Septembre 2003 - n°80
L'imagerie par résonance magnétique appliquée
à la biologie
Par l'Institut Curie – Contact Presse - Catherine GOUPILLON
/ Céline GIUSTRANTI
La spectroscopie par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN),
née dans les années 50, a tout d'abord été utilisée
en chimie pour déterminer la structure des molécules. Basée
sur les propriétés magnétiques des noyaux, elle permet
d'identifier la structure de composés en milieu liquide ou solide,
de caractériser leur enchaînement atomique, et d’obtenir
des informations sur l'environnement des noyaux atomiques (nature des voisins
proches). En résumé, c'est une méthode d'analyse puissante
et très performante pour établir une cartographie des atomes
constituant les molécules.
Le magnétisme des noyaux
Les noyaux de certains atomes peuvent se comporter comme des aimants microscopiques.
Placés dans un champ magnétique statique, ils s’orientent
dans l’espace. C’est cette propriété que la résonance
magnétique exploite.
Soumis à un champ magnétique oscillant, les différents
noyaux vont émettre un signal, une émission d’énergie,
qui leur est propre. Les pics de résonance des noyaux forment alors
le spectre RMN. Leur position (fréquence de résonance) dépend
à la fois du noyau considéré et de son environnement
électronique. L’interprétation des signaux (position,
aspect, intensité) conduit à un ensemble d’informations
qui permet d’établir la structure du composé analysé.
La RMN détecte notamment les noyaux d’hydrogène (1H),
de phosphore (31P), de carbone (113C), de fluor (19F), de sodium (23Na) et
d’azote (15N).
De la structure des protéines à
l'imagerie in vivo
Depuis le début des années 80, la RMN s’est considérablement
améliorée et offre désormais de nombreuses perspectives
en biologie. Elle est notamment devenue un outil essentiel pour la détermination
de la structure des protéines et l'étude de leurs interactions
au sein de complexes en solution. Associée à la modélisation
et à la dynamique moléculaire, la RMN à haute résolution
permet de déduire la structure de protéines comportant jusqu'à
250 acides aminés.
La caractérisation moléculaire des nouvelles protéines
impliquées dans la signalisation cellulaire, le contrôle du cycle
cellulaire, le développement et la différenciation fournissent
des données utiles pour une meilleure compréhension des désordres
pathologiques et pour la conception de nouveaux outils thérapeutiques
et diagnostiques.
La résonance magnétique nucléaire présente l’énorme
avantage de ne pas endommager la matière et de pouvoir donner des images
en 3D. Cette technique non destructive voit donc son champ d’application
s’étendre en biologie à l’étude des modèles
animaux par IRM anatomique et fonctionnelle et par SRM (spectroscopie localisée).
Elle connaît également un développement impressionnant
dans le domaine médical.
L’IRM permet en effet d’effectuer des coupes à travers
le corps en distinguant bien les différents tissus les uns des autres,
ainsi que les fluides en mouvement (comme le sang) des parties immobiles.
Elle s’impose désormais comme un procédé de référence
notamment pour analyser le système nerveux. Ses avantages par rapport
au scanner sont nombreux, à commencer par une précision supérieure
pour la différenciation des tissus.
Autre atout : celui de ne pas utiliser de rayons X et, par conséquent,
de ne présenter aucun danger.
L’IRM offre la possibilité d’effectuer des coupes dans
divers plans : frontal, sagittal, transversal et oblique, ou d’acquérir
directement des images tri-dimensionnelles, alors que le scanner n’effectue
que des coupes transversales.
Les examens et les études par RMN chez l'être vivant mettent
essentiellement en jeu les noyaux d'hydrogène (protons), suffisamment
abondants pour générer des images à haute résolution
spatiale. L'environnement "magnétique" des protons est différent
selon les organes, les tissus sains et les tissus pathologiques. Cela permet
ainsi de les distinguer. Notons que, pour l'étude du métabolisme,
sont également utilisés les signaux du 31P et du 13C…
Le bon contraste associé à une exploration multi-coupe ou 3D
du corps fait déjà de l'IRM anatomique un outil précieux
notamment en cancérologie. A cela se rajouteront les techniques d'IRM
fonctionnelles qui donnent des informations sur la vascularisation tumorale,
de la SRM métabolique, éventuellement de l'IRM moléculaire/cellulaire.
Ces techniques sont actuellement à un stade avancé de développement
et d'évaluation en recherche expérimentale et clinique ou, pour
la dernière, en émergence.
L’IRM appliquée à l’étude
de la vascularisation des tumeurs
" Au-delà d’une taille avoisinant 1 mm3 de volume, une tumeur
est menacée d’asphyxie si elle ne produit pas ses propres microvaisseaux
pour continuer à croître et à se développer . Ce
processus porte le nom d’angiogenèse ", nous explique Andréas
VOLK. " Ces nouveaux capillaires apportent à la tumeur l’oxygène
et les nutriments dont elle a besoin et participent également à
la dissémination des métastases… "
L’équipe d’Andréas VOLK (équipe " Spectroscopie
et imagerie de RMN in vivo " dans l’UMR 350 Inserm/Institut Curie)
utilise l’IRM pour observer l’évolution du volume et des
paramètres liés à la vascularisation de tumeurs chez
la souris. Pour cela, elle dispose d’un appareil d’IRM de dernière
génération (équipé d’un aimant supraconducteur
de 4,7 Testa) dédié à l’imagerie du petit animal.
Pour le suivi du développement, les chercheurs acquièrent des
images 3D de la tumeur à différents moments. Ils ont notamment
montré, sur un modèle de carcinome hépatocellulaire chimio-induit,
que l’inhalation par la souris d’un gaz hyperoxide, le carbogène
(95 % 02 ; 5% CO2), augmente le signal RMN dans la
tumeur. Ceci peut s’expliquer par une diminution de la concentration
de la deoxy-hémoglobine dans les zones tumorales dotées d’une
vascularisation fonctionnelle. Des images de RMN, acquises rapidement (toutes
les 2 secondes) et synchronisées avec le rythme respiratoire, donnent
une vision de la distribution spatiale de la vascularisation fonctionnelle.
L’équipe a étudié les caractéristiques de
la réponse au carbogène lors du suivi longitudinal de ces tumeurs
hépatiques. Pour la majorité des tumeurs, le signal augmente
très rapidement après le début de l’inhalation
du carbogène. La stabilité du profil temporel de la réponse
pour une durée d’au moins trois semaines pourrait offrir une
fenêtre suffisante pour l’évaluation d’un traitement
anti-angiogénique ou anti-vasculaire.
Cette approche, complètement non-invasive, est évaluée
sur différents types de modèles tumoraux (implantés en
sous-cutané, chimio-induites…). Elle sera associée à
d’autres approches d’IRM fonctionnelles basées sur l’administration
d’agents de contraste exogènes, afin de décrire au mieux
les caractéristiques vasculaires de la tumeur.
Les protocoles associant des techniques d’IRM anatomique et fonctionnelle
deviendront des outils de choix pour suivre sur le même sujet l’évolution
tumorale afin d’évaluer de nouveaux traitements…