Octobre 2003 - n°81
La Microscopie électronique
Par l'Institut Curie
Contact Presse : Catherine GOUPILLON
Quand les chercheurs veulent voir plus de détails dans une structure
cellulaire, " zoomer " en quelque sorte sur de petits organites,
ils utilisent la microscopie électronique. Comme pour la microscopie
ionique, les contraintes liées à la technique sont incompatibles
avec l'observation de matériel vivant. Mais de meilleure résolution
que la microscopie optique, la microscopie électronique permet d'accéder
à l'échelle moléculaire…
Des électrons pour voir la matière…
La microscopie électronique est née avec la découverte
de la mécanique ondulatoire par Louis de Broglie (1923). Aux particules
qui constituent la matière, peut être associée une longueur
d’onde très petite. Dans les microscopes électroniques,
la source lumineuse est remplacée par une source qui émet des
électrons par chauffage. Un système de lentilles électromagnétiques
ou électrostatiques permet alors de condenser le faisceau.
En microscopie électronique à transmission, le faisceau traverse
l’échantillon et perd au passage un certain nombre d’électrons.
C’est cette " absorption " des électrons qui donne
ensuite une image de l’échantillon. Notons qu’en raison
du très faible pouvoir de pénétration des électrons,
seuls des échantillons très fins peuvent être observés.
En microscopie électronique à balayage, le faisceau d’électrons
balaye l’échantillon qui émet alors des électrons
secondaires dont le nombre dépend de la nature de la surface étudiée.
Ce sont ces électrons qui sont collectés et détectés.
Le faisceau d’électrons est ensuite recueilli au niveau d’une
plaque électro-sensible ou d’un détecteur d’électrons
qui permet la visualisation de l’image. Les molécules que l’on
souhaite étudier sont marquées avec des sels de métaux
lourds, ce qui permet de " filtrer " un grand nombre d’électrons
et ainsi de les observer…
Les techniques de microscopie électronique
appliquées au sein de l’Institut Curie…
A l'Institut Curie, un laboratoire entier est consacré à la
microscopie électronique en biologie cellulaire : il s’agit du
Laboratoire de microscopie électronique des compartiments cellulaires,
dirigé par Graça RAPOSO dans l’UMR 144 CNRS / Institut
Curie " Compartimentation et dynamique cellulaires ".
Les chercheurs y étudient notamment la biogenèse des différents
compartiments cellulaires et le trafic membranaire. Ils possèdent des
équipements spécialisés hautement performants qui permettent
l'analyse ultrastructurale et immunocytochimique de molécules dans
le milieu cellulaire. A travers des thématiques originales ou par des
collaborations internes et externes, ils participent à la compréhension
du fonctionnement de cellules normales ou pathologiques.
Grâce à une préparation des échantillons à
très basse température - en les plaçant rapidement dans
l'azote liquide -, il est possible de figer les composants cellulaires. Ces
techniques cryogéniques permettent ainsi de préserver au maximum
les compartiments cellulaires et le cytosquelette tout en autorisant le marquage
des protéines in situ sur les coupes.
Une partie significative des projets développés dans le laboratoire
de microscopie électronique de l'Institut Curie concerne les mécanismes
de formation et de sécrétion des lysosomes –les sacs membranaires
contenant les enzymes nécessaires à la digestion des cellules
-et autres organites apparentés, notamment les mélanosomes,
organites dans lesquels a lieu la synthèse de la mélanine.
Ces travaux ont permis d'approfondir les connaissances sur la formation des
mélanosomes dans les mélanocytes. Une vision plus étendue
qui ouvre des perspectives nouvelles pour la compréhension des bases
cellulaires de la transformation cellulaire, de maladies dites lysosomales
et des interactions d'agents pathogènes et des cellules hôtes.
L'un des exemples en la matière est la mise en évidence de la
sécrétion d'exosomes par les cellules du système immunitaire.
Les protéines en 3D grâce aux différentes
approches de la microscopie électronique
Pour élucider l'organisation des protéines qui assurent le fonctionnement
de la cellule et mieux les comprendre, il faut avoir recours à des
techniques d'observation de haute résolution. Les différentes
approches de la microscopie électronique 3D connaissent un développement
spectaculaire et occupent dorénavant une place privilégiée
en biologie structurale.
La cristallographie électronique permet d'analyser la structure des
protéines membranaires reconstituées sous forme de cristaux
2D. Les progrès de cette technique offrent aujourd’hui la possibilité
de déterminer les structures tridimensionnelles, à un niveau
quasi atomique, de plusieurs protéines membranaires. Une alternative
incontournable à la cristallographie X pour l'étude des protéines
membranaires !
Pour l'étude de matériel biologique, de la protéine à
la cellule, en passant par les complexes macromoléculaires et les organelles
cellulaires, une autre technique a également été développée
: la tomographie électronique. Son principal avantage ? Donner accès
à la structure 3D d'objets biologiques de taille supérieure
à 10 nm et cela, sans les cristalliser.
La tomographie moléculaire consiste à photographier " sous
toutes leurs coutures " les molécules isolées orientées
de manière aléatoire sur les grilles servant à l'observation
en microscopie électronique. A partir de ces images, les chercheurs
reconstruisent la structure des protéines en 3D. Pour des molécules
de taille inférieures à 100 nm, le volume peut être calculé
avec une résolution de 1-3 nm. Bien que la résolution soit loin
du niveau atomique, la tomographie moléculaire permet d'obtenir rapidement
des informations sur la structure d'objets biologiques nanométriques
qui, de par leur taille ou de par leurs difficultés de cristallisation,
ne sont pas analysables par cristallographie. Citons pour exemple les recherches
d’une équipe de l'Institut Curie qui ont permis de déterminer,
avec une précision de 1,7 nm, la structure tridimensionnelle de deux
transporteurs membranaires (l'un chez une bactérie et l'autre chez
un champignon), homologues du transporteur conférant une résistance
aux drogues chimiothérapeutiques chez l'homme…
Au cours de ces dernières années, l'automatisation du processus
d'acquisition de données en microscopie électronique a permis
l'émergence de la tomographie cellulaire. Cette nouvelle approche utilise
un ensemble de projections d'un objet unique, obtenues en l'inclinant à
différents angles sous le faisceau d'électrons pour reconstruire
sa structure 3D. Les évolutions des microscopes et l'apparition de
nouvelles techniques de préparation d'échantillons permettent
d'élargir les possibilités de la tomographie cellulaire à
l'étude de molécules de tailles comprises entre 100 et 500 nm.
Notons qu’en parallèle, est aujourd’hui mise en œuvre
une toute nouvelle application de la tomographie : la cartographie chimique
3D. Développée initialement dans la physique de matériaux,
elle donne des informations sur la distribution 3D de différents éléments
chimiques –suffisamment concentrés -dans des cellules…
Avec l’avènement de ces techniques de pointe, la microscopie
électronique prend une toute nouvelle dimension en biologie. Étant
donné la très rapide évolution de la tomographie électronique,
la détermination des structures de complexes macromoléculaires
à des résolutions allant jusqu'à 5 A et celles d'organites
cellulaires très complexes à des résolutions nanométriques,
sera prochainement envisageable.
L'Institut Curie est le seul centre de recherche en France à développer
toutes ces approches de microscopie électronique 3D et le premier à
utiliser la tomographie cellulaire. Un des précurseurs en la matière…