Décembre 2007 - n°127
Essais cliniques : dix clés pour comprendre
par le LEEM
L’autorisation de mise sur le marché d’une
nouvelle molécule est conditionnée par la réalisation
d’essais cliniques dans un cadre chronologique et légal très
précis.
Qu’est-ce qu’un essai clinique ?
Un essai clinique est une étude effectuée chez des malades pour
prouver la validité d’un nouveau traitement par comparaison avec
un traitement classique ou à l’absence de traitement (placebo).
Pour respecter les bonnes pratiques cliniques, ces essais doivent répondre
à une méthodologie rigoureuse : c’est une expérience
contrôlée au cours de laquelle des volontaires se soumettent
à un protocole médical afin d’apprécier l’efficacité
et la tolérance du nouveau médicament au-delà de la nouvelle
stratégie thérapeutique.
Pourquoi fait-on des essais cliniques ?
Les essais cliniques sont obligatoires dans la procédure autorisant
la mise sur le marché d’un médicament. Ils permettent
de déterminer sur quelles populations de patients le médicament
est le plus efficace et de mieux déterminer les caractéristiques
relatives au meilleur usage du médicament concerné.
Comment décide-t-on de procéder
à des essais cliniques ?
Les phases d’essais cliniques impliquant des personnes ne peuvent être
entreprises que s’il est jugé que les résultats de l’expérimentation
animale ont apporté une réponse positive en matière d’activité
et de sécurité. Cette phase initiale dure 5 à 6 ans.
Le laboratoire pharmaceutique, au vu des résultats des expériences
menées sur l’animal, dépose donc une demande visant à
tester la molécule sur l’Homme. Un Comité d’Ethique
indépendant, chargé d’évaluer l’ensemble
du protocole, va donner son avis sur la pertinence du projet et la protection
des personnes appelées à y participer. L’essai ne peut
commencer qu’après avis favorable du Comité et une autorisation
des pouvoirs publics (en France, par l’AFSSaPS).
Comment se déroule un essai clinique ?
Mené par des médecins et des équipes hospitalières,
un essai clinique se déroule en trois phases successives :
phase 1 : tolérance ou innocuité
L’essai est mené habituellement sur un nombre limité de
sujets volontaires sains. Des quantités croissantes de la nouvelle
molécule, en commençant par des doses très faibles, sont
administrées à des volontaires sains, sous surveillance étroite.
Cette phase permet d’évaluer les grandes lignes du profil de
tolérance du produit et son devenir dans l’organisme ; ceci
en comparaison des résultats chez l’animal et de son activité
pharmacologique.
70 % des médicaments expérimentés franchissent le cap
des essais de phase 1…
phase 2 : efficacité du produit sur des populations
de malades et recherche de dose
Cette phase est menée chez des patients. Son objectif est de vérifier
que le rapport bénéfice / tolérance est favorable et
de déterminer la dose optimale (posologie), mais aussi la dose minimale
efficace ; c’est-à-dire la dose pour laquelle l’effet
thérapeutique est le meilleur pour le moins d’effets secondaires.
Un tiers des substances testées franchissent le cap des essais de phases
1 et 2.
phase 3 : études « pivot »
Fondées sur les résultats de la phase II, les études
de phase III permettent, dans des conditions aussi proches que possibles des
conditions habituelles d’utilisation des traitements, de vérifier
le rapport efficacité – tolérance sur de larges populations
de patients. Il vise à confronter l’efficacité thérapeutique
de la molécule et sa bonne tolérance en la comparant au traitement
de référence (quand il existe) ou à un placebo. Précautions
d’emploi et risques d’interactions avec d’autres produits
sont recherchés. Les essais couvrent habituellement plusieurs milliers
de patients. 70 à 90 % des médicaments entrant en phase 3 sont
retenus comme candidats à une demande d’autorisation de mise
sur le marché…
Mais, les essais ne s’achèvent pas avec l’AMM ; ces
trois phases d’études sont en effet complétées
par des études post-AMM : des études cliniques ou des études
pharmaco-épidémiologiques qui peuvent être faites pendant
toute la vie du médicament.
Quels sont les risques inhérents aux
essais cliniques ?
Les essais cliniques ne sont conduits que lorsque le maximum de précautions
est réuni pour la sécurité du patient, mais le risque
zéro n’existe pas. Les effets indésirables éventuels
sont expliqués par le médecin lorsqu’il propose au patient
de participer à l’essai. Si le patient souhaite prendre part
à l’étude, il signe un consentement libre et éclairé
lui donnant des informations écrites assurant qu’il a bien été
informé des modalités de l’étude, notamment de
son déroulement, de ses risques et de ses contraintes. Le suivi biologique,
médical et clinique dont il bénéficie durant l’étude,
lui assure la plus grande sécurité possible. Il est important
de noter qu’un malade peut décider d’arrêter sa participation
à un essai à tout moment.
Comment les essais cliniques sont-ils encadrés
en France ?
Tous les essais cliniques publics ou privés étaient régis
par la loi Huriet-Sérusclat de 1988. La loi du 9 août 2004, relative
à la politique de santé publique, a introduit dans le droit
français la nouvelle directive européenne sur les essais cliniques ;
elle renforce encore les mesures de protection des personnes se prêtant
à des recherches biomédicales.
Qui participe à des essais cliniques ?
Les participations à des essais cliniques sont volontaires et leurs
rétributions plafonnées à 3 800 € par an. Les volontaires,
dont l’anonymat est garanti, ne peuvent suivre deux protocoles à
la fois.
Sont sélectionnés des volontaires sains (pour la phase I) et
malades pour les autres phases. La participation aux phases initiales est
assortie de précautions spécifiques destinées à
limiter les risques (registres, déclaration de participation) pour
éviter qu’un volontaire participe à deux essais en même
temps, et contrôler les compensations attribuées sur une base
annuelle.
Où se déroulent les essais cliniques ?
Les essais cliniques se déroulent dans des centres d’investigation
clinique (CIC) implantés au sein d’établissements hospitaliers
ou dans des centres privés d’investigation dûment autorisés
et inspectés en matière de sécurité, en particulier
par l’AFSSaPS. Afin de professionnaliser la gestion des CIC, il a été
décidé de créer dans les régions sanitaires des
Centres de Gestion des Essais des Produits de Santé (CEGEPS), véritables
plates-formes de services dédiées aux essais cliniques.
Les essais cliniques permettent-ils de faire
avancer la recherche ?
Mener un nouveau médicament du stade expérimental vers la commercialisation
repose sur un processus long de 7 à 12 ans. De tels délais sont
difficilement acceptables dans le cas de pathologies graves. Participer à
un essai clinique, en particulier lorsqu’il n’existe pas de traitements
ou que ceux existants sont insuffisamment efficaces ou tolérés,
peut permettre à un patient de bénéficier ultérieurement
d’un traitement innovant. C’est aussi une façon de faire
avancer la recherche.
Les essais cliniques sont indispensables pour déterminer la justification
de la mise sur le marché d’un nouveau médicament.
Pour encourager les essais cliniques en France ?
600 à 800 000 patients dans le monde sont inclus chaque année
dans un processus d’essais cliniques.
Avec une moyenne annuelle de 50 000 participants à la recherche clinique,
la France se positionne au troisième rang européen après
l’Allemagne et le Royaume-Uni, et compte à l’échelle
mondiale 7% de parts de marché pour 8% des essais cliniques. Les industriels
du médicament sont les promoteurs de 71 % des essais cliniques réalisés
en France chaque année. Chaque essai clinique représente en
moyenne 40 % de l’investissement global nécessaire à la
recherche et au développement d’une nouvelle molécule.
Face à une compétition internationale croissante en matière
de localisation d’essais cliniques, il est important que la France reste
un des grands pays de l’expérimentation clinique en valorisant
ses atouts : excellence de ses équipes médicales, spécialisation
dans les phases de développement précoces, expertise dans les
domaines du cardiovasculaire, du métabolisme, de l’oncologie
et de l’infectiologie. Il s’agit globalement d’enrayer la
chute du nombre d’essais cliniques réalisés en France
et la baisse du nombre de patients recrutés…
Cinq axes pour optimiser les essais :
1/ Encadrement légal : la réalisation
d’essais cliniques est rigoureusement encadrée par la Loi Huriet-Sérusclat
et la directive européenne sur les essais cliniques, réformant
la loi Huriet, entrée en vigueur fin 2006.
2/ Autorisation : chaque essai devra obtenir une autorisation
de l’AFSSaPS.
3/ Transparence : fin 2005, l’industrie du médicament
a ouvert son portail de recherche sur les essais cliniques : www.ifpma.org/clinicaltrials
4/ Organisation : le 28 mars 2007, a été
créé le groupement d’intérêt public :
GIP CeNGEPS (Centre national de gestion des essais de produits de santé),
chargé de restructurer l’organisation administrative des essais,
leur financement et leur gestion afin de recruter plus de patients, plus vite
et mieux.
5/ Pour ce qui concerne les essais dans les pays en développement,
l’OMS et le CIOMS (Council for International Organization of Medical
Science) sont en charge de faire respecter les trois principes suivants :
les essais cliniques doivent correspondre à des besoins de santé
prioritaires de ces pays ; les essais de phase 1 et 2 doivent être
conduits dans les pays développant le produit ; des comités
d’éthique de la recherche doivent être créés
dans les PED.