Février 2002 - n°65
Concepts de filtration fondamentaux
PALL Life Sciences Groupe Laboratoire
Mme AUBERTIN
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E-mail : aline_aubertin@pall.com
http://www.pall.com/lab
La filtration est une science qui se caractérise par un volume d'informations
croissant, une terminologie propre et un savoir-faire particulier. Nous vous
proposons au travers cet article une compilation de ces concepts fondamentaux.
Zoom sur les aspects de base de la technologie de filtration et sur les nombreuses
propriétés des médias filtrants dont dépendent
souvent les performances du filtre et qui, par conséquent, conditionnent
le choix de la membrane ou de l'unité en fonction de l'application
visée.
Filtration en profondeur ou filtration sur membrane ?
• La notion de filtration en profondeur
décrit un processus où les contaminants sont retenus dans la
profondeur et à la surface du média filtrant.
Avantages : faible coût, importants volumes filtrés
avant colmatage, grande capacité de rétention des impuretés,
protection des filtres finaux, élimination d'une large gamme de tailles
de particules.
Inconvénients potentiels : migration du média
(relarguage), seuil de filtration nominal, relarguage des particules en présence
d'une pression différentielle élevée.
• La notion de filtration sur membrane
fait référence à un processus où les contaminants
dont la taille est supérieure à celles des pores sont retenus
à la surface de la membrane.
Les contaminants dont la taille est inférieure à celles des
pores peuvent quant à eux, soit traverser la membrane, soit être
retenus dans la membrane par un autre mécanisme.
Les membranes filtrantes sont utilisées dans des applications critiques,
comme la stérilisation ou la filtration finale.
Avantages : seuils de filtration absolus en dessous du micron,
rétention de bactéries et de particules (selon la taille des
pores), généralement faible niveau d'extractibles et possibilité
de tester l'intégrité.
Inconvénients : débits plus faibles qu'avec
des médias en profondeur, coût plus élevé que les
médias en profondeur
• La filtration combinée
met en œuvre simultanément des membranes avec différentes
tailles de pores, ou assemble des médias en profondeur et des filtres
membranes. Elle peut constituer une alternative économique à
l'usage de préfiltres et de filtres finaux individuels.
Compatibilité chimique
La compatibilité chimique est la capacité d'un matériau filtrant à résister à certaines matières chimiques sans que la structure poreuse soit affectée par cette exposition et sans que le matériau du filtre ne relargue des particules ou des fibres, ni qu'il n'ajoute des extractibles au filtrat. Afin de choisir les matériaux et les corps de filtre adéquats, il est nécessaire de déterminer la compatibilité des composants du filtre avec le fluide traité. La température, la concentration, la pression appliquée et la durée de l'exposition influencent cette compatibilité.
Hydrophile ou hydrophobe ?
• Les filtres hydrophiles ont
une affinité pour l'eau. Les gaz traversent librement une membrane
hydrophile sèche.
Virtuellement, les filtres hydrophiles peuvent être mouillés
par n'importe quel liquide ; ils sont le média filtrant de prédilection
pour les solutions aqueuses. Une fois mouillé, un filtre hydrophile
ne permet plus le libre passage des gaz jusqu'à ce que la pression
appliquée soit supérieure au point de bulle et que le liquide
soit expulsé de la membrane.
• Les filtres hydrophobes n'ont
pas d'affinité pour l'eau, ou la repoussent. Ils ne se mouilleront
pas avec de l'eau, mais avec des liquides à faible tension superficielle,
tels que les solvants organiques. Les solutions aqueuses passent également
au travers d'un filtre hydrophobe s'il a été au préalable
mouillé par un solvant. Les filtres hydrophobes sont particulièrement
adaptés à la filtration des gaz et aux évents ainsi qu'à
la filtration de solvants organiques.
Notons que l'eau ou les solutions aqueuses peuvent traverser un filtre hydrophobe
lorsque la pression minimale de passage de l'eau est atteinte.
Seuil de filtration
Le seuil de filtration se réfère à la taille d'une
particule, ou d'un organisme spécifique, qui est retenue par le média
filtrant avec un degré d'efficacité spécifié.
Cette caractéristique peut être indiquée sous forme de
seuil nominal ou de seuil absolu. Il est généralement indiqué
en micromètres (µm).
• Le seuil de filtration nominal
décrit la capacité du média filtrant à retenir
la majorité des particules (60 - 98%) dont la taille est égale
ou supérieure au seuil de filtration. Les conditions de process, comme
la pression de fonctionnement ou la concentration des contaminants, ont une
influence significative sur l'efficacité de rétention du filtre.
Attention : la définition du seuil de filtration diffère considérablement
selon les fabricants.
• Le seuil de filtration absolu
se réfère à la taille du plus petit organisme qui sera
retenu avec une efficacité de 100 % dans des conditions d'essai très
précisément définies. Parmi ces conditions spécifiques,
il faut citer : l'organisme test (ou la taille particulaire), la pression
d'essai, la concentration et la méthode de détection appliquée
pour identifier le contaminant.
Le tableau ci-dessous contient quelques organismes test typiques, définissant
le seuil de filtration spécifique des membranes :
Média filtrant à seuil absolu (taille de pores) |
Organisme test |
0,1 µm | Acholeplasma laidlawii |
0,2 µm | Brevundimonas diminuta |
0,45 µm | Serratia marcescens |
0,8 µm | Lactobacillus species |
1 µm | Candida albicans |
Extractibles
Les extractibles sont des contaminants qui, élués du média
filtrant ou de l'unité, peuvent affecter la qualité de l'effluent.
Parmi ces contaminants, il peut y avoir des agents mouillants contenus dans
le média filtrant, des résidus de stérilisation (oxyde
d'éthylène), des adhésifs ou des additifs contenus dans
les polymères ou les composants du corps de filtre (colorants, lubrifiants
de moule…). Le type et la quantité d'extractibles varient avec
la nature du liquide filtré.
Les extractibles peuvent affecter pratiquement toutes les applications :
- en analyse HPLC, ils peuvent ajouter des pics parasites
- en culture de cellules, ils peuvent causer de la cytotoxicité (tuer
des cellules)
- en analyse microbiologique, ils peuvent inhiber la croissance et affecter
la récupération des micro-organismes
- en analyse environnementale, ils peuvent être détectés
comme étant des polluants supplémentaires.
La quantité des composants extractibles, susceptibles de contaminer
ensuite le fluide, peut être minimisée par un rinçage
préalable suffisant.
Adsorption
L'adsorption est la capacité des substances à avoir une affinité avec le média filtrant ou avec d'autres composants du filtre. Elle peut être une propriété désirable (comme dans le cas de l'adsorption de protéines ou d'acides nucléiques sur certaines membranes de transfert microporeuses) ou indésirable (comme dans le cas de l'adsorption de protéines pendant la filtration de solution protéiques, qui conduit parfois à la perte de substances actives en cours de filtration).
Stabilité thermique
La stabilité thermique est la capacité du média filtrant
et des composants d'une unité à conserver leur intégrité
et leur aptitude fonctionnelle à une température élevée.
La stabilité se mesure par la détermination de la température
d'utilisation maximale dans des conditions spécifiées.
La stabilité thermique est importante en vue de la stérilisation
du filtre ou de l'unité, par exemple à l'autoclave. Certains
médias et unités de filtration ne peuvent être autoclavés
en raison d'une stabilité thermique insuffisante. Il faut aussi se
rappeler la relation entre la compatibilité chimique et la stabilité
thermique ; un type de média filtrant peut être compatible avec
une substance chimique à température ambiante, alors qu'il ne
le sera plus à une température plus élevée.
Débit et volume filtré avant colmatage
Le débit et le volume filtré avant colmatage sont deux mesures
liées entre elles, caractérisant les performances des médias
et des unités de filtration. Un grand nombre de variables entrent en
ligne de compte, parmi lesquelles :
• La pression différentielle (perte
de charge) : différence entre la pression du système
avant le filtre (pression en amont) et celle du fluide ayant quitté
le filtre (pression en aval). Dès que le filtre commence à se
colmater, la pression en amont et la pression différentielle augmentent.
• La viscosité définit
la résistance à l'écoulement du liquide. Plus la viscosité
d'un liquide est élevée, plus le débit est faible et
plus la pression différentielle nécessaire pour obtenir un débit
donné est importante.
• La porosité est la mesure
de tous les espaces vides (pores) présents dans la membrane. En général,
les membranes sont constituées de 50 à 90 % d'espaces vides.
Le débit est directement proportionnel à la porosité
de la membrane (plus de pores = débit plus élevé).
• La surface de filtration : taille
du média ou de l'unité de filtration dont dépend la surface
utile de filtration. Cette valeur désigne la surface filtrante véritablement
utilisable pour la filtration - plus la surface de filtration est grande,
plus le débit à une pression différentielle donnée
est rapide et plus le volume filtré avant colmatage sera important
pour une solution donnée.
Exemple :
Rapport entre
la surface de filtration, le débit et le volume filtré
avant colmatage |
|||
Unités avec membrane
Supor 0,2 µm |
Surface de filtration (cm2) |
Débit d'eau nominal (l/mn à 0,7 bar) |
Volume avant colmatage** (l) |
Filtre embout de seringue Acrodisc“ 25 mm | 2,8 |
0,039 |
0,1 |
Unité AcroCap‘ | 15 |
0,20 |
2 |
Capsule SpiralCap“ PF | 250 |
0,80 |
12 |
Capsule SuporCap‘ 50 | 500 |
9,0 |
25 |
Capsule SuporCap 100 | 1000 |
17,4 |
50 |
** Estimation de volume filtré avant colmatage en filtrant du milieu RPMI à 10% de sérum de veau
• La configuration des médias
et unités de filtration : des membranes disques aux filtres
embouts de seringue en passant par les grandes capsules de filtration : les
médias et les unités de filtration sont disponibles dans une
grande variété de tailles et de configurations..
Les unités de filtration jetables comme les filtres
embouts de seringue et les capsules sont les dispositifs les plus pratiques
pour filtrer toute sorte de volumes d'échantillons. Généralement,
ces unités sont composées d'une membrane intégrée
dans un corps en polymère muni de raccords faciles à fixer sur
l'entrée et/ou la sortie d'une seringue, d'un tube ou d'un tuyau. Elles
sont préstérilisées, prêtes à l'emploi et
prévues pour un usage unique.
Les membranes disques représentent une seconde configuration
courante des produits de filtration. Elles sont installées par l'utilisateur
final dans un dispositif en acier inoxydable ou dans un corps de filtre en
polymère. Du point de vue du coût du matériel, la membrane
disque est moins chère, mais avec cette méthode, l'utilisateur
final doit monter le filtre intégralement (c'est-à-dire sans
by-pass) dans le support et, souvent, stériliser le système
de filtration avant usage.
Tous ces paramètres doivent être pris en compte pour choisir
la membrane ou l’unité de filtration la plus adaptée à
votre application car ils conditionnent les performances de ceux-ci.
Détermination des performances d'un filtre
Pour vous aider à savoir si un filtre conviendra à votre application,
les fabricants se basent sur différents tests pour mesurer et vérifier
ses performances dans certaines conditions.
Tests de sécurité biologique
: une série de tests est réalisée selon la méthode
définie par l'USP (United States Pharmacopoeia). Les matériaux
composant les filtres sont mis en contact avec des solutions test stimulant
la plupart des liquides du corps. Des échantillons sont ensuite soumis
à des contrôles pour détecter la présence de "lixiviables"
potentiels. Ces essais servent à déterminer si les substances
susceptibles d'être extraites par lavage sont capables d'induire un
niveau mesurable de toxicité systémique, des irritations cutanées
localisées, une réaction de sensibilisation ou d'autres réactions
biologiques.
Des essais comme les test de classe VI de l'USP sur les plastiques garantissent
qu'il n'y a pas de réactions indésirables avec les solutions
test exposées aux matériaux à une température
de 121°C.
Pyrogénéité : propriété
d'une substance à augmenter la température du corps dans lequel
elle est injectée. Les matériaux de filtration entrant en contact
avec des fluides injectables doivent correspondre à des normes de pyrogéniété,
et être classés dans la catégorie non-pyrogène.
Le pyrogéniété peut être déterminée
au moyen d'essais standard comme le test Limulus Amoebocyte Lysate (LAL).
Point de bulle : mesure de la pression
d'air nécessaire pour forcer le liquide à travers le plus grand
pore mouillé d'une membrane. Il indique la taille des pores et décrit
la capacité du filtre à servir de barrière aux particules.
Le point de bulle dépend du liquide utilisé pour mouiller la
membrane ; pour une taille de pores donnée, le point de bulle sera
plus élevé avec un liquide à tension superficielle importante
(comme l'eau) qu'avec un liquide à tension superficielle faible (comme
l'isopropanol). La valeur du point de bulle est définie quand le pore
le plus grand laisse passer une bulle ; plus le pore est grand, moins la pression
nécessaire pour former la bulle est élevée. Elle est
exprimée en bar (ou en psi) pour les membranes.
Pression minimale de passage de l'eau (Water
Breakthrough) : mesure de la pression nécessaire pour faire
passer de l'eau à travers le plus grand pore d'un filtre hydrophobe
sec. Elle sert d'indication de la taille des pores d'une membrane hydrophobe
et décrit la capacité d'un filtre de servir de barrière
à l'eau. Plus la taille des pores est importante, moins la pression
requise pour forcer l'entrée de l'eau est élevée. Elle
est exprimée en bar (ou en psi).
Débit d'eau : mesure de la quantité
d'eau qui passe à travers un filtre. Elle est liée au degré
de contamination, à la pression différentielle, à la
porosité totale et à la surface de filtration. Elle est exprimée
en ml/mn/cm2.
Débit d'air : mesure de la quantité
d'air qui passe à travers un filtre. Elle est liée au degré
de contamination, à la pression différentielle (perte de charge),
à la porosité totale et à la surface de filtration. Dans
l'industrie des membranes, elle est exprimée an l/mn/cm2
à une pression donnée.
Test DOP : mesure de l'efficacité
d'un filtre en termes de rétention des particules présentes
dans l'air, sur la base de la rétention des gouttelettes d'aérosol
de dioctyl phthalate (DOP) calibrées à 0,3 µm, selon la
méthode ASTM D 2986-71. Elle est généralement exprimée
en pourcentage. Une rétention de 99,97% de DOP caractérise un
filtre HEPA (haute efficacité pour les particules dans l'air).
Rendement du filtre : mesure de la quantité
de particules retenues par un filtre en fonction du nombre total et de la
taille des particules de test et de la pression différentielle. Elle
est généralement exprimée en pourcentage de rétention
d'une taille de particule pré-déterminée à une
concentration donnée. Dans le cas de bactéries, cette valeur
de réduction du nombre de germes peut être exprimée en
log (forme logarithmique).
Durée de vie du filtre : mesure
de la durée d'utilisation du filtre sur la base de la quantité
d'un contaminant standard requise pour provoquer une augmentation de la perte
de charge à un niveau inacceptable - qui est généralement
de 2 à 4 fois la pression différentielle initiale-, ou générer
une diminution de 50 à 80 % du débit initial, ou encore, la
détection en aval d'une particule inacceptable.