Novembre 2004 - n°93
Les ultrasons
Par Bruno Rossi, Chef de produits de Fisher Scientific
Labosi
Tel : 01 30 13 25 87 - Email : bruno.rossi@fr.fishersci.com
C’est Spallanzani qui, en 1794, soupçonna le premier
l’existence des ultrasons. La génération de micro-bulles
implosant dans un liquide, sous effet des ultrasons, est à la base
des différentes techniques utilisées en milieu liquide. Nous
parlerons ici des applications courantes en laboratoire, les bains à
ultrasons et les désintégrateurs.
Les Ultrasons, Technique et application en laboratoire
Connaître les ultrasons et savoir les utiliser en laboratoire ...
Ce n'est pas toujours très simple.
Ce chapitre vous permettra, non d'en devenir un spécialiste, mais au
moins de comprendre les bases de ces techniques.
Excités par un courant de haute fréquence, certains cristaux
vibrent mécaniquement à la même fréquence. C'est
l'effet piézo-électrique (mis en évidence par Pierre
et Jacques Curie en 1880), toujours utilisé aujourd'hui.
Les ultrasons sont des ondes vibratoires de valeurs supérieures à
20 000 Hz. Ils ont les propriétés des ondes élastiques.
Leur propagation est quasi optique, avec peu de diffraction. Ils ne sont pas
audibles par l'oreille humaine.
Pour information, la voix humaine se situe entre 125 et 4 000 Hz, les fréquences
les plus audibles se trouvant entre 250 et 3 000 Hz (1 Hertz étant
un cycle par seconde).
La cavitation
Sous l'effet des ultrasons, dans un liquide, il se forme des micro-bulles.
C'est l'effet de cavitation.
Ces micro-bulles, mises en pulsion par les ondes ultrasonores vont grandir
jusqu'à leur taille maximum et imploser. Elles restituent alors, lors
de cet effondrement, leur énergie sous forme d'onde de choc (et d'un
dégagement de chaleur).
C'est cet effet d'onde de choc qui va être utilisé avec les bains
de nettoyage ou les désintégrateurs.
a été estimé, par calcul, que lors de l'implosion d'une
de ces micro-bulles, la pression interne avoisine les 70 MPa, pour une température
supérieure à 1000°C !
C’est d’ailleurs cet effet de cavitation qui endommage, avec le
temps, les hélices de bateau !
Quelques définitions du dictionnaire
…
Cavitation
n. f. PHYS - Formation, au sein d’un liquide, de cavités remplies
de vapeur, lorsque la pression du liquide devient inférieure à
celle de la vapeur.
ultrasons
Physique.
Les ultrasons s’opposent
aux infrasons, dont la fréquence, également non audible, est
inférieure à 20 hertz. Les ultrasons se propagent en ligne droite
comme les ondes hertziennes millimétriques et les infrarouges, dont
la gamme de longueurs d’onde est la même. Ils peuvent former des
faisceaux d’une haute énergie. La vitesse de propagation des
ultrasons varie avec le milieu traversé (331 m/s dans l’air,
6400 m/s dans l’aluminium). Les ultrasons provoquent des changements
de l’indice de réfraction des liquides, donnant naissance à
des phénomènes de diffraction. Ils améliorent les propriétés
catalytiques de certains corps et produisent dans la matière vivante
une désagrégation des noyaux cellulaires, l’éclatement
des hématies et l’arrêt des fermentations. On produit les
ultrasons au moyen de générateurs piézoélectriques.
Les applications des ultrasons sont très nombreuses : contrôle
des matériaux, mesure de la vitesse d’écoulement des fluides,
usinage, mise en émulsion des peintures, télécommunication
et détection sous-marine (échosondeurs et sonars), destruction
des micro-organismes,échographie, destruction chirurgicale, microscopie
acoustique, holographie, etc.
Les bains à ultrasons
Plutôt destinés au nettoyage de pièces fines (joaillerie,
lunetterie, dentaire, bijoux, ...), ils sont aussi utilisés en laboratoire
pour :
- le nettoyage de petites pièces
- Dégazage de solutions (HPLC, ...)
- Aération de liquides semi-visqueux
- Et tout autre usage découvert par chacun ...
Le nettoyage par ultrasons nécessite l'emploi de détergents
spécifiques et souvent un léger chauffage (entre 60 et 80°C).
Principe de fonctionnement
La génération de microbulles dans le liquide contenu
dans le bain à ultrasons, et leur implosion est le principal vecteur
de nettoyage ou de traitement approprié. Il doit être conjugué
au détergent adéquat. L'efficacité est directement liée
à la puissance (l'amplitude) généralement réglable,
et à la fréquence, fixe ou sélectionnable sur certains
modèles.
La plupart des bains de laboratoire travaillent entre 35 et 40 KHz.
Les fréquences
Plus la fréquence est basse, plus l'énergie est importante.
25 KHz : Nettoyage puissant de surfaces dures, très
souillées par des graisses, huiles, cires et poussières. A proscrire
pour les matériaux et métaux tendre tel l'aluminium.
30 KHz : Conseillé pour les pièces de verre
non volumétrique, métaux et plastiques, dégazage de solvants
et solutions aqueuses. Convient très bien au nettoyage de contenants
utilisés pour des calcinations, travaux de chimie organique, ...
40 KHz : Surfaces tendres, minéraux précieux,
métaux tendres, dégazage et verrerie volumétrique de
précision.
130 KHz : Nettoyage de pièces très fragiles
(joaillerie, électronique, ...) Le choix du détergent spécifique
est primordial.
Action de la température
La chaleur, comme dans tous les procédés de nettoyage,
alliée à l'action mécanique et à celle des détergents
favorise la qualité du résultat. Bien que la génération
d'ultrasons provoque dans le liquide une élévation de température,
il peut être recommandé de préchauffer le bain avant utilisation.
Attention : la plupart des bains sont capables de préchauffer une solution,
mais, dès que les ultrasons sont opérationnels, ils sont incapables
de contrôler une élévation de température.
Le dégazage
Le dégazage permet la suppression des gaz dissous dans une solution.
D'une manière générale, toute solution de nettoyage doit
être dégazée avant usage, la formation optimale des microbulles
ne pouvant s'effectuer que dans ces conditions.
Certaines techniques, comme l'HPLC,
nécessite des solvants entièrement exempt de gaz dissous. Le
traitement aux ultrasons est probablement la meilleure technique pour les
obtenir.
Test de la feuille d'aluminium
Facile à réaliser, il donnera le niveau d'efficacité
d'un bain.
- Découper 3 échantillons de papier d'aluminium (type ménager)
de 5 x 10 cm chacun.
- Dans la solution détergente, dégazée et à température
de travail, placer un échantillonà quelques centimètres
de chaque bord de la cuve et le troisième au milieu.
- Déclencher les ultrasons pendant dix minutes.
- Retirer les feuilles d'aluminium et observer.
- Elles doivent être froissées (ou perforées selon la
puissance du bain) de la même manière !
Vous comprendrez alors pourquoi il est dangereux d'y laisser tremper
les doigts trop longtemps ...
Ce qu'il ne faut pas utiliser …
- les solutions inflammables ou toxiques. L'énergie délivrée
par la cavitation provoque un échauffement du bain.
- Il y a risque de dépassement du point éclair de certains produits
inflammables, ou pire, le développement de réactions chimiques
non contrôlées.
- Les acides, composés halogénés et autres ennemis de
l'inox, caustiques, ... sont à proscrire.
Bacs et paniers
Les objets traités ne doivent jamais être posés
directement sur le fond de la cuve. La génération des ultrasons
se faisant par l'intermédiaire de celui-ci, tout contact direct en
affecte la propagation.
Les échantillons doivent être placés dans un panier grillagé,
adapté à la cuve ou, s'ils doivent être traités
avec des solutions
particulières, dans un récipient en matériau rigide,
lui même isolé du fond de la cuve.
La plupart des récipients plastiques, relativement souples, absorbent
les ultrasons et diminuent grandement le rendement.
Les désintégrateurs
Encore appelés sonificateurs, sonifiers, homogénéiseurs
à ultrasons, ...
En laboratoire, ces appareils sont principalement utilisés pour :
- Casser des cellules animales ou végétales, afin d'en séparer
les composants,
- Séparer les agrégats de solides à structure granulaire,
- Traiter les hauts polymères,
- Réaliser des suspensions colloïdales.
Et bien d'autres applications spécifiques...
Sonotrodes (ou sonde)
La sonotrode (ou sonde) a pour fonction de transmettre la puissance
mécanique à haute fréquence transformée par le
convertisseur, au produit à traiter.
Il convient de transmettre cette puissance avec un minimum de pertes. Pour
obtenir un transfert sans réflexion de l’énergie sonore,
la sonotrode doit être pourvue de surfaces planes, aussi bien à
la jonction entre le convertisseur qu’à l’embout en contact
avec le liquide.
Le serrage de la sonotrode sur le convertisseur est aussi important que celui
de l’embout démontable (pour certaine sondes) Il est important,
lors du montage, de réaliser une jonction des surfaces avec un film
de graisse au silicone.
D’une façon théorique, seule la sonotrode 1 correspond
à la réponse de la propagation des ondes dans un solide.
Les autres types de sonotrodes présentent des caractéristiques
différentes de mise en fréquence.
Les courbes d'amplitude et de pression acoustique dépendent donc de
la forme de la sonotrode.
Amplitude
La plupart des appareils de laboratoire permettent le réglage
de l'amplitude. Elle est généralement appelée puissance.
C'est cette variable qui va donner plus ou moins d'efficacité à
l'action des ultrasons. Plus l'amplitude est élevée, plus l'effet
des ultrasons sera puissant.
Attention : la plupart des sonotrodes à embout fin ne supporte pas
la puissance maximum des générateurs (voir schéma des
sondes). Plus la courbe d'amplitude s'éloigne de celle de la pression
acoustique, plus la charge mécanique est importante sur la pointe de
la sontrode. Une charge trop importante provoque l'éclatement de la
sonotrode. est très important de se rapprocher manuel d'utilisation
du fabricant pour connaître la limite de puissance supportée
par ce type de sonde.
Astuces et recommandations
Comment savoir si le réglage de puissance est correct …
C’est la question la plus couramment posée par les utilisateurs
néophytes, y répondre n’est pas toujours simple. est toujours
possible de se rapporter à de nombreuses publications traitant de sujets
proches.
Malheureusement, les conditions opératoires, en sonification ont une
très grande importance.
Par expérience, il faut se fier à son oreille. Les ultrasons
sont des fréquences sonores inaudibles, certes, mais elles ont une
action non négligeable sur les matériaux avoisinants. Ceux-ci
entrent en résonance et émettent des sons audibles. C'est de
cette conséquence (désagréable, il faut le reconnaître)
dont il faut se servir pour régler son appareil.
Lors de la montée en puissance, les sons générés
sont désagréables. Au dessus de la puissance optimale, ils sont
purement discordants... . C'est entre ces 2 maux qu'il faudra trouver une
position "harmonique" - En gros, c'est lorsque votre appareil vous
casse le moins les oreilles qu'il est le plus efficace !
Incidence des matériaux
Si vous travaillez dans des contenants très rigides (verre,
inox, ...) les ultrasons seront réfléchis avec un maximum d'efficacité.
Plus le contenant sera "souple" plastiques, ...), plus les ultrasons
seront amortis, absorbés par celui-ci. Plus le matériau sera
absorbant, plus la perte d’efficacité sera importante.
Comme pour toute propagation d'ondes vibratoires, la température, la
viscosité, ... sont des facteurs incidents.
Dégradation des sonotrodes
La plupart des sonotrodes sont en alliage de titane (un des rares
métaux pouvant résister aux énormes contraintes mécaniques
liées aux ultrasons). Malgré cette résistance, les embouts
de sonde se dégradent et libèrent, dans le liquide sonifié,
des traces de métal.
Sondes à embout interchangeable : lorsque l'embout est usé,
il suffit de le changer ...
Malheureusement, ces sondes donnent de moins bons résultats que les
sondes monoblocs. Elles sont surtout intéressantes pour les utilisations
très classiques où l'amplitude n'a pas trop grande importance
(mise en suspension, dégazage,émulsification, ...).
Sondes monoblocs : très fine dans leur réponse
et reproductibilité mais, malheureusement, lorsque l'embout est cratérisé,
il est difficile de les rectifier sans en modifier les caractéristiques
physiques.