Novembre 2002 - n°72
Comment améliorer le traitement de l’air
intérieur ?
Des alternatives à la filtration : ozonisation, irradiation UV et technique
plasma Partie II/II
Hélène CLAUDE(1,2) , Pr Jean-Louis BRISSET(1) , M. STÖRK(2)
(1) LEICA / Université de Rouen – Mont Saint Aignan :
(2) Société AIRMES Génie Climatique
Pour contrôler l’aérocontamination, la filtration de l’air
demeure le moyen le plus utilisé à l’heure actuelle. Cependant,
du fait de certaines limitations, engendrées notamment par le colmatage
des filtres, de nouvelles solutions ont été recherchées.
C’est ainsi qu’ont émergé certaines techniques dont
le potentiel est particulièrement prometteur ; parmi celles-ci : l’ozonisation
et l’irradiation UV - qui vous ont été présentées
tout dernièrement dans La Gazette du Laboratoire -, mais aussi les
procédés plasmas, auxquels nous consacrons le présent
article…
Les plasmas se sont placés en première ligne de la recherche
ces dernières années. Dans plusieurs secteurs tels que l’analyse
chimique ou le traitement de surface, leurs applications sont d’ores
et déjà solidement implantées ; dans d’autres domaines,
elles sont au cœur de développements très intéressants.
Ainsi, en est-il de la stérilisation où l’efficacité
de la technique plasma a été prouvée et sa mise en œuvre
appliquée sur plusieurs dispositifs médicaux sensibles…
La désinfection de l’air, aujourd’hui à l’étude,
constitue un nouvel axe tout aussi prometteur...
QU’EST-CE QU’UN PLASMA ?
Un plasma est un système statistique formé de particules chargées
et de particules neutres. 99 % de l’Univers est constitué de
plasmas (soleil, nébuleuses, enveloppes stellaires…) ; néanmoins,
les plasmas n’existent pas à l’état naturel sur
terre.
On dit généralement que le plasma est le 4e état de la
matière. Il peut-être créé artificiellement par
ionisation d’un gaz. Pour cela, il faut apporter de l’énergie
afin d’arracher des électrons aux particules de gaz et obtenir
ainsi un système d’ions, d’électrons et d’atomes
; ensemble globalement neutre de particules qui bougent aléatoirement
dans toutes les directions. Le retour des molécules excitées
à leur état initial génère l’émission
d’un rayonnement électromagnétique ; lueur caractéristique
du plasma...
Il existe deux types de plasmas :
- Les plasmas thermiques ou plasmas chauds : La pression du gaz est relativement
élevée ce qui augmente le nombre de collisions entre les particules
(neutres, excitées, non excitées, ionisées) et favorise
la transmission de l’énergie. Il en résulte un plasma
en équilibre thermodynamique, autrement dit, dont toutes les particules
ont pratiquement la même quantité d’énergie.
- Les plasmas non thermiques ou plasmas froids : Ils apparaissent sous des
pressions réduites. Sous ces conditions, le parcours moyen est tellement
long qu’il ne peut se produire de transmissions d’énergie
importantes entre les particules que par collision d’électrons
; aucun équilibre thermique n’est donc réalisable.
Les plasmas froids sont les plasmas les plus utilisés pour leurs propriétés
germicides.
LES PLASMAS FROIDS
Dans une enceinte confinée, en général sous vide partiel,
il est possible de transférer de l’énergie à un
gaz plasmagène (gaz ou mélange de gaz propre à générer
relativement facilement un plasma) en créant une décharge électrique
:
- soit par un système avec électrodes (décharge sous
champ électrique de type luminescente, à basse pression, ou
de type couronne sous la pression atmosphérique) ;
- soit par un système sans électrodes (décharge sous
champ électromagnétique variable de hautes fréquences
ou micro-ondes).
Grâce à la conception adéquate du système et au
choix approprié des gaz et vapeurs qui permettent de générer
le plasma, il est possible d’atteindre une température ambiante
assez basse, même en milieu hautement réactif.
Par ailleurs, les espèces actives, capables de détruire rapidement
les micro-organismes, ne sont créées que lorsque le système
est mis sous tension et sont immédiatement éliminées
lorsque la puissance d’entrée est coupée. Il n’existe
par conséquent aucun danger pour l’environnement une fois le
processus terminé. De plus, une sélection soigneuse des gaz
et des vapeurs précurseurs permet d’obtenir des résidus
ou sous-produits non toxiques.
LES PROPRIETES BACTERICIDES DES PLASMAS
De nombreuses études ont été réalisées
concernant les propriétés bactéricides ou virulicides
des plasmas, sur des micro-organismes de référence tels que
Eschérichia coli, Bacillus subtilis, Candida albicans, Streptococcus…
Deux objectifs à ces études : le choix du gaz plasmagène,
d’une part ; l’efficacité et le temps de stérilisation
pour les micro-organismes, d’autre part.
L’efficacité des différents
gaz
La vapeur ou le gaz précurseur choisi pour générer
le plasma est un facteur fondamental ; il conditionne en effet, non seulement
la nature des espèces anti-microbiennes éliminées, mais
également les facteurs de toxicité tels que les résidus
et les sous-produits chimiques résultants du processus de stérilisation.
Il faut donc choisir des précurseurs dont les éléments
de bases sont des composés simples et non toxiques tels que O2,
H2O et H2. Bien entendu,
il faut également que soient présentes dans le plasma des espèces
actives connues pour avoir une activité sporicide élevée,
telles que OH, HO2, O et H . Les gaz inertes monoatomiques
tels que l’hélium et l’argon ne sont généralement
pas utilisés ; à basse température, leurs activités
sporicides étant nettement inférieures à celles des radicaux
précédemment cités.
La comparaison entre les différents gaz précurseurs montre que
le peroxyde d’hydrogène a la plus grande activité sporicide.
Les différents facteurs
Le plasma permet une épuration à pression atmosphérique
grâce au principe de la décharge couronne, tout en opérant
à température ambiante grâce à la technique des
plasmas froids.
La toxicité de cette technique est faible si le gaz précurseur
est convenablement choisi et son éventail d’applications est
particulièrement large : bactéries, virus, champignons, spores…
A noter, enfin, que de nombreuses études ont prouvé que 15 minutes
en moyenne suffisent pour obtenir 95 % d’épuration avec un plasma
au peroxyde d’hydrogène.
PLASMA DU PEROXYDE D’HYDROGENE
De nombreuses études portent effectivement aujourd’hui sur l’utilisation
du plasma au peroxyde d’hydrogène (H2O2).
Un procédé qui repose sur le pouvoir bactéricide de H2O2
activé sous forme de plasma froid. Les espèces hyperactives
formées sont capables de rompre les fonctions vitales des micro-organismes,
en particulier au niveau des acides nucléiques et des membranes cellulaires.
Le traitement plasma s’attaquerait donc à la structure atomique
de l’organisme. Les éléments activés constitutifs
du plasma sont des atomes d’oxygène, d’hydrogène,
de l’oxygène dans son état excité et des radicaux
OH .
D’après les produits de dissociation connus de H2O2,
le mécanisme générateur du mélange réactif
d’un plasma de peroxyde d’hydrogène peut être écrit
d’une façon simplifiée comme suit :
L’effet bactéricide du plasma est donc dû à la combinaison
de l’action des radicaux et des particules excitées associée
à l’action des rayonnements UV. L’intérêt
de cette combinaison est de coupler l’utilisation des rayons UV qui
agissent généralement en surface avec celle des radicaux, permettant
d’amplifier l’action germicide en profondeur. Ce procédé
est donc tout particulièrement approprié pour l’élimination
de certains formes résistantes de micro-organismes (les spores).
APPLICATION A L’AIR
Le procédé de plasma froid est applicable à l’air.
Certains pilotes générateurs de plasmas froids ont déjà
été créés. Ces pilotes sont composés de
générateurs à plasmas, de filtres, d’une batterie
électrique, d’un humidificateur, d’un ventilateur et d’un
tube à plasma. L’air est filtré et régulé
(température, humidité relative…), puis traverse le tube
à plasma où il est épuré, puis rejeté dans
la salle.
Il existe différents procédés spécifiques au traitement
de l’air (procédé Paganetti ; procédé OR’IONS),
selon les applications industrielles visées. Ces techniques étant
cependant très récentes, leur implantation reste encore limitée…
EN RESUME :
La méthode de traitement par les plasmas présente de nombreux
avantages. Le procédé s’effectue sans adjonction de produits
chimiques, il n’y a pas de sous-produits à traiter, la maintenance
est réduite et le coût de fonctionnement est minime.
Cependant, cette technique est toujours à l’étude même
si son application est déjà réalisée pour certains
traitements comme le traitement des surfaces. L’intérêt
grandissant pour la méthode plasma fait de cette technique l’avenir
en matière de stérilisation et d’épuration microbiologique.