Janvier 2001 - n°54

La Projection Plasma

par Paul LUCCHESE - CEA Tel : 01.69.26.77.80 / Fax : 01.69.26.70.02 / lucchese@cea.fr

et Michel JEANDIN - Ecole des Mines de Paris Tel : 01.60.76.30.33 / Fax : 01.60.76.31.50 / jeandin@mat.ensmp.fr

La projection plasma appartient à la famille des procédés de projection thermique. Différentes techniques de projection plasma existent, adaptées aux divers milieux réactionnels (sous pression atmosphérique, sous pression réduite, en atmosphère inerte, en milieu chimiquement réactif...).

Zoom sur ces procédés pour lesquels les applications industrielles ne cessent de se multiplier, dans des secteurs d'activités très diversifiés.

La projection thermique, une technique déjà ancienne

C'est en observant le dépôt provoqué par l'impact d'une balle de plomb contre un mur en ciment que le Docteur SCHOOP, ingénieur suisse, eut l'idée en 1909 de projeter du plomb fondu avec un vaporisateur, puis du plomb sous forme de poudre à travers une flamme. La projection thermique était née et a rapidement été mise en application.

Qu'est-ce qu'un plasma ?

Le plasma ou "quatrième état de la matière, est un milieu ionisé, c'est-à-dire constitué d'un mélange d'ions, d'électrons et d'espèces neutres, excitées ou non. Cet état est l'état normal pour plus de 99 % de la matière de l'Univers. Selon le degré d'ionisation du milieu et sa densité, on peut distinguer schématiquement trois types de plasmas :

- les plasmas de fusion : ce sont les milieux totalement ionisés. Ces plasmas sont les plus fréquents dans l'Univers (étoile, soleil) ; ils sont présents lors de l'explosion d'une charge thermonucléaire. Leur température caractéristique est de quelques dizaines de millions de degrés.

- les plasmas thermiques ou intermédiaires : milieux faiblement ionisés (20 % maximum) et suffisamment denses pour que toutes les espèces présentes aient la même température, de 4000 à 50 000 K. Ce sont ces plasmas que l'on utilise pour la projection.

- les plasmas "froids" : milieux faiblement ionisés et peu denses de sorte que seuls les électrons ont une température élevée. Ce plasma nous est familier, puisqu'il est présent dès lors que l'on allume un tube à néon, en d'autres termes un tube fluorescent.

Du procédé général de projection thermique à la projection plasma

La projection thermique consiste à projeter en fines particules et sur une surface préalablement préparée, un produit solide, fondu ou ramolli, au moyen d'une source de chaleur. Au cœur de ce principe physique : une installation utilisant l'énergie de combustion d'un mélange d'oxygène et de gaz (oxy-gaz) ou d'un jet de plasma.

Cette technique s'est considérablement développée, notamment après la seconde guerre mondiale, grâce à l'émergence des industries aéronautiques et plus précisément de leurs motoristes. Des sociétés comme General Electric, Pratt et Whitney aux USA, Snecma, Turbomeca ou Rolls-Royce en Europe ont mis au point des procédés de revêtements métalliques des pales de turbines afin de les protéger contre la corrosion à chaud et à l'usure.

Il y a environ 35 ans, le jet de plasma à flamme très chaude et à haute vitesse commence à être utilisé avec succès comme source de chaleur pour la projection.

En France, dès 1960, la SNECMA développe et fait breveter un générateur plasma pour ses propres besoins, brevet repris ultérieurement par la société suisse PLASMA-TECHNIK SULZER A.G. tandis qu'à la même époque, des sociétés américaines commercialisent en Europe les premières installations de projection plasma. Dès lors, la projection plasma va connaître un succès croissant et un champ d'applications qui s'élargit continuellement.

Le principe de la projection plasma

Le principe de base de la projection plasma est relativement simple. Une torche est constituée de deux électrodes : une cathode conique à l'intérieur d'une anode cylindrique constituant une buse.

Un gaz inerte (habituellement de l'Argon, éventuellement mélangé avec de l'hydrogène ou de l'hélium) circule entre les deux électrodes où il est ionisé pour former un plasma. Un tube introduit, dans le jet de plasma précédemment créé, le matériau à projeter sous forme de poudre, porté lui-même par un gaz neutre. Un réfrigérateur, généralement de l'eau sous pression, refroidit les électrodes pour éviter leur échauffement et leur destruction.

La température du jet de plasma généré, nettement supérieure à celles des autres procédés, permet de projeter une large variété de matériaux, à la seule condition qu'il existe un écart d'au moins 300° C entre la température de fusion et celle d'évaporation ou de dissociation du matériau.

Les particules arrivent sur le "substrat" dans un état de fusion avancée, à des vitesses importantes, de l'ordre de quelques centaines de m/s. Elles s'écrasent sur le dépôt et se refroidissent très rapidement, puis s'empilent les unes sur les autres réalisant ainsi progressivement un dépôt de quelques 10µm à plusieurs centimètres d'épaisseur.

Soulignons que de nombreux paramètres peuvent influencer la technique de projection plasma ; on en dénombre jusqu'à 60 différents ! Certains d'entre eux peuvent être contrôlés par l'opérateur comme l'intensité de courant, les débits ou les compositions des gaz ; d'autres ne sont pas directement maîtrisables : la tension des électrodes, l'efficacité du refroidissement, l'usure des électrodes... autant de paramètres dont dépend la qualité finale du dépôt!

Différents procédés de projection plasma

- l'A.P.S. : Atmosphere Plasma Spraying (projection atmosphérique) : procédé le plus simple, mais qui pose problème pour les matériaux oxydables.

- le V.P.S. : Vacuum Plasma Spraying (sous vide)

- le L.P.P.S. : Low Pressure Plasma Spraying (sous pression réduite), procédé intéressant car il permet d'allonger la flamme Plasma, d'éviter les problèmes d'oxydation et de permettre un traitement préalable de la pièce (préchauffage, dégazage)

- le R.P.S. : Reactive Plasma Spraying (sous atmosphère réactive ; par exemple, en présence de N2 pour nitrurer un matériau)

- le I.P.S. : Inerte Plasma Spraying (quand l'atmosphère est contrôlée, par exemple : l'air remplacé par un gaz neutre).

- le H.P.P.S. (High Pressure Plasma Spraying), dont le concept repose sur une légère augmentation de pression pour favoriser le transfert de chaleur.

- enfin, le procédé A.T.C. (Atmosphère et Température Contrôlées), particulièrement intéressant dans le cas de matériaux thermosensibles, tels que des matériaux composites. Mis au point par le CEA et objet d'un brevet, il permet de conserver le substrat à température ambiante.

Signalons enfin quelques autres procédés : la projection par plasma inductif où le plasma n'est plus généré par un arc électrique entre deux électrodes, mais par un champ électromagnétique haute fréquence (quelques mégahertz) ; les procédés mixtes utilisant le plasma d'arc et le plasma inductif, au niveau des techniques de projection ; les coprojections de céramiques ou fibres avec des poudres métalliques qui générent de nouveaux matériaux où les particules céramiques sont dispersées dans une matrice métallique.

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