Décembre 1995 - n°3
Les fêtes de fin d'année approchent et avec elles les repas traditionnels de Noël et du Jour de l'An, où le foie gras tient une grande place. La Gazette du Laboratoire vous propose donc un dossier foie gras : de l'élevage des animaux au produit fini avec une étude sur les perspectives d'application de la RMN pour l'amélioration de la qualité et la garantie de l'authenticité de ce mets raffiné.
La filière gras est soumise à des critères qualité stricts, que ce soit au niveau de l'élevage, du gavage ou de la transformation.
Ainsi, pour bénéficier de l'Indication Géographique Protégée "Sud-Ouest", le foie gras doit provenir d'élevages d'animaux du Sud-Ouest. Les animaux mis en gavage doivent être âgés d'au moins 81 jours pour le canard mulard, 82 jours pour le canard de Barbarie. Le poids moyen des animaux composant le lot au moment de la mise en gavage est fixé à 3,5 kg minimum pour le canard mulard et 3,7 kg minimum pour le canard de Barbarie. Les canards sont gavés exclusivement au maïs, récolté dans la zone de production, pendant 12 jours minimum.
Les locaux sont aussi soumis à contrôles :
nombre d'animaux au mètre carré, nombre de salles, désinfection, etc...
Tous les traitements sont interdits pendant le gavage, en particulier les antibiotiques.
Après le gavage, l'éviscération peut se faire à froid ou à chaud selon des règles d'hygiène très strictes. Toutes ces recommandations concernant l'élevage et le gavage sont des indications minimales à respecter pour obtenir en final un foie gras de qualité. Certains professionnels, défenseurs de "l'école traditionnelle du foie gras" vont au-delà de ces critères. Ainsi chez "Comtesse du Barry", les foies gras proviennent d'animaux élevés et gavés selon la tradition du Sud-Ouest, nourris exclusivement avec du maïs en grains entiers (est exclu le gavage à la pompe). L'élevage dure au moins 12 semaines sur des terrains herbeux avec une nourriture non rationnée à base de maïs produit dans la région. Le gavage est de 12 jours au minimum (l'animal reçoit un minimum de 24 repas), avec une gaveuse qui respecte le rythme des animaux.
Pour être transformé en "foie gras entier et foie gras", le foie gras cru doit peser au minimum 350 grammes et "il doit être souple, de couleur uniformément claire et ne pas présenter de lésion". (Indication Géographique Protégée Produit du canard à foie gras du Sud-Ouest - Réf. 6.93.06 - chap XIII). Si le foie gras cru ne répond pas à ces critères de poids et d'appréciation visuelle, il pourra servir à l'élaboration de préparations à base de foie gras (parfait, galantine, pâté...)
Cette étape de tri des foies gras, appelée "classement", est un point crucial puisque c'est là que se jouent les revenus du gaveur et la marge du conserveur. Ce classement très important est basé, en majorité, sur l'estimation visuelle de la texture et de la couleur. Il est de ce fait peu objectif, puisque soumis à une appréciation humaine. Il ne prend pas en compte des caractéristiques biochimiques et physiques, comme le taux de matières grasses et le taux de fonte (tenue du foie gras à la cuisson-matière grasse liquide exsudée) du foie gras. Par précaution les conserveurs effectuent un tri sévère. Ainsi, les "petits" foies sont déclassés car ils risquent de comporter trop de cellules maigres. Les "gros" foies risquent de trop fondre et ne sont pas mieux quotés. Or, ces appréciations sont subjectives car des petits foies peuvent être bien engraissés et des gros foies peu fondants. Dans les deux cas, le gaveur et le conserveur perdent de l'argent.
Une mesure objective de l'engraissement et de la texture du foie serait donc la bienvenue. La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) peut être la solution à un meilleur tri. Cette méthodologie peut aussi avoir son application pour le contrôle du produit fini ; en effet, pour bénéficier de l'Indication Géographique Protégée "Sud-Ouest", les foies gras entiers et transformés ne doivent pas présenter un taux de graisse exsudée et d'homogénat supérieur à 30 %.
La technique RMN est non-invasive et non-destructive : un échantillon du produit à analyser est simplement placé dans un champ magnétique intense. Les noyaux atomiques, possédant un magnétisme non nul, s'orientent selon le champ pour acquérir un état énergétique stable. L'échantillon est alors soumis pendant un temps très court à une onde de radiofréquence spécifique de l'atome étudié : Phosphore-31, Carbone-13, Deutérium. L'équilibre énergétique des noyaux atomiques est alors rompu et le retour à l'état stable "le phénomène de résonance" s'accompagne de l'émission d'un signal électrique "le spectre RMN". L'interprétation des spectres RMN dépend de la puissance du champ magnétique. On distingue les spectromètres à basse résolution (aimant permanent à bas champ magnétique) et ceux à haute résolution (aimant supraconducteur à très haut champ magnétique).
Cette méthodologie est utilisée depuis de nombreuses années dans l'agro-alimentaire, notamment pour déterminer les contenus en eau et en graisse dans les viandes, poissons, céréales, fruits...
En ce qui concerne la filière foie gras, des études on été réalisées dernièrement afin de mettre en place un second critère de norme pour le foie gras basé sur une mesure rapide du contenu en lipides du foie.
Le Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles (C.T.C.P.A.) était le pilote de cette étude et la mise en oeuvre de la technologie a été réalisée par la société TPA SA (voir encadré).
En trente secondes, la société TPA mesure par RMN :
* le taux de fonte du foie gras (voir graphe 1)
* le degré de steatose (degré d'engraissement du foie - quantité de matière grasse stockée dans les hépatocytes) (voir graphe 2)
* le taux d'humidité (voir graphe 3)
* le taux de protides
La RMN à basse résolution est une méthode simple, rapide et reproductible ; elle est donc bien adaptée aux contrôles qualité de routine et aux suivis de la production.
Elle permet de caractériser plus finement les caractéristiques du foie gras. Certains composés comme les triglycérides sont présents à des concentrations intracellulaires très élevées dans le foie gras, des signaux en C-13 sont donc détectables en quelques minutes.
Les spectres enregistrés constituent une véritable carte d'identité du produit (voir graphes 4 et 5) et pourraient être utilisés pour le contrôle de la qualité et de l'authenticité du produit fini. Dans le cadre de programmes "publics" et "privés", de nombreux travaux ont été réalisés par la société TPA utilisant la RMN du C-13.
Les études réalisées en RMN jusqu'à aujourd'hui pour "la filière foie gras" sont très prometteuses.
La technologie RMN possède des qualités (rapidité, facilité de mise en oeuvre, répétabilité, reproductibilité) qui en font un outil de recherche, de contrôle de la qualité et de suivi de production. Son utilisation permet l'amélioration de la qualité et la valorisation maximale du foie gras. Certains conserveurs l'utilisent déjà comme la société "Comtesse du Barry", qui teste chaque jour la fonte de tous les foies classés en qualité "extra".
TPA SA Technologies de Pointe en Agro-Alimentaire
TPA SA est née en 1992 d'un transfert de technologie émanant de l'université de Bordeaux II et plus particulièrement du laboratoire du Professeur Paul CANIONI, spécialiste de renommée internationale en Résonance Magnétique, qui dirige à la fois un centre de recherche CNRS et un service de recherche clinique. Le Professeur Paul CANIONI est président du conseil de surveillance de TPA. Madame Julie CASTA est la présidente du directoire. Pour la filière palmipède, dans le cadre de programmes de recherche publics ou pour le compte de sociétés privées, TPA a développé de nombreuses analyses par RMN.
1) des analyses de routine
* Détermination rapide (< 30 s) de la composition du foie gras cru ou transformé (eau, matière grasse, protides)
* tri des foies d'après leur état d'engraissement (48 % pour le foie gras de canard et 43 % pour l'oie)
* Evaluation rapide, automatique et non destructive du taux de fonte des foies par RMN (logiciel de calcul TPA)
* Suivi des caractéristiques physico-chimiques des foies gras crus et des produits en cours de transformation
* identification des critères de qualité des foies
* Estimation rapide de la texture des foies gras par RMN
2) des analyses de pointe
* Analyse fine de la composition des foies en acides gras, glucose et glycogène
* mise en place de véritables cartes d'identité des foies
3) des analyses ponctuelles
* Etude de l'influence de l'aliment (composition, préparation), de la méthode de gavage (durée, rations) et de la souche sur les qualités physico-chimiques et organoleptiques des foies gras
La société travaille aussi sur d'autres produits agro-alimentaires et se diversifie sur d'autres techniques d'analyses (spectrométrie de masse, HPLC, Infra-rouge...)
V.Crochet
Nous remercions Mme Anne BRAMEL-LACROIX, Directeur Général de la société "Comtesse du Barry" et Mr Hervé GASNIER, responsable R et D de la société TPA SA, pour leur aide à la réalisation de cet article.
QUELS VINS AVEC VOTRE FOIE GRAS ?
Cela dépendra bien sûr du type de foie (oie ou
canard) et de sa préparation (cuisson, assaisonnement).
L'accompagnement le plus classique reste les Sauternes ou le Monbazillac mais
on peut leur préférer un liquoreux peut-être un peu moins
riche en sucres, avec un peu plus d'acidité comme un Bonnezeaux, un "Coteaux
du Layon" ou une sélection de Grains Nobles d'Alsace.
Pourquoi ne pas essayer un Condrieu aux arômes très fruités
ou carrément moelleux. Certains accords à la mode comme le Porto
et le Banyuls sont à tenter, mais ces deux vins l'emportent souvent sur
le foie.
Et les Rouges ? de la région d'origine du foie (Madiran par exemple)
ou un Saint-Emilion de grandes races.
Quelques Blancs secs peuvent faire merveille : un Pouilly-Fumé, un grand
Meursault, un Hermitage déjà évolué. Mais un Gascon
vous dira que le meilleur reste un très vieil Armagnac.
En Réalité, il ne faut jamais oublier que le parfait accord reste
toujours celui de l'harmonie et qu'il doit avant tout refléter votre
propre goût.
G. Martin - Conservatoire du Vin.