Juin 2004 - n°89

APTANOMICS maîtrise les aptamères peptidiques

Société biopharmaceutique fondée en 2001 et basée à Lyon, Aptanomics détient une compétence exclusive dans l'utilisation des aptamères peptidiques afin de découvrir de nouveaux médicaments et de nouvelles thérapies biologiques. Elle s'est spécialisée dans la lutte contre le cancer et entend commencer la phase clinique de certaines molécules prometteuses d'ici 2007.

La technologie d'Aptanomics basée sur les aptamères peptidiques va permettre d'identifier de nouveaux médicaments et molécules chimiques, notamment pour l'oncologie. Il y a un besoin médical important de générer de nouveaux médicaments en oncologie pour des cibles différentes afin de lutter efficacement contre le cancer.

Une histoire d'hommes et de molécules

Lors d'un séjour post-doctoral au Département de Génétique de l’Ecole de Médecine d'Harvard (Boston, USA), au sein du laboratoire dirigé par Roger Brent, Pierre Colas a contribué au développement d’un nouveau type de molécules de reconnaissance, sélectionnées in vivo en vertu de leur capacitéà interagir avec une cible protéique donnée. Ces molécules, baptisées aptamères peptidiques (peptide aptamers), ont rapidement révélé d’excellentes qualités de spécificité et d’affinité d’interaction pour leur cible. Les premiers travaux, publiés initialement dans Nature en 1996, laissaient clairement entrevoir un vaste champ d’applications s’inscrivant de plain-pied dans l’ère "post-génomique" de la Biologie.
Recruté à l’INSERM en 1997, Pierre Colas a rejoint l’équipe de Brian B. Rudkin au sein du laboratoire de Biologie moléculaire et cellulaire de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (UMR 5665 CNRS/ENS). Il a alors poursuivi certains aspects du développement de la technologie des aptamères peptidiques, tandis que Roger Brent et d’autres ont assuré d’autres aspects du développement.

Cette technologie a donné lieu à la création de la Société Aptanomics S.A. Le retour de Pierre Colas et le maintien de relationsétroites avec Roger Brent ont permis de créer Aptanomics en France, en mars 2001. John Hawken, un entrepreneur spécialisé dans la création de sociétés de biotechs (Entomed, Diatos, Neurotech…), les a aidésà cette mise en place en devenant au départ le PDG d'Aptanomics. L'incubation de l'entreprise a eu lieu au sein de l'Ecole Supérieure de Lyon, puis à partir de cet été, au Biopôl Gerland. En mai 2003, Michael Courtney, un scientifique spécialisé en biotechnologie ayant travaillé notamment comme Directeur Scientifique de Transgene, puis chez Noxxon Pharma AG (Allemagne), a été appelé à prendre la direction d'Aptanomics.
En août 2002, l'entreprise a levé 7 millions d'Euros auprès de ses partenaires : CDC IXIS Innovation, Bioam, Ventech et AGF.

Une technologie révolutionnaire

Les aptamères peptidiques constituent un nouveau type de molécules de reconnaissance, dont la conception s'inspire de la structure des anticorps. La sélection d'aptamères s'effectue sur une population de plusieurs millions en identifiant des molécules capables d'interagir in vivo avec une protéine cible thérapeutique et de l’inhiber. Des exemples de cibles thérapeutiques sont la protéine RAS et d’autres protéines dans sa voie d’activation ; l’inhibition de cette voie bloque la prolifération de cellules cancéreuses et entraîne leur mort.

Cette technologie va permettre à Aptanomics de se lancer dans la découverte de nouveaux médicaments. En effet, le développement de l'activité de découverte de molécules thérapeutiques constitue le principal projet de développement de l'entreprise. Aptanomics a mis en place une plate-forme de criblage originale visant l'identification de petites molécules capables d'inhiber l'interaction protéine-aptamère peptidique qui aura servi à la validation de la cible, ou plus généralement des interactions protéiques d'intérêt. L'analyse des hits guidera la conception et/ou l'assemblage de chimiothèques plus ciblées, selon une approche de criblages séquentiels. En outre, la structure de la plateforme des aptamères étant parfaitement décrite, il devrait être possible d’obtenir des informations structurales sur la région variable de l’aptamère, voire sur son interaction avec sa cible si la structure de celle-ci est déjà connue. Ces études structurales ainsi que des analyses de relation structure/ activité pourront élever l’aptamère au rang de guide moléculaire (reference compound) permettant ici encore la conception et/ou l'assemblage de chimiothèques plus ciblées.

Pour se faire, la société s'est dotée d’une deuxième plate-forme : la modélisation moléculaire.

Le développement de cette nouvelle technologie va amener Aptanomics à adopter une stratégie commerciale dans le but d'obtenir des licences dès que ses propres médicaments seront en phase clinique (phase 1 et 2). En outre, elle va passer des accords plus précoces de co-développement avec des partenaires possédant des cibles ou désireux de se lancer dans l'aventure. Jusqu'à présent, la société s'était penchée sur la mise en place de ses plates-formes aujourd'hui opérationnelles pour la découverte de nouvelles molécules. Maintenant, elle souhaite trouver des collaborations avec des partenaires possédant des technologies complémentaires pour accélérer la découverte de molécules. Il s'agit d'expertises liées à 2 domaines : les Chimiothèques et la Chimie médicinale (raffiner petites molécules). Déjà, des collaborations se mettent en place.

Des collaborations et un agrandissement

Dernièrement, le 4 mai 2004, Aptanomics et la société californienne Nanosyn viennent de signer un accord de collaboration en vue de la découverte de nouveaux médicaments en oncologie. Nanosyn, société de chimie, est spécialisée dans la constitution sur mesure de chimiothèques, l'optimisation de molécules d'intérêt, la synthèse à façon et les services en pharmacochimie. Une collaboration nécessaire pour Aptanomics. Par ailleurs, cette dernière a signé un 2e accord récent avec une autre société américaine spécialisée dans ces 2 expertises. Cet accord ne sera rendu public que dans quelques semaines.

Si la lutte contre le cancer est la stratégie actuelle de l'entreprise, celle-ci n'exclut pas la possibilité de se tourner vers des technologies d'autres domaines comme la cardiovasculaire par exemple, par le biais de partenariats.

Actuellement, Aptanomics est dans la 2e phase de développement de ses petites molécules devenues des cibles en cours d'identification. Les "Hits" ainsi sélectionnés seront ensuite utilisés afin de déterminer les molécules "Leads" qui seront développées en phase clinique. Ces dernières devraient être choisies fin 2004. Par la suite, certaines seront sélectionnées pour la phase clinique (pour 2007) et d'autres utilisées pour des partenariats. En parallèle, l'équipe d'Aptanomics continuera l'identification de nouvelles cibles.

Si la société Aptanomics est pour l'instant hébergée dans les locaux de l'Ecole Normale Supérieure, elle dispose de laboratoires dans 3 endroits différents. Un matériel important est utilisé pour les recherches : biologie moléculaire et cellulaire, biochimie, criblage automatisé (robot) pour les petites molécules, chimio-informatique…

L'équipe est composée de 28 personnes comprenant 4 administratifs (PDG, Responsable Administratif et Finance, Business Development, Assistante), 12 chercheurs (dont le Directeur Scientifique), 5 ingénieurs, 5 techniciens et 2 stagiaires. La R&D est composée de chercheurs issus de la recherche académique et de l'industrie.

Un déménagement est prévu cet été en juillet-août afin de regrouper toutes leséquipes sur environ 1 000 m2 de surface au sein du biopôle Gerland. 800 m2 seront ainsi dédiés à la R&D, le reste étant prévu pour la partie administrative. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de cette évolution. La société Aptanomics souhaite augmenter dans l'avenir ses compétences en R&D et notamment en Biologie et Chimie. Pour cela, elle va embaucher prochainement un Responsable en Chimie médicinale. D'ici à fin 2006, les compétences de quarante personnes devraient amener l'entreprise vers ses objectifs : découvrir et développer de nouveaux traitements contre le cancer…

M. HASLÉ

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