Février 2007 - n°118
Force de solution. Depuis toujours.
Appareils de mésure à haute précision de Anton Paar France
Anton Paar France S.A.S.
La rhéologie : vaut-elle la peine d’être
reconsidérée ?
La directrice d’un laboratoire, Melle C., m’appela un lundi matin
: elle désirait une offre de prix pour un viscosimètre. Tous
les jours, depuis près de dix ans, elle utilisait une machine aujourd’hui
quelque peu désuète pour effectuer des mesures à point
unique de la viscosité pour un contrôle qualité. La valeur
mesurée pour chaque échantillon était inutilisable dans
la pratique, mais pour le dossier de tests, une valeur de mesure vaut toujours
mieux que rien du tout. Au fil de la conversation, Melle C. prit conscience
qu’elle pourrait tirer avantage d’une discussion plus approfondie
au sujet de l’application. Ainsi, nous nous rencontrâmes peu après
dans le laboratoire de Melle C. et cette dernière souleva bientôt
la question :
« Notre société aurait-elle avantage à prêter
davantage d’attention aux tests de rhéologie ? »
Introduction
Bien entendu, il n’a pas échappé à Melle C. que
la technologie des instruments de mesure a fait de grandes avancées
ces dernières années. Elle n’avait simplement pas le temps
de parcourir l’énorme flux d’informations auquel elle est
confrontée quotidiennement. La finalité de notre petit entretien
est de discuter des options de test qui contribuent à l’optimisation
de la production et des applications, dans ce cas, des dispersions.
Très vite, tout devient clair : la consistance d’une dispersion
ne peut pas être déterminée de manière suffisamment
précise en utilisant une seule valeur de viscosité. Nous nous
attelâmes donc à l’élaboration d’une liste
d’exigences dans laquelle 3 aspects principaux commençaient à
prendre forme :
a) Comment pouvons-nous décrire la propriété des flux
?
b) Comment pouvons-nous caractériser l’état au repos ?
c) Que se passe-t-il dans le temps lorsque des changements brusques interviennent
entre l’état de flux et celui de repos et vice versa (mot clé
: thixotropie) ?
Durant la discussion sur les questions liées à l’application,
cependant, Melle C. commençait à comprendre que ses dispersions
ne pourraient être correctement spécifiées que si les
trois points étaient pris en considération. Ce n’est qu’alors
qu’on pourrait obtenir une description complète et bien cernée
du produit.
Lois rhéologiques
En faisant appel à la rhéologie, la science du comportement
des flux et des déformations des matériaux, nous sommes en mesure
d’aller bien plus loin que la simple détermination de la viscosité.
Les deux simples formules physiques qui décrivent en essence le comportement
rhéologique sont associées aux noms de deux scientifiques anglais
des 17e et 18e siècles.
a) Newton, pour le comportement visqueux idéal des fluides : Contrainte
de cisaillement = viscosité de cisaillement par taux de cisaillement
t (Pa) = h (Pa•s)
• ÿ (s-1)
b) Hooke, pour le comportement élastique idéal des solides :
Contrainte de cisaillement = module de cisaillement par déformation
de cisaillement t (Pa) = G (Pa) • ÿ
(1)
La combinaison des deux formules donne une équation différentielle,
qui a été baptisée du nom des trois physiciens anglais
du 19e siècle, Maxwell, Kelvin et Voigt, et qui décrit le comportement
viscoélastique des matériaux réels. Fort heureusement,
nous avons aujourd’hui des logiciels permettant de calculer cette équation
complexe à notre place – et Melle C. n’est pas la seule
à s'en féliciter.
Caractéristiques des flux
En cas de contrainte de cisaillement croissante, la plupart des fluides techniques
présentent des valeurs de viscosité à la baisse. Ce comportement
des flux est appelé rhéofluidification (également pseudoplasticité).
Par conséquent, il est un peu idiot de déterminer la viscosité
en utilisant un seul taux de cisaillement. Mais ça, Melle C. le savait
déjà. Cependant, lorsque je lui ai montré un diagramme
de tests de dispersions similaires dans lequel étaient présentées
différentes courbes de viscosité sous forme de diagrammes ÿ
- h, qui ont une intersection à une valeur
ÿ donnée, elle fut tout de même surprise de voir à
quel point les valeurs de mesure pour des taux de cisaillement plus élevés
et plus bas peuvent varier.
Ces courbes de viscosité avaient été mesurées
tout récemment dans le laboratoire d’un sous-traitant. Pendant
des années, dans ce laboratoire, les mesures de contrôle à
point unique avaient été analysées pour une valeur ÿ
donnée, et bien entendu, une viscosité relativement similaire
avait toujours été enregistrée.
Ce phénomène était constant, malgré le comportement
clairement différent que présentaient des échantillons
individuels dans les étapes de traitement ultérieures, principalement
à des taux de cisaillement élevés. Cet exemple persuada
une nouvelle fois Melle C. qu’il ne suffit pas de simplement mesurer
une valeur aléatoire. Le test devrait permettre de simuler le plus
fidèlement possible les taux de cisaillement qui sont en jeu durant
l'application.
Pour couronner le tout, il faut également mentionner que certaines
dispersions sous haute charge, avec une contrainte de cisaillement croissante,
peuvent parfois présenter une viscosité croissante. Cette caractéristique
des flux est appelée rhéoépaississement ou dilatance.
Une fois de plus, dans ce cas, une seule et unique valeur de viscosité
n’est pas appropriée pour décrire les caractéristiques
des flux.
Comment Melle C. peut-elle trouver la gamme de taux de cisaillement correcte
pour ses tests ? Pour répondre à cette question, nous devons
tout d’abord obtenir une description détaillée des applications
de la dispersion. Lorsque nous appliquons une couche avec, par exemple, une
vitesse de recouvrement v et une épaisseur de couche h, le taux de
cisaillement peut être calculé de la manière suivante
: ÿ = v/h. Des valeurs supplémentaires du taux de cisaillement
peuvent être calculées suivant l’application, ou être
trouvées dans la littérature spécialisée
Nous avons conçu pour Melle C. le programme de mesures suivant, pour
une courbe de flux en forme de rampe, avec les taux de cisaillement augmentant
de ÿ =1...1000 s-1 et pour une durée de test de t = 3 min.
Ensuite, en guise d’évaluation, la courbe de viscosité
fut comparée à une courbe précédemment déterminée,
qui était qualifiée de « bonne » et intégrée
dans le programme informatique comme une diagramme standard pour les comparaisons.
À ce stade, il est important que l’analyse puisse être
réalisée sur la totalité de la courbe de flux.
La discussion se poursuit, particulièrement autour de la limite inférieure
de la gamme de mesure des taux de cisaillement. Les restrictions sont les
suivantes :
a) La plupart des rhéomètres avec palier à bille, utilisés
pour le contrôle qualité, ne sont généralement
plus capables de mesurer des substances faiblement visqueuses de manière
infaillible à des taux de cisaillement ÿ < 0.5 s-1 parce
que leur gamme de couple ou de vitesse de rotation est limitée. Par
contre, les rhéomètres avec palier à air sont sensibles
pour des valeurs inférieures à ÿ = 1 s-1 pour 3 tailles
ou plus.
b) Commentaire destiné à ceux qui souhaitent approfondir le
sujet des courbes de viscosité : Les rhéomètres avec
palier à air peuvent généralement supporter 5 tailles
ou plus de taux de cisaillement avec un seul système et un seul test
de mesure. Les valeurs de viscosité à des taux de cisaillement
bas ÿ < 1 s-1 sont particulièrement intéressantes
pour les départements de recherche et développement. À
ce stade, il est possible d’étudier le caractère structurel
des dispersions.
La question est : Un plateau avec une viscosité constante (viscosité
à cisaillement nul h0) apparaît-il
sur le diagramme h-ÿ à l’endroit du
taux de cisaillement le plus bas dans une présentation à logarithme
double ou ce plateau n’apparaît-il pas, comme c’est le cas
avec des substances qui ont des propriétés gélatineuses
?
En ce qui concerne ces tests, il faut noter que plus le taux de cisaillement
ÿ est faible, plus le temps de mesure t(mp) doit être long. Une règle
empirique pour de nombreuses substances est :
t(mp)= 1/ÿ, ce qui signifie que la durée de mesure doit être
au moins un taux de cisaillement réciproque. Ce n’est qu’alors
que l’échantillon a suffisamment de temps pour s’adapter
aux conditions de faible cisaillement. Dans le cas contraire, on pourrait
obtenir une valeur h0 ou même à une
courbe de viscosité calculée au maximum, même en substances
gélatineuses – qui n’ont toutes deux aucune valeur du point
de vue rhéologique. ?
Pour les techniciens d’application, il est intéressant qu’une
dispersion avec une viscosité à cisaillement nul h0 au repos coule
sous son propre, et dans des tests de longue durée, tende à
la séparation. Les résultats de ces tests ne décrivent
dès lors pas simplement le comportement de la substance fluide, mais
également son comportement en état de quasi-repos. ?