Février 1996 - n°5

INBIOMED : De la mesure isotopique au diagnostic clinique.

La société Inbiomed a été créée en 1989 à l'initiative d'universitaires et d'industriels, dans le but de réaliser le transfert du savoir-faire des premiers vers les capacités d'application des seconds.

Dans un premier temps, Inbiomed a dû développer un appareil suffisamment sensible pour pouvoir doser 1 atome d'un isotope stable dans une population d'1 million d'atomes (par exemple, le 13C, isotope stable non radioactif et naturel, représente 1,1% du carbone naturel). Les techniques d'analyses développées par Inbiomed, qui reposent principalement sur le couplage de la Chromatographie en Phase Gazeuse (séparation de CO2) et de la Spectrométrie de Masse Isotopique (mesure du 13CO2 en rapport du 12CO2), permettent d'obtenir des résultats très performants en matière de sensibilité (10 nmoles de CO2) et de précision, qui sont nettement supérieurs à ceux requis dans la pratique clinique. L'appareil conçu par Inbiomed a fait l'objet d'un dépôt de brevet, suivi de la commercialisation par une société britannique.

Dans un second temps, Inbiomed a mis au point des tests respiratoires, qui sont avant tout des tests dynamiques et indirects. Ces tests à usage diagnostique et pronostique permettent en outre l'évaluation de la capacité métabolique hépatique. Le principe repose sur l'administration d'un substrat métabolique enrichi en 13C, judicieusement choisi, et sur la mesure en cinétique de l'enrichissement en 13CO2 des gaz expirés (figure). Le choix du marqueur enrichi en isotopes stables dépend du diagnostic ou de la fonction métabolique ciblée.

Une des premières applications : Diagnostic non invasif d'infection à Helicobacter pylori.

Helicobacter pylori est un petit bacille à Gram négatif de forme spiralée présent dans l'estomac humain, qui serait l'agent étiologique principal de la gastrite de type B (à distinguer de la gastrite de typeA présente dans l'anémie de Biernier) et constituerait un facteur de risque important pour l'ulcère peptique. Sa présence dans l'estomac humain fut signalée dès 1938. Mais ce n'est qu'en 1983 que deux chercheurs australiens WARREN et MARSHALL s'intéressent à nouveau à cette bactérie. Ils démontrent qu'elle est isolée au niveau de l'antre gastrique chez 87% des patients présentant un ulcère gastrique ou duodénal et chez 90% des patients atteints de lésions histologiques de gastrite. Ce germe n'est jamais retrouvé sur une muqueuse saine. La présence d'une activité uréase importante chez Helicobacter pylori a pu être mise à profit pour concevoir et développer des tests non invasifs. Les tests respiratoires reposent sur le fait que la réaction de l'uréase sur l'urée génère du dioxyde de carbone (CO2) qui est éliminé par les gaz expirés. Ainsi, si l'urée est marquée sur son atome de carbone à l'aide de l'isotope non radioactif (13C), le CO2 expiré portera le marquage et ce marquage révèlera la présence de Helicobacter pylori. La mise en œuvre de ce test est simple. Dans un premier temps, le patient souffle dans un tube Vacutainer de 10 ml de façon à permettre la mesure du contenu basal en 13C du CO2 expiré normalement par le sujet (1,1% du carbone naturel). Le patient absorbe alors par voie orale une solution contenant 75 mg d'urée marquée au 13C. Trente minutes plus tard, le patient souffle à nouveau dans un tube avec l'aide d'un second petit tube en matière plastique.

La différence de la mesure de l'enrichissement en 13C du CO2 est mesuré sur le second prélèvement et l'état basal du patient de 3 unités d'enrichissement isotopique signe la présence d'Helicobacter pylori. La spécificité et la sensibilité de ce test sont respectivement de 98 et 99%. Il peut être répété chez le même patient afin de suivre l'effet d'un traitement, de vérifier l'éradication de Helicobacter, de mener des études épidémiologiques... Il peut aussi aisément être utilisé chez l'enfant et la personne âgée, patients chez qui l'endoscopie peut poser quelques problèmes.

Le test qui est validé, est utilisé actuellement dans des protocoles d'études cliniques pour tester l'efficacité des traitements médicamenteux. Il présente l'avantage d'être non-invasif et son innocuité est totale. Il est simple d'utilisation, rapide et confortable pour les patients et devraient rapidement devenir un moyen supplémentaire d'aide au diagnostic pour les médecins.

Un second test respiratoire à l'Aminopyrine 13C, actuellement en cours d'élaboration, devrait bientôt naître. Ce test fournira une valeur de la masse fonctionnelle hépatique par une évaluation de l'activité des cytochromes P450 des microsomes hépatiques. Le substrat de base est cette fois l'Aminopyrine marqué avec 2 atomes de 13C au niveau de deux groupements méthyl. La dégradation de ce substrat par le métabolisme oxydatif du foie entraîne la production du 13CO2 au niveau de l'air expiré.

Les applications cliniques principales sont :

- l'hépatopathie chronique (évaluation et pronostic des cirrhoses, appréciation du risque chirurgical et aide à la décision pour le choix de la transplantation hépatique),

- la transplantation hépatique (suivi à court et à long terme de l'activité métabolique du greffon),

- l'hépatotoxicité (surveillance des traitements médicamenteux et ajustement de la dose thérapeutique).

Les applications en recherche sont nombreuses (contrôle de l'efficacité et de l'influence des molécules médicamenteuses sur l'induction ou l'inhibition de la fonction hépatique).

Mme Rousseau, Directeur Scientifique de la Société Inbiomed, nous révélera dans un avenir proche d'autres domaines d'utilisation des isotopes stables.

B BOUILLARD