fluoroquinolones: le MRA (Agent de Suppression des Mycoplasmes) et la Ciprofloxacine ainsi qu'un macrolide la Tylosine.
L'étude relatée ci-après, porte sur le MRA et la TYLOSINE, successivement utilisés l'un à la suite de l'autre durant un cycle de dix jours.
Méthodologie
Culture cellulaire:
Notre étude porte sur 53hybridomes produits directement ou indirectement dans notre laboratoire(1). Au préalable les lignées cellulaires sont mises en culture à 37°C dans un incubateur à 5% de CO2 sous atmosphère humide dans du milieu complet RPMI1640 classiquement supplémenté en pyruvate, glutamine et glucose et additionné de 10% de sérum de veau foetal (SVF) sans antibiotique pendant une semaine.
Les lignées sont ensuite envoyées à l'Institut Pasteur, Laboratoire des Mycoplasmes pour un contrôle. 50% des lignées utilisées se sont révélées contaminées.
Tests de détection des
Mycoplasmes:
Les tests utilisés par le Laboratoire des Mycoplasmes avant et après les traitements sont les suivants:
- culture sur milieu acellulaire (agar),
- coloration de l'ADN mycoplasmique par le DAPI, technique utilisant la fluorescence,
- détermination de l'activité enzymatique (adénosine phosphorylase),
- test de PCR (polymerase chain reaction) utilisant pour révélation une sonde spécifique.
Pour qu'une lignée soit considérée infectée, il est nécessaire que l'un de ces quatre tests soit positif.
Décontamination:
Après 3 jours de culture dans un milieu RPMI1640 completSVF sans antibiotique, les cellules sont clonées selon la technique de dilution limite.
Le cycle de décontamination comprend une période de 7jours dans du milieu complet RPMI1640SVF comprenant 1% de MRA à 50µg/ml (ICN), suivi d'une période de 3jours dans du RPMI1640SVF complet SVF contenant 1% de Tylosine à 6mg/ml.
Les cellules sont ensuite cultivées dans du RPMI complet SVF sans antibiotique durant 6semaines. Par la suite, elles sont de nouveau recontrôlées à l'Institut Pasteur à l'aide des tests précédents spécifiques des mycoplasmes. Cette procédure a permis de décontaminer toutes les lignées d'hybridomes infectées par des mycoplasmes.
L'examen morphologique des cellules, ainsi que l'analyse de l'immunoréactivité des anticorps ont été retrouvés conformes à nos critères de validation.
Résultats et Interprétation
Cette étude nous démontre que les lignées cellulaires infectées de façon chronique peuvent être décontaminées efficacement par l'utilisation d'antibiotiques. En fait, il peut s'agir, soit d'un traitement pour une infection récente, soit d'une décontamination pour une infection chronique (l'agent contaminant pouvant être totalement éradiqué ou seulement réprimé).
Les résultats de décontamination des cultures cellulaires par l'utilisation de Tylosine, de Ciprofloxacine ou de MRA sont très variables, l'opération a réussi dans 85% des cultures traités par le MRA, 80% pour la Tylosine, 70% pour la Ciprofloxacine et dans 100% des cas en utilisant successivement dans une même culture, le MRA suivi de la Tylosine.
En outre, la décontamination a été totale et définitive. Six semaines après le traitement, aucun mycoplasme n'a été retrouvé dans les cultures estimées décontaminées.
Théoriquement, la méthode de traitement anti-mycoplasmique doit se révéler simple, efficace et dépourvue d'effets indésirables. La simplicité de l'éradication par les antibiotiques est évidente. Dans le cadre de notre expérience, les lignées cellulaires étaient cultivées dans des conditions identiques pendant la période de traitement, seuls les réactifs ont été rajoutés au milieu. Cependant, il faut reconnaitre que la décontamination par cette méthode s'avère être un travail long (selon le type de protocole utilisé, il faudra tenir compte de la durée du traitement, des 6semaines au minimum de suivi et de vérification). Pour suivre le traitement, la sensibilité des tests doit être optimisée pour chaque antibiotique. Néanmoins, dans le cas de tests de routine une très grande sensibilité n'est pas nécessaire.
Une haute efficacité est également requise ; son importance est illustrée par les bons résultats de notre expérience: 100% des cultures ont été désinfectées par l'utilisation conjuguée du MRA puis de la Tylosine.
Dans le cadre d'un travail quotidien de culture cellulaire, il est important de se prévenir d'éventuelles conséquences indésirables dues à l'utilisation systématique d'une couverture d'antibiotiques spécifiques anti-mycoplasmiques.
Ainsi doit-on surveiller l'émergence de foyers mycoplasmiques résistants.
Des altérations du phénotype des eucaryotes sont également possibles. Il est quasiment obligatoire d'utiliser des méthodes de détection éprouvées, à intervalles de temps réguliers, de façon à examiner les cultures désinfectées et faire face aux possibles réémergences d'agents contaminants. Ceci permettra d'exclure tous risque de réinfection.
Conclusion
En conclusion, grâce à son efficacité et à sa simplicité d'utilisation, notre protocole de traitement aux antibiotiques (MRA et Tylosine) s'est avéré un outil efficace pour une éradication totale et durable des mycoplasmes des cultures cellulaires contaminées (53lignées d'hybridomes ont été traitées).
100% des cultures ont été désinfectées par l'utilisation conjuguée du MRA puis de la Tylosine.
Mr Jean KADOUCHE
Service d'Oncohématologie
Hôpital LAENNEC