Février 2007 - n°118

Fractionnement par couplage flux-force et diffusion multi-angulaire de la lumière : une méthode viable pour la caractérisation de différents types d'amidons hydroxyéthyles

Par C. Augsten et K. Mäder, Institut de pharmacie et biopharmacie de l’Université de Halle-Wittenberg, W. –Langenbeck-Str. 4, 06120 Halle/Saale, Allemagne

La caractérisation macromoléculaire absolue est une technique de séparation combinant des instruments de fractionnement par couplage flux-force (AFFFF ou AF4) et de mesure de la diffusion multi-angulaire de la lumière (MALS). Cet article présente le cas de la technique de caractérisation macromoléculaire absolue AFFFF comme une variante viable – et dans certains cas préférable – à la chromatographie d’exclusion stérique (CES) ou par perméation de gel (CPG) pour la caractérisation de différents types d'amidons hydroxyéthyles (AHE).

Introduction

Les amidons hydroxyéthyles (AHE) sont de plus en plus fréquemment utilisés comme expanseurs de plasma dans les applications médicales, la durée de transit sanguin des AHE dépendant fortement de la distribution de la masse molaire. La chromatographie par perméation de gel est traditionnellement utilisée pour la caractérisation des polysaccharides, mais cette technique s’avére problématique, notamment en présence de composants à forte masse molaire. Du fait de son excellente capacité de séparation, en particulier des molécules excédant 50 kDA, le fractionnement par couplage flux-force (AFFFF) représente une très bonne alternative à la CPG conventionnelle. Il est possible de déterminer des valeurs absolues en associant cette technologie fiable à un détecteur de la diffusion multi-angulaire de la lumière (MALS).

Caractérisation macromoléculaire

La plupart des applications de laboratoire nécessitent la détermination absolue de la masse molaire et de la taille sans référence à des standards ou à des suppositions sur la conformation des particules elles-mêmes. Cependant, la plupart des techniques de séparations prédisent la taille hydrodynamique des espèces éluantes sous forme d'une fonction du temps d'élution.
Les développements récents des systèmes AF4 permettent maintenant la caractérisation des masses moléculaires (et macromoléculaires) absolues en mettant ces systèmes en interface avec un détecteur de diffusion multi-angulaire de la lumière (MALS).

Technique AF4

La caractérisation macromoléculaire par fractionnement AFFFF est un mécanisme de séparation non destructeur en une seule phase permettant de déterminer les masses moléculaires et macromoléculaires ainsi que les nanoparticules dans une solution. Comme pour la chromatographie classique, les composants de l’échantillon s’éluent à des temps de rétention donnés liés à une gamme de propriétés physio-chimiques de l’espèce retenue. Cependant, contrairement à la chromatographie, le fractionnement AFFFF peut prédire la rétention d’un composant donné et extraire les propriétés chimiques directement des paramètres de rétention.
La séparation est obtenue grâce au flux différentiel d'un solvant dans un canal composé de deux plaques séparées par un film espaceur ; les plaques sont assemblées par des boulons.
La plaque supérieure du canal est imperméable, tandis que la plaque inférieure est perméable, fabriquée dans un matériau fritté poreux. Une membrane d'ultrafiltration au seuil de coupure (porosité) typique de 10 kDA recouvre la plaque inférieure enfin d'empêcher l'échantillon de sortir du canal.
Les trois premières étapes de la séparation ont lieu simultanément, suivies par l’élution. Dans le cadre de la procédure de séparation de l’échantillon, l‘élution se concentre tout d’abord dans la région du canal située près du port d’injection. Cela est rendu possible par la division du flux du canal en deux composants, chacun entrant dans le canal par l'une des deux extrémités. Les flux sont ensuite ajustés automatiquement de sorte que le flux net s’annule à leur intersection à proximité du port d’injection.
Durant la séparation, le solvant est introduit dans un flux de solvant qui est injecté dans le port d’entrée du canal. Un profil de flux parabolique est créé dans le canal du fait de la friction du liquide contre les parois. Un champ de force est appliqué perpendiculairement au flux afin de diriger les composants en différents flux laminaires. Lorsque le gradient est appliqué, l’échantillon est dirigé vers la base du canal (« paroi d’accumulation »), adoptant une vélocité différente de celle présente au centre du canal.

La diffusion associée au mouvement de Brownien créé un mouvement neutralisant, avec des particules plus petites présentant des taux de diffusion supérieurs, permettant d’atteindre une position d’équilibre en aval de la paroi d’accumulation. Ainsi, le gradient de vélocité du flux circulant à l’intérieur du canal sépare les particules de tailles différentes. Les petites particules se déplacent plus rapidement que les grandes, du fait de leurs plus forts coefficients de diffusion, ce qui provoque une élution de celles-ci en premier. Il s’agit du phénomène exactement inverse à celui d’une séparation par exclusion stérique ou par perméation de gel (CES/CPG), dans lesquelles les grandes molécules sont éluées en premier. De plus, le processus est rapide et non destructeur, l'échantillon restant inaltéré par toute phase stationnaire.

Contrairement à la CES, le fractionnement AFFFF affiche une plus forte sélectivité sur une plage d’applications beaucoup plus large. Du fait de leur polyvalence, les dispositifs de fractionnement par couplage flux-force jouent un rôle important dans de nombreuses applications de recherche et développement et de contrôle qualité, notamment la biologie moléculaire, la nanotechnologie et l’analyse environnementale. Ils produisent une séparation particulaire et moléculaire d’échantillons dans le domaine nanomètrique. Toutefois, des développements récents dans le domaine des instruments de diffusion de la lumière ont permis aux scientifiques d’utiliser les instruments de fractionnement AF4 associés à un nouveau détecteur de diffusion multi-angulaire de la lumière (MALS) afin de déterminer la taille absolue des particules.

Chromatographie par perméation de gel

La CPG, aussi connue sous le nom de chromatographie par exclusion stérique (CES) ou chromatographie par perméation de gel (CPG), est utilisée pour caractériser des molécules produisant la distribution complète de la masse moléculaire en environ une demi-heure par échantillon. La molécule à analyser est introduite par le haut de la colonne puis est éluée avec un solvant. Les molécules se diffusent à travers le gel à des taux dépendant de leur taille moléculaire. Au moment où elles émergent en bas de la colonne, elles sont détectées par un réfractomètre différentiel, à partir duquel une courbe de distribution de la taille moléculaire est calculée.
La technique ne s’appuie pas sur les différences chimiques pour effectuer la séparation, mais sur la taille par rapport aux pores de la phase stationnaire. Toutefois, une étude plus détaillée révèle que la taille de la molécule polymère dépend aussi de facteurs structurels primaires et secondaires. La limite majeure de la CPG conventionnelle utilisant uniquement un détecteur de concentration, comme un réfractomètre, est qu’elle est incapable de discriminer entre les effets de la masse moléculaire et de différences structurelles sur la taille moléculaire.

Diffusion multi-angulaire de la lumière

Les nouveaux instruments de MALS (par exemple le DAWN HELEOS de Wyatt Technology Corporation) sont les seuls détecteurs absolus de la diffusion multi-angulaire de la lumière. Cela signifie qu’ils mesurent la masse molaire directement à partir de l'intensité de la lumière diffusée, sans faire référence à une masse molaire standard connue.
La taille des molécules affecte la variation angulaire de l’intensité de la lumière diffusée. Si un instrument mesure la diffusion de la lumière selon un seul angle, il est impossible de déterminer la dépendance angulaire de celle-ci. Seuls les instruments de mesure multi-angulaire de la lumière diffusée peuvent être utilisés pour déterminer directement les tailles moléculaires.
L’importance du nombre d’angles est critique puisqu’elle détermine la précision (reproductibilité ou absence de fluctuations) de la mesure, ainsi que la justesse de la masse molaire et de la détermination de la taille. Un plus grand nombre d’angle est synonyme d’une plus grande quantité de données collectée ; plus de données signifient une plus grande précision. Au moins deux angles sont nécessaires afin de percevoir la variance de l’intensité de la diffusion ; cependant, en la présence de bruit, une adéquation linéaire pondérée des données nécessite au moins trois angles.
Le détecteur MALS est absolu car il est calibré en mesurant la lumière diffusée à partir d’un solvant pur, comme le toluène. La caractéristique unique de ce dispositif, c’est que les solvants peuvent être changés sans avoir besoin de procéder à un nouveau calibrage. Les pseudo instruments de diffusion de la lumière nécessitent un nouveau calibrage pour chaque solvant, puis « comparent » la diffusion de la lumière à celle de standards de référence pour chaque solvant utilisé. Les résultats sont ensuite « ajustés » pour concorder avec le standard – sans preuve directe que le standard soit correct !

Caractérisation de macromolécules en utilisant le fractionnement AFFFF et la détection MALS

La technique AF4-MALS peut mesurer la masse molaire absolue et la distribution de la masse molaire d’une large gamme de particules, notamment des polymères, des biopolymères et des protéines, sans recourir au calibrage en canal avec des standards arbitraires. En associant les pouvoirs de séparation du fractionnement AFFFF et les pouvoirs de mesure de la détection MALS, la résolution est remarquablement augmentée.
Un autre avantage de la caractérisation macromoléculaire absolue repose sur le fait que la séparation AFFFF-MALS n’est pas limitée à une taille maximum pouvant être résolue. Dans la chromatographie par exclusion stérique (CES), les plus grandes masses molaires sont éluées à la limite d’exclusion de la colonne, les composants trop grands de l’échantillon devant être retirés dans une étape de préparation supplémentaire, par exemple par filtration ou centrifugation, afin de réduire le bruit des mesures et de protéger la colonne. Cette étape supplémentaire est superflue avec la technique AF4-MALS.

Méthodologie

0,2 % (w/v) de solutions d’AHE ont été caractérisés dans de l’eau deux fois distillée. Les types d’AHE étaient 200/0,5, 130/0,42 et 70/0,5, et ils ont été fournis par Serumwerk Bernburg, Allemagne. L’instrumentation choisie comprenait un système AFFFF Eclipse (Wyatt Technology) associé à un détecteur DAWN EOS MALS (Wyatt Technology) et à un détecteur RI (Shodex 101). 100 µl de solution ont été injectés dans le canal espaceur de 350 µm contenant une membrane de cellulose régénérée à 10kDA. Un flux canalaire de 1 ml/min a été maintenu constant tandis que le flux croisé diminuait linéairement de 2 ml/min à 0 ml/min en 20 minutes. Les données ont été évaluées en utilisant le progiciel ASTRA (Wyatt Technology).

Résultats

Les fractogrammes AFFFF/MALS des types AHE sont comparés dans la Figure 1. Conformément à la théorie du fractionnement AF4 en mode normal, les échantillons à masse molaire moyenne plus faible éluent plus rapidement. Dans la Figure 2, les distributions des masses molaires sont indiquées sous la forme de courbes de fraction de la masse cumulative. Comme cela est mis en évidence par les courbes, des distributions monomodales ont été obtenues avec succès. Les valeurs couvrent une plage de tailles allant d’environ 20 kDA à environ 600 kDA, avec des pointes à 2 GDa, selon le type d’AHE caractérisé. Par conséquent, la valeur de la masse molaire a essentiellement été influencée par les fractions à forte masse molaire. Cela est également indiqué par un plus fort indice de polydispersité pour les types d’AHE à plus forte masse molaire.

Conclusion

En associant le fractionnement AFFFF aux instruments de mesure de la diffusion multi-angulaire de la lumière, en particulier dans les plages de masses molaires élevées, il est possible de produire une solution de séparation représentant une alternative viable à la chromatographie par exclusion stérique ou perméation de gel. L’avantage principal de cette technique est que les distributions de masses molaires peuvent être déterminées à partir de valeurs absolues sur une large gamme de masses. A titre d’exemple de polysaccharides, différents types d’AHE ont été caractérisés avec succès.

 

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