Janvier 2004 - n°84
La lyophilisation en laboratoire
par Fisher scientific Labosi - M. Bruno Rossi, Chef de produits
Un peu d'histoire ...
Lyophilisation, cryodessication, cryodéshydratation
ou cryosublimation
Voici les divers noms donnés à cette méthode de séchage.
L’adjectif lyophile, attribué à J. Reichel, veut dire
: ami des solvants
Un lyophilisat est très avide d'eau et se présente habituellement
sous un aspect friable et poreux.
C'est en 1906 que A. d'Arsonval et C. Bordas décrivent le premier lyophilisateur.
Les premières applications sont destinées au domaine médical.
En 1955, la lyophilisation fait son entrée dans l'industrie alimentaire
avec le traitement des crevettes du Texas et des crabes du Maryland.
La lyophilisation est surtout, aujourd'hui, utilisée pour la conservation
de produits à haute valeur ajoutée (produits biologiques, aliments
haut de gamme, échantillons anciens, …).
La sublimation
La sublimation est le passage de l'état solide à l'état
gazeux, sans passer par l'état liquide. Ce changement d'état
ne peut se faire que dans certaines conditions de pression et de température.
Le point de convergence s'appelle "point triple".
Un corps solide se trouvant à un point quelconque sous la courbe de
changement d'état, à une température inférieure
à To et une pression inférieure à
Po va changer d'état par sublimation.
To étant le point de congélation du
produit à pression atmosphérique.
La sublimation est une réaction consommant des calories (à l'inverse
de la congélation où l'on doit prélever ces calories,
mais nous en reparlerons).
Premier principe fondamental
Le produit à lyophiliser doit être totalement congelé
et à basse pression pour permettre la sublimation.
Lors de la lyophilisation, le produit va dégager une certaine quantité
de vapeur d'eau. Il faut piéger cette vapeur sur un condenseur froid.
La température du produit doit toujours être supérieure
à celle du piège froid (ou condenseur) pour garder un sens de
migration de la vapeur "produit" vers le piège. La tension
de vapeur est inversement proportionnelle à la température.
Pour que la sublimation se fasse correctement, il faut donc avoir un maximum
d'écart de température (donc de tension de vapeur) entre le
produit et le condenseur.
Second principe fondamental
La sublimation, dans le cas de l’eau, consomme 620 calories par gramme
de glace sublimé.
Le maintien permanent du déséquilibre de tension de vapeur d’eau
entre le produit et le piège, dans le sens produit/piège, impose
un apport de chaleur.
Il faut donc fournir des calories …
Pour maintenir la température initiale du produit, il va donc falloir
lui fournir des calories.
Si la quantité de chaleur fournie est supérieure à celle
absorbée par la sublimation, le produit va se réchauffer et
il risque de se décongeler.
L'apport de chaleur peut se faire par l'air ambiant, lors de lyophilisation
sur manifold, ou par des plateaux chauffants, lors de travail en enceinte
sous vide.
Un procédé, utilisé dans l'industrie, consiste à
maîtriser le niveau de vide dans les enceintes pour conserver un minimum
d'air servant alors à améliorer la conduction thermique entre
les surfaces chaudes et les surfaces de contenant du produit à lyophiliser.
Cette méthode nécessite une très grande maîtrise
des différents paramètres et est plus que risquée sur
les enceintes de faibles volumes utilisées sur les appareils de laboratoire.
Sans changement de
température, il faut fournir : - 80 calories pour faire fondre 1 gramme de glace - 540 calories pour transformer l'eau en vapeur Soit 620 calories pour transformer 1 gramme d'eau en vapeur, dans les conditions optimum. Il est bien sûr possible de réaliser cette opération à une température inférieure à 0°C par modification de la pression.Ilfaudra alors ajouter la quantité de calories nécessaire pour remonter de la température du produit à 0°C |
Composition d’un lyophilisateur
Un lyophilisateur de laboratoire est composé d'un(e) :
piège
froid, servant à piéger les vapeurs produites lors de
la sublimation. La température de ce piège doit impérativement
être inférieure à la température de congélation
du solvant. En cas de mélange de solvants, c'est le solvant ayant la
température la plus basse qui servira de point bas.
Pompe
à vide, dont la fonction est double.
Premièrement, comme sa fonction le veut, elle sert à faire le
vide. Ce vide limitera au maximum les échanges thermiques entre le
milieu et le produit à lyophiliser. La sublimation est une extraordinaire
pompe à calories, il faudra donc remédier à cette carence.
La pompe à vide a surtout pour but de diminuer considérablement
la concentration de molécules de gaz dans le système. Si cette
concentration est trop élevée, la migration des molécules
de solvant(s) vers le piège sera freinée par de nombreux chocs
(chocs provocant une élévation de température, parfois
incontrôlable et préjudiciable pour le bon déroulement
du processus - cela s'appelle l'agitation moléculaire ...). Dans un
vide relatif, les molécules de solvant(s) vont pouvoir migrer plus
librement .
L'enceinte sous vide ou manifold :
La lyophilisation en flaconnage peut être réalisée sur
manifold. Dans ce cas, l'apport de calories se fait par l'air ambiant.
Pour les lyophilisations en "vrac", on utilise une enceinte (chambre
sous vide) pour travailler. Cette enceinte étant sous vide, il faudra,
si celle-ci est de taille supérieure à une vingtaine de centimètres,
utiliser des plateaux chauffants pour contrecarrer la perte due au phénomène
de sublimation.
Certaines lyophilisations de produits pâteux (boues, ...) ou contenant
des produits de cryoprotection, par exemple nécessite une mise au point
particulière.
Conduite d'une lyophilisation
Congélation
Le produit à traiter doit être congelé.
La température de congélation doit impérativement être
inférieur au point eutectique du mélange à traiter (voir
encadré ci-dessous).
La vitesse de congélation
est importante
Plus elle sera lente, plus la taille des cristaux de glace sera importante.
De grands cristaux se comporteront comme de vrais poignards, ils perforeront
les parois cellulaires et laisseront s'échapper, des cellules, les
composants internes. Celles-ci ne seront, bien sûr, plus viable.
Épaisseur
Il est connu, qu'en lyophilisation, multiplier par 2 l'épaisseur
de produit à lyophililiser multiplie par 4 le temps de lyophilisation.
Phase primaire ou sublimation
Lors de cette première phase, l'eau libre va se sublimer.
La sublimation, comme l'évaporation, est une pompe à calories.
Il va falloir, impérativement, apporter, par une source de chaleur
externe (air ambiant, plateaux chauffants, ...) de quoi contrecarrer ce phénomène.
Si cet apport n'est pas fait ou est insuffisant, la température du
produit à lyophiliser descendra jusqu'à celle du piège.
A ce moment, il s'établira un équilibre entre les pressions
de vapeur du produit et celle de la glace sur le piège. La lyophilisation
s'arrêtera.
Phase secondaire
Cette seconde phase va éliminer l'eau liée. Théoriquement,
elle durera pratiquement indéfiniment.
La phase secondaire restera à l'appréciation du manipulateur.
La quantité d'eau résiduelle sera un facteur important de durée
de conservation
Le point eutectique ou point
triple Lors de la congélation, l'eau passe de l'état liquide à l'état solide. La solution de départ va alors se concentrer. Imaginons une solution de NaCl que l'on congèle. Plus l'eau "disparait" sous forme de glace, plus la concentration de NaCl augmente dans le liquide restant. Si la congélation n'est pas assez poussée, il restera un certain volume de solution "hypersaline" non congelé. Sans congélation totale, la lyophilisation ne pourra pas être conduite normalement. La fin de la phase de congélation est appelé point Eutectique (°C). La lyophilisation doit se dérouler à une température inférieure à celle du point eutectique, souvent difficile à déterminer, compte tenu de la complexité de certains mélanges. |
Choisir un lyophilisateur
Le choix d'un tel appareil va se faire sur plusieurs critères.
- Le volume d'échantillon à traiter (et donc le volume de solvant
à pièger)
- La température la plus basse de congélation d'un des solvants
en présence
- Le type de contenant utilisé (flaconnage, vrac, ...)
Nous ne parlerons, ici, que des appareils de laboratoire.
Les techniques utilisées sur les pilotes étant plus complexes.
Quels sont les critères ?
- Le type de produit à traiter
- La nature du ou des solvants à piéger et le température
de congélation la plus basse
- La quantité de solvant(s) totale
- Le volume de l’échantillon
Ces informations permettent de déterminer la capacité du piège
nécessaire ainsi que sa température.
Nature du ou des solvants
Ce paramètre permet de déterminer la température
du piège.
La température du piège doit
être de 5 à 10°C inférieure à celle du point
de congélation du solvant ayant la plus basse température de
congélation.
Il est important de noter que la température du piège n'a aucune
influence sur la vitesse de lyophilisation. Il peut être bon de "
surdimensionner " le volume du piège et la pompe si le principal
solvant se sublime très vite.
Quantité de solvant(s)
La quantité de solvant(s) permet de déterminer le volume du
piège.
Chaque lyophilisateur présente 2 paramètres :
- La capacité de piégeage totale (en litres ou kg de glace)
- La capacité de piégeage par 24 heures
Le volume de l'échantillon
Si l'échantillon est liquide, il faudra choisir un récipient
suffisamment important pour que l'épaisseur du produit congelé
soit la plus faible possible. Empiriquement, nous savons que lorsque nous
multiplions par 2 l'épaisseur de produit, la durée de lyophilisation
est multipliée par 4.
La congélation en coquille, sur les parois du flacon, est idéale
(flacon mis en rotation dans un bain cryogénique). Si cette technique
n'est pas applicable, il vaut mieux congeler de petites quantités dans
de grands flacons. Les épaisseurs supérieures à 1 cm
commencent à poser des problèmes de durées sur les lyophilisateurs
standards de laboratoire
Pour nous résumer, il est toujours possible de lyophiliser un éléphant
avec un petit appareil ...
Il suffit de prendre le temps ...
Quel type d'appareillage ?
Il existe 2 possibilités pour lyophiliser un produit liquide après
congélation :
Directement en flacon
Dans ce cas, le flacon contenant le lyophilisat doit être raccordé
à un manifold. Le manifold est une colonne ou une enceinte munie de
vanne type "Quick Seal", sorte de robinet 3 voies. Comme expliqué
ci-dessus, l’épaisseur de produit congelé doit être
minimum et l’apport de calories suffisant (dans ce cas, il se fait par
l’air ambiant, généralement suffisant).
En vrac
Le produit à lyophiliser est réparti dans des récipients
à fond plat (à fond plat veut dire parfaitement plat !). Il
doit y être congelé, en épaisseur minimum (toujours) et
placé dans une enceinte à plateaux. L’enceinte, une fois
fermée, sera mise sous vide.
Dans la plupart des cas, il est conseillé d’utiliser un lyophilisateur
à plateaux chauffants. Cette technique permet un apport de calories
accélérant la phase primaire.
En exagérant énormément, il est possible de se rendre
compte que l'apport de calories est plus important d'une surface plane à
une autre surface plane ... Il ne faut pas oublier que nous sommes sous vide
et qu'il n'est pas possible de compter sur un quelconque transfert de chaleur
par convection grâce à l'air.
Trucs et astuces ...
- Lorsqu'on lyophilise en flacons sur manifold, lorsque le givre recouvrant
l'extérieur disparaît, c'est que la phase primaire touche à
sa fin. La sublimation se terminant, la pompe à calories se tarit.
- Une vieille astuce pour connaître le point eutectique ...
Placez le mélange de solvant dans un petit becher, mettez le à
congeler avec un barreau aluminium d'un centimètre de diamètre,
plongé dans le liquide sur environ un centimètre. placer à
coté du cylindre une sonde de température.
Quand le tout est bien congelé, laissez décongeler. Dès
que le cylindre se libère, lire la température ... Vous serez
proche du point eutectique.
Autre possibilité ...
- Rechercher sur les bonnes vieilles tables le point de congélation
du solvant le plus bas et y ajouter environ 5°C …
- Sur de petits lyophilisateurs de laboratoire, non équipés
de plateaux chauffants, une lampe infrarouge ou un simple spot permet un apport
de calories suffisant
Un vide trop poussé, dans un petit lyophilisateur, avec enceinte sous
vide (1 à 3 litres) est plus préjudiciable que bénéfique.
Les pièges à éviter ...
Attention !
Ne jamais
arrêter la pompe avant de casser le vide.
Vous risquez de voir l'huile de la pompe "aspirée" dans le
lyophilisateur (effet catastrophique !)
Ne jamais mettre
de petits tubes congelés dans un grand flacon pour réaliser
une lyophilisation sur manifold. Le flacon isolera les tubes de tout apport
de calories (du fait du vide).
La lyophilisation ne pourra pas se faire.
Attention à
certains milieux d'enrobage pour congélation (de bactéries ou
de certaines cellules très fragiles). Ces milieux forment une couche
protectrice "incongelable" autour de la cellule et rendent la lyophilisation
impossible.