Juin 1998 - n°29
L'IRM pour tous ?
Le LIME, Laboratoire d'Instrumentation, Micro-informatique et Electronique de Grenoble, dirigé par Jean-Marc FOURNIER travaille à la mise au point d'un appareillage d'IRM ayant comme caractéristique de fonctionner en bas champ magnétique (0.1 Tesla) et d'être de taille réduite. Ce projet est fait en partenariat avec :
- le professeur CONSTANTINESCO, directeur du service de médecine nucléaire au CHU de Strasbourg et pionnier dans la recherche sur l'IRM à bas champ
- le CNRS avec en particulier : -Guy AUBERT (Directeur Général du CNRS jusqu'à il y a quelques mois)- le service du SERAS (Bureau d'études)
- la société UGIMAG qui fournit les aimants utilisés.
Ce projet concerne six personnes du LIME et trois personnes de Strasbourg.
IRM, une aide au diagnostic
L'IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) est un moyen de diagnostic d'image permettant d'obtenir, sans irradiation, des coupes internes d'organismes. C'est en cela un bon complément des techniques d'échographie et des rayons X car ces deux techniques utilisent des variations de densité de la matière alors que l'IRM utilise les propriétés d'interaction entre le proton et son environnement chimique. En pratique, trois champs magnétiques sont appliqués à l'échantillon à analyser :
- un premier (B0), fixe, servant à aimanter le noyau (action sur les protons).
- un deuxième (B1), perpendiculaire à B0 et d'une fréquence égale à la fréquence propre du proton dans le champ B0, il fait donc basculer le proton. La relaxation du phénomène est le signal de RMN que l'on récupère et qu'on analyse.
- un troisième, sous forme de gradient de champ magnétique, pour coder l'espace et passer du signal spectroscopique à un signal d'image en trois dimensions.
Une haute technicité
Une condition nécessaire à la technique est un champ B0 extrêmement homogène, ce qui, sur un grand volume, est très difficile à obtenir. La politique des grands constructeurs a donc été de développer des IRM "corps entier" avec du matériel basé sur l'obtention d'un champ magnétique fort car le signal augmente avec le champ. Ils utilisent alors des bobines en supraconducteur, ce qui nécessite des bâtiments spéciaux pour l'installation, un personnel qualifié pour l'utiliser et des coûts de fonctionnement très élevés : dix millions de francs à l'achat et environ un million de francs par an pour l'utilisation (il faut notamment de l'hélium liquide autour des bobines en supraconducteur).
A l'heure actuelle, 99% des appareillages IRM sont utilisés dans le domaine médical ce qui représente un pool d'environ 10 000 machines dans le monde dont 50% aux Etats Unis. En France, on les trouve uniquement dans les CHU. Les champs magnétiques appliqués sont de un Tesla environ. Quelques constructeurs proposent des IRM "corps entier" à aimant mais le poids reste très élevé (10 à12 tonnes).
Le travail du LIME est d'optimiser la mesure du signal IRM non pas en augmentant le signal (par augmentation du champ magnétique) mais en diminuant le bruit de fond et en optimisant la géométrie de la source de champ. Ceci permet de réduire les champs magnétiques, d'utiliser des aimants permanents à la place des supraconducteurs, et donc de baisser les coûts de production et d'utilisation ainsi que de minimiser l'influence des ondes électromagnétiques sur l'organisme.
Un nouveau marché ?
L'étude s'est basée au départ sur le brevet d'Aubert. Le but à court terme était de maîtriser la génération de champs magnétique très homogènes par des aimants permanents dans le but de réaliser des imageurs dédiés (de petite taille) de coût et d'encombrement réduits. Ceci permet de ne pas concurrencer les grands groupes sur le marché actuel des IRM "corps entier" mais d'ouvrir d'autres secteurs à cette technique :
- Biologie et recherche pharmacologique (expériences sur petits animaux)
- Vétérinaire
- Agro-alimentaire (vérification de la qualité des aliments)
- Médecine des membres
- Utilisation des gaz rares pour examens internes des poumons ou des vaisseaux sanguins.
En cas de succès de cette technique dans ces nouveaux domaines, celle-ci pourrait être appliquée en médecine corps entier.
En France, l'IRM à bas champ est au stade du prototype. Au LIME, deux prototypes sont mis au point.
-prototype n°1 : en cylindre (assemblage de l'aimant en cours au 12/97)
-prototype n°2 : en deux galettes (assemblage prévu en Mars 98)
Ces deux prototypes ont 18 cm d'espace utile, 140 kg d'aimant et un champ de 0.1 Tesla. Ils sont très innovants de par leur légèreté et leur champ très bas.
Des images ont déjà été obtenues à 0.1 Tesla à Strasbourg avec une résolution et une rapidité comparables à celles obtenues en IRM classique (environ deux secondes pour une image en coupe).
De plus, il faut savoir qu'en Italie la commercialisation d'un appareil d'IRM à bas champ a déjà été lancée par la firme ESAOTE-BIOMEDICA. Les caractéristiques de cette machine sont : un espace utile entre les aimants de 18 cm, une masse de 1000 kg d'aimant, et un champ de 0,18 Tesla. Ce nouveau produit a connu un franc succès lors de sa première année de mise sur le marché car cent appareils ont été vendus.
L'IRM à bas champ, de part les résultats encourageants qu'elle connaît actuellement, peut laisser présager d'un changement d'état d'esprit dans les domaines médicaux et industriels quant à la nécessité d'un champ magnétique intense. Ce changement pourrait aussi être motivé par des coûts d'achat et d'utilisation fortement réduits.
Même si le concept semble être au point, les recherches restent actives et permettent d'espérer des améliorations en ce qui concerne les bobines, la cinétique de traitement du signal, l'homogénéité du matériel magnétique.
Frédéric Chapuis
Eve Coste