Avril 2006 - n°109
La chaîne du froid des médicaments
par Christophe LANGEROCK, PDG de KALIBOX, et Gilles DULUCQ,
Directeur Général
Depuis quelques années, les dispositifs législatifs réglementant
la distribution des médicaments se renforcent. Le transport des médicaments
thermosensibles pose en effet le problème complexe de maîtrise
de la chaîne du froid. Un problème d’autant plus marqué
que de plus en plus de médicaments mis sur le marché sont issus
des biotechnologies et sont thermosensibles. La plupart de ces médicaments
thermosensibles sont par ailleurs utilisés pour le traitement de pathologies
sévères. Enfin, depuis quelques mois, certains médicaments
sont sortis de la réserve hospitalière. Le patient peut dès
lors disposer de son traitement directement auprès de sa pharmacie
de quartier sans être obligé de venir à l’hôpital,
ce qui implique des solutions techniques isothermes adaptées à
la vie de tous les jours. Dans les 10 prochaines années, les biomédicaments
représenteront ainsi près de la moitié des médicaments
distribués. Or, leurs conditions de conservation et de stockage sont
sans commune mesure avec celles des médicaments classiques. La gestion
de la chaîne du froid de ces médicaments thermosensibles s’impose
désormais incontestablement comme un enjeu de santé public majeur…
Le marché des médicaments thermosensibles
De nombreux vaccins doivent être conservés entre + 2°C et
+ 8°C (rougeole, rubéole, fièvre jaune, hépatite
B, méningite, grippe, tétanos, poliomyélite, coqueluche,
typhoïde, varicelle…). « Une dose de vaccins qui congèle,
ne serait-ce que quelques minutes, peut devenir inefficace», souligne
M. LANGEROCK, PDG de KALIBOX.
Cette sensibilité aux fluctuations de température est également
observée pour bon nombre de produits utilisés dans le traitement
du cancer, du VIH, de l’hémophilie, de la sclérose en
plaques, de la leucémie, du diabète insulinodépendant…
ainsi que pour plupart des médicaments dédiés aux maladies
orphelines.
Les greffons d’organes et produits sanguins labiles nécessitent
également des conditions de conservation très rigoureuses. Les
bonnes pratiques transfusionnelles insistent tout particulièrement
sur l’utilisation de dispositifs isothermes performants.
Que dit la réglementation française
?
L’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) délivrée
par l’Agence Européenne pour l’Evaluation des Médicaments
(EMEA) ou l’Agence Française de Sécurité Sanitaire
des Produits de Santé (AFSSaPS) précise les conditions de transport
et de stockage des médicaments. Celles-ci garantissent stabilité
du médicament sur le plan de ses propriétés curatives,
préventives et de ses principes actifs.
D’après l’article L51.24-2 du Code de la Santé publique,
chaque entreprise de fabrication et de distribution de médicaments
doit nommer un pharmacien responsable qui assurera le maintien de la qualité
du médicament jusqu’à la remise au destinataire final,
charge pour le pharmacien responsable d’organiser et de surveiller la
distribution et le stockage des médicaments.
Par le décret du 30 juin 2000, le Secrétariat d’Etat à
la Santé a défini les lignes directrices relatives aux Bonnes
Pratiques de Distribution (BPD) qui se doivent d’être respectées
par les laboratoires pharmaceutiques et l’ensemble de la chaîne
pharmalogistique (grossistes-répartiteurs,
dépositaires…).
Ce guide rappelle les principes fondamentaux essentiels qui doivent être
respectés en matière de distribution en gros des produits pharmaceutiques.
Il définit un cadre d’organisation générale de
toutes les opérations réalisées par les établissements
pharmaceutiques effectuant la distribution en gros, et fixe également
les dispositions relatives à la disponibilité des produits pharmaceutiques,
à la sécurité d’approvisionnement, à la
rapidité des livraisons et aux procédures de rappel. Le texte
précise ainsi les obligations et procédures que doivent, à
la lettre, observer et faire observer les pharmaciens responsables, au risque
d’être en infraction devant la loi. L’AFSSaPS peut en effet
décider une suspension partielle ou totale de l’activité
de l’établissement et poursuivre pour infraction pénale
le pharmacien responsable qui n’aurait pas appliqué ou fait appliquer
ces règles sanitaires et de sécurité relatives au transport
et au stockage des produits de santé.
« Les produits pharmaceutiques doivent être transportés
dans des conditions assurant le maintien de la qualité de telle manière
que : (…) des mesures de protection soient mises en œuvre contre
les conditions excessives de chaleur, de froid, de lumière, d’humidité,
etc, (…). Des équipements spéciaux appropriés doivent
être utilisés pour le transport des produits pharmaceutiques
dont le stockage exige des conditions particulières de conservation
(…) »
(Extrait chapitre 5, article 5.13 et 5.14 – Les Bonnes Pratiques de
Distribution).
L’AFSSaPS a par ailleurs rappelé aux laboratoires et transporteurs,
par ses mises au point du 01/12/04 et 29/04/04, leurs obligations en matière
de gestion de la chaîne du froid : « Compte tenu de la relative
fragilité de ces produits, il est à craindre qu’une exposition
non contrôléeà une température basse (…)
entraîne une dégradation potentielle conduisant à une
perte probable d’activité, voire des modifications physico-chimiques
qui pourraient être potentiellement toxiques. Aussi, il est recommandé
(…) d’adopter des conditions optimisées de conservation
de ces produits (disposer d’emballages isothermes qui réduiraient
les échanges thermiques… »
Le point de vue de l’AFSSaPS entretien
avec Jean LORENZI, responsable du département des Etablissements AFSSaPS
=> « Il n’existe pas aujourd’hui
de norme sur les emballages isothermes. Est-ce en projet ? »
Oui. L’AFSSaPS travaille notamment avec le Laboratoire
National d’Essais (LNE) pour fixer les règles juridiques obligatoires
qui s’intégreront dans une norme NF. Il s’agit de définir
le référentiel que les industriels et les opérateurs
de l’emballage pourront utiliser pour bâtir leurs solutions isothermes
et leur apporter les références juridiques et techniques d’un
emballage isotherme de qualité. Ce projet permet d’aller au-delà
de la vocation première de l’Agence. Il s’agit non pas
de définir un cadre juridique strict et d’en fixer les règles,
mais d’élaborer une norme, en concertation avec tous les acteurs,
qu’ils soient opérateurs logistiques, fabricants, industriels
ou acteurs de la santé.
=> « La sortie de la réserve hospitalière
va-t-elle accroître les responsabilités des pharmaciens, tant
au niveau de la distribution que du stockage des médicaments dans les
officines ? Comment peuvent-ils s’y préparer ? »
La question des modalités du transport des médicaments auprès
des patients est cruciale. La sortie de la réserve hospitalière
pose évidemment ce problème des conditions de stockage, de transport
et plus largement d’utilisation des médicaments. Mais, aujourd’hui,
aucune disposition juridique ou pratique qui permettrait de mettre en œuvre
ce dispositif n’a été encore précisément
définie.
=> « Pourquoi la maîtrise de la chaîne du
froid des médicaments représente-t-elle un enjeu de plus en
plus important ? »
Car l’arrivée prochaines des
médicaments biologiques ou issus de la bio-ingénierie pose de
nouvelles difficultés : étant encore plus sensibles aux fluctuations
de températures, ils exigent une parfaite maîtrise de la chaîne
du froid. Comme ils interviennent dans le traitement de pathologies lourdes,
ils sont à la fois onéreux et distribués en très
petites quantités. Ces contraintes liées à la nature
du produit transporté, impactent obligatoirement les coûts logistiques.
Les pratiques logistiques des transporteurs comme des laboratoires doivent
donc évoluer. Mais réduire cet impact financier au détriment
de la sécurité sanitaire serait une grave erreur. Dans le domaine
de la santé, j’estime que ni les industriels, ni les établissements,
quels qu’ils soient, ne peuvent raisonner seulement en termes économiques.
Le maintien de la qualité du médicament a un prix : celui du
maintien de son efficacité y compris durant le stockage et le transport
sinon les conditions de sécurité thérapeutiques ne peuvent
être garanties. Cet objectif est primordial ; il correspond à
la mission première de l’Agence…
=> « Que pensez-vous de la démarche de Kalibox®
? Vous paraît-elle aller dans le bon sens ? »
Leur démarche me paraît très
pertinente et relativement innovante. Leurs solutions répondent aux
attentes de l’AFSSaPS en matière de maintien de la qualité
des médicaments. Elles remplissent les objectifs de sécurité
sanitaire que nous avons fixés pour l’ensemble des produits de
santé.
A propos de Kalibox
Fondée en avril 2001, la société emploie aujourd’hui
12 personnes et produit 18.000 boites isothermes par mois. La demande est
en forte croissance et l’entreprise est naturellement appelée
à se développer. Le sérieux et la technicité que
les dirigeants ont apportés à la réalisation de leurs
produits constituent sans doute le secret de leur réussite et un gage
pour l’avenir de leur société.