Octobre 2004 - n°92
Automatisation de la culture des cellules souches embryonnaires
par Stefanie Terstegge(1), Jörg Pochert(2), Oliver
Brüstle(1);
(1)Life & Brain GmbH & Institut für rekonstruktive Neurobiologie,
Bonn / (2)Hamilton Bonaduz AG, Bonaduz, Suisse
Les cellules de mammifères sont actuellement l’objet
d’un intérêt croissant notamment dans le domaine du criblage
pharmaceutique et de la biologie cellulaire en général. Tout
d’abord le criblage à haut débit (high-throughput screening,
HTS) permet d’étudier les effets biologiques sur les cultures
cellulaires ciblées, ensuite les études ADME donnent les informations
complémentaires sur le métabolisme des cellules ainsi que la
toxicité des nouveaux composés étudiés. Parmi
les nombreuses lignées cellulaires, les cellules souches constituent
pour la recherche fondamentale un outil précieux pour la compréhension
des mécanismes de base à savoir la division, la différentiation
et la physiologie cellulaire. On peut considérer les cellules souches
embryonnaires comme modèle de référence. Ces cellules
ont la propriété de se multiplier indéfiniment, permettant
de nombreuses modifications de l’ADN. Les procédés de
culture cellulaires rencontrent certaines contraintes comme le manque de standardisation,
une reproductibilité et un débit insuffisants. On peut donc
dire que la disponibilité des cellules constitue un facteur limitant
dans le bon déroulement des processus de recherches. Afin de combler
cette carence, les sociétés Hamilton et Life & Brain ont
réuni leurs compétences dans le développement d’un
système automatisant la culture de certaines lignées cellulaires
comme les cellules souches embryonnaires, ceci ayant pour but d’accroître
la qualité et la quantité des cellules étudiées.
Sur le plan technique, la culture automatisée des cellules souches
embryonnaires constitue un défi considérable. Etant donné
la grande difficulté à contrôler la différenciation
des cellules souches, il a été mis au point un procédé
de " co-culture " avec des fibroblastes.
En terme d’automation, cela implique des manipulations délicates,
c’est à dire qu’il faut préserver une couche cellulaire
d’alimentation pendant le remplacement des milieux. Un autre défi
consiste à mimer de nombreuses opérations manuelles : par exemple
les gestes qui assurent une distribution reproductible des cellules dans les
cupules sont très difficiles à mimer avec le robot. D’autres
problèmes concernent les exigences générales de la culture
cellulaire : par exemple, éviter la contamination par des bactéries
et/ou des champignons ou atteindre une standardisation dans la préparation
des cellules pour des expériences ultérieures. Chaque système
automatisé fonctionne selon le principe de la standardisation en réduisant
le nombre des interventions manuelles, et cela induit une amélioration
incontestable par rapport aux procédés manuels. Cellhost, Hamilton
Bonaduz et Life & Brain ont mis au point un système entièrement
automatisé pour la culture des cellules souches embryonnaires.
Cellhost
Le système Cellhost permet l’automatisation des cultures
de cellules souches embryonnaires dans des microplaques standard SBS à
6 puits. Ce système utilise un robot de pipetage Microlab STAR, une
hotte stérile munie de filtres et deux incubateurs Kendro, qui échangent
les plaques de culture cellulaire avec le robot via des unités de transferts.
Le Microlab STAR utilise une technologie de pipetage par déplacement
d’air contrôlé. Cette technologie permet de s’affranchir
de toute plomberie et donc de tout système liquide circulant dans des
tuyaux constituant une source majeure de contamination. Les milieux sont préparés
dans des récipients autoclavables en aluminium, et sont portés
à une température qui convient avant usage. Les contenants de
milieux vides sont immédiatement écartés de l’environnement
stérile. Le logiciel du système permet la sélection de
plaques de culture cellulaire pour des processus particuliers, tels que la
mise en plaques de cellules ou l’adjonction de facteurs de croissance.
Le logiciel de planificateur des tâches Celltask, peut définir
des groupes de plaques de culture cellulaire et entrer des processus itératifs
comme les substitutions de milieux sur de longues périodes de temps.
La banque de données Celltrack donne accès à
une documentation détaillée de toutes les étapes des
protocoles réalisés. Pour chaque plaque de culture cellulaire
enregistrée, un historique précise toutes les étapes
auxquelles la plaque a été assujettie. Les procédures
concernant la validation biologique du système sont décrites
de façon détaillée dans les sections ci-après.
Mise en plaques
La mise en plaques avec le Microlab STAR entraîne une distribution homogène
de cellules souches embryonnaires murines sur la couche d’alimentation
cellulaire. Une distribution égale de cellules est particulièrement
importante lorsqu’il s’agit de cellules souches embryonnaires,
puisque la formation de gros massifs de cellules favoriserait la différentiation
spontanée. Pour atteindre ce résultat, les gestes manuels typiques
pour distribuer les cellules dans la plaque sont simulés par le robot.
Remplacement du milieu
L’un des plus fréquents processus est le remplacement du milieu.
Afin de minimiser les volumes résiduels, les plaques de culture cellulaire
sont soulevées par un côté, et le milieu est soigneusement
aspiré au point le plus bas de la cavité. Le nouveau milieu
est dispensé lentement au bord de la cavité, préservant
la couche cellulaire. L’analyse au microscope montre que la couche cellulaire
reste intacte, à la différence notamment d’une expérience
manuelle moins soigneuse
Croissance de cellules
Les cellules souches embryonnaires propagées avec Cellhost
conservent leur morphologie typique après la mise en plaques et le
remplacement des milieux. Le degré de différentiation spontanée
ne dépasse pas celui observé dans les cultures traitées
manuellement. La préservation du statut pluripotentiel est vérifiée
par l’analyse histochimique en vérifiant l’activité
de phosphatase alcaline. La viabilité des cellules après une
période de culture de 48 heures est comparable à celle déterminée
dans l’expérience manuelle de contrôle. Aucune contamination
n’a été détectée.
Discussion
Les résultats de cette étude démontrent la faisabilité
de l’automatisation de la culture des cellules souches embryonnaires.
Le système utilisé ici présente l’avantage d’être
calqué sur les méthodes manuelles étant donné
l’absence de plomberie (pas de système liquide). Les cellules
survivent sans difficultéà divers procédés de
pipetage tels que la mise en plaques automatisée et les remplacements
répétés de milieux. L'analyse au microscope montre que
la morphologie typique des cellules souches embryonnaires est préservée.
De plus, aucune augmentation de la différentiation spontanée,
comparée au contrôle manuel, n’a été observée,
ce qui prouve que le protocole avec Cellhost manipule les cellules très
délicatement. Le système fonctionne de façon à
exclure toute contamination. Il y a donc tout lieu de penser que les protocoles
développés pour la culture des cellules souches embryonnaires
peuvent être adaptés à des types de cellules moins sensibles
qui sont actuellement les cibles utilisées en toxicologie et le criblage
pharmaceutique.