Juin 2000 - n°49
C'est à l'occasion d'un petit-déjeuner/débat organisé par la Maison Européenne des Technologies (Université Pierre et Marie Curie/Paris 6) sous la présidence du professeur Hubert CURIEN que le Groupe LIMAGRAIN nous a été présenté par son Directeur Scientifique : Jean-Christophe GOUACHE.
Au cur du sujet : " L'innovation scientifique et l'amélioration des plantes Prise en compte de l'innovation scientifique dans les choix stratégiques du Groupe LIMAGRAIN ".
De la coopérative auvergnate au 4ème semencier mondial
LIMAGRAIN, c'est d'abord une coopérative agricole, née au milieu de la guerre pour des raisons d'indépendance, une indépendance que les agriculteurs de Limagne entendaient maîtriser en terme d'approvisionnement et qui reste, encore actuellement, le maître mot des 500 agriculteurs actionnaires du Groupe. Agée de 50 ans, la petite coopérative auvergnate pèse aujourd'hui quelque 6 milliards de francs. Elle est devenue le 4ème semencier mondial, et le premier totalement indépendant.
Le Groupe LIMAGRAIN en l'an 2000, c'est : plus de 100 structures juridiques à travers le monde, 4600 salariés et 3 grandes divisions.
1- La division Agro-Production, qui gère les productions des adhérents coopérateurs.
2- La division Agro-Industrie, qui recouvre d'une part les activités Semences, en Europe et en Amérique du Nord et d'autre part, la transformation agro-industrielle, essentiellement avec le groupe Jacquet (racheté par LIMAGRAIN en 1994).
3- Dans la division Potagère, sont présents tous les noms connus du grand public et des jardiniers tels que Vilmorin, Clause en France, Ferry Morse aux Etats-Unis, Suttons en Grande-Bretagne, Flora Frey en Allemagne.
A la tête du Groupe siège le Conseil d'Administration, formé de 15 agriculteurs, eux-mêmes très impliqués dans les Conseils d'Administration de toutes les filiales.
Que représente l'innovation scientifique pour un groupe tel que LIMAGRAIN ?
Pourquoi 500 agriculteurs de Limagne vont-ils dépenser près de 400 millions de francs en Recherche ?
" Depuis les années 60, où nous avons choisi de produire des semences de maïs, nous avons accumulé des connaissances et appris à maîtriser les techniques de la génétique pour améliorer les plantes ", souligne Jean-Christophe GOUACHE. " Mais, ce métier n'est pas nouveau ! "
Depuis que l'homme est passé de la cueillette et de la chasse à l'agriculture, il a sélectionné les plantes :
- de la " sélection massale " au siècle dernier (sélection par les agriculteurs de leurs meilleurs individus)
- à la sélection généalogique, initiée avec la naissance de la génétique
- jusqu'aux progrès considérables induits par la génétique associées à la puissance de l'outil informatique, à la miniaturisation et à l'utilisation de la robotique.
Aujourd'hui...
" Nous sommes désormais dans l'ère de la génétique moléculaire. Ce qui est nouveau, c'est la connaissance intime du matériau travaillé depuis des siècles à l'aveugle : la molécule d'ADN dont il faut connaître à la fois la structure et la fonction ", déclare M. GOUACHE.
Mais, rien n'a changé quant au rôle prépondérant de la variabilité génétique initiale ; l'utilisation de la variété génétique existante reste la base de toute amélioration des plantes.
" Même en connaissant millimètre par millimètre le chemin du génome, on ne sait pas pour autant aligner une paire de base et recréer une plante ! ", ajoute M. GOUACHE.
Par ailleurs, même si l'on va plus vite, le processus reste long ; quelle que soit la puissance du tri du matériel génétique, il faut de toute façon tester la variété dans son milieu de culture final pour vérifier que le produit remplit les conditions et le cahier des charges établis par les agriculteurs et les producteurs utilisateurs du produit.
" La sélection reste une activité pluridisciplinaire, à laquelle il convient d'ajouter les biotechnologies (la culture in vitro, le marquage moléculaire, le génie génétique). On va aussi de plus en plus tester la qualité des produits à sélectionner...
Voilà comment notre métier a été bouleversé ", ajoute Jean-Christophe GOUACHE.
La prise en compte de l'innovation dans les choix stratégiques de LIMAGRAIN
" Les conséquences sont de nature diverses ", poursuit M. GOUACHE. " Il nous faut en effet : intégrer de nouveaux métiers, inventer de nouvelles approches en matière de recherche et valoriser le potentiel ouvert par les nouvelles connaissances.
Nos axes de recherche génériques sont :
- l'analyse génomique des plantes modèles : le riz et l'arabidopsis
- la mise au point de nouveaux outils, notamment dans le domaine de la robotisation et de la bio-informatique, pour la réalisation de puces ADN... "
Soulignons que, pour maîtriser les techniques nécessaires en biologie cellulaire et moléculaire, LIMAGRAIN a ouvert dès 1984 un laboratoire de biotechnologies aux Cézeaux, sur le site universitaire de Clermont-Ferrand. Le Groupe dispose désormais de 7 laboratoires de biotechnologies, implantés majoritairement en France, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Australie.
" D'autre part, nous ne pouvons tout faire tout seul ", ajoute M. GOUACHE. " D'où, de nouvelles approches et de nouveaux partenariats, à l'exemple de notre engagement dans l'Agritope - société de biotechnologies aux Etats-Unis - et de nombreuses collaborations avec des universités internationales... "
Autres symboles de cette dynamique de partenariats :
- la création de Biogemma, réunissant Limagrain, Pau Euralis, Unigrains et Sofiproteol dans le but d'un partage des connaissances en biotechnologies, en matière de grande culture.
- l'alliance de Biogemma avec Rhône-Poulenc (à 50/50) pour fonder Rhobio et maîtriser ainsi les techniques de transformation, l'expression des gènes et la résistance aux maladies.
- l'émergence d'un partenariat d'une autre nature : avec des partenaires publics (INRA, CIRAD, IRD, CNRS) et privés (des semenciers tels que Cerasem, Desprez et Rhône-Poulenc), dans le cadre du GIS Génoplante et de son grand programme de recherche en génomique végétale.
Intégration des connaissances et partage des fruits de l'innovation : la logique filière
LIMAGRAIN essaie de mettre en place des filières partant de la recherche en amont de la sélection variétale et aboutissant au produit final, en réponse aux besoins du consommateur, avec une traçabilité totale.
" Vous retrouvez ici le souci d'indépendance de nos actionnaires agriculteurs qui ne veulent pas devenir des sous-traitants de l'industrie agro-chimique, mais veulent partager les fruits de l'innovation ", précise Jean-Christophe GOUACHE.
Il faut donc être capable d'intégrer à la fois les connaissances qui viennent de l'amont et les nouveaux besoins...
Objectif du Groupe LIMAGRAIN dans le contexte actuel de réorganisation et de fusion des groupes internationaux : rester concentré sur le cur de son métier.
" Nous prenons en compte les mutations technologiques et l'évolution de notre environnement, et nous nous donnons les moyens d'accéder aux technologies amont par la mise en place de nouveaux partenariats.
Enfin, nous avons la chance d'avoir un actionnariat (les coopérateurs agriculteurs de LIMAGRAIN) qui sait que, dans son domaine, le temps et la patience sont des éléments incontournables de la réussite.
Nous poursuivons donc notre chemin, résolus et sereins... ", conclut M. Jean-Christophe GOUACHE...
Contact :
Mme Françoise MULLER- GAUTHIER
MET, Université P. et M. Curie
Rappelons que cet article est inspiré d'un petit-déjeuner/débat, organisé fin 99 par la MET : Maison Européenne des Technologies, Université Pierre et Marie Curie. Vous pourrez retrouver l'intégralité du compte-rendu de cette réunion dans " Les Carnets de la MET ". Cette publication a, en effet, été créée récemment sous la forme d'une collection d'au moins 6 numéros par an. Les premiers numéros sont consacrés aux résumés de certaines réunions du Club Stratégie de Recherche (réunions actuelles et réunions passées ayant conservé leur actualité).
" La MET aura désormais à cur de proposer les comptes rendus des réunions à venir dans un délai de trois mois ", annonce Mme MULLER, Déléguée Générale de la MET. " Les Carnets de la MET évolueront ensuite en fonction des suggestions des membres du Club Stratégie de Recherche et des correspondants de la MET ; ils pourront comporter des articles de synthèse, des interviews ou des actualités de divers laboratoires de l'université... "