Décembre 2004 - n°94
CYLNATIS joue la carte des microorganismes
La société Cylnatis souhaite apporter aux agriculteurs
et viticulteurs de nouvelles méthodes de traitement des plants sur
la base de microorganismes, tout en respectant l'Environnement. Créée
depuis 2003, l'entreprise est sur la voie de l'obtention d'une AMM pour un
produit traitant la "pourriture grise" des raisins.
L’une des principales maladies de la vigne est la "Pourriture grise"
qui se développe à la surface de la grappe de raisin et perce
la peau du grain pour aller chercher le sucre à l'intérieur.
Par la suite, le grain pourrit.
Les microorganismes "mangent" le sucre à la surface du raisin
et détruisent la pourriture. En rencontrant la "pourriture grise",
les microorganismes signalent aussi le danger à la plante qui développe
aussitôt son système d'autoprotection.
L'idée de multiplier les microorganismes efficaces sur la plante amènera
cette transformation plus rapidement et la vigne pourra être sauvée
naturellement. C'est sur cela que repose l'expertise de la société
Cylnatis.
Des microorganismes qui protègent la
vigne
Tout a commencé il y a plusieurs années alors que Gaspard Lépine
effectuait un stage sur la protection des vignes à Chiroubles (Beaujolais),
pendant sa licence en microbiologie (microorganismes du vin notamment) à
l'Université Claude Bernard Lyon 1.
Il travaille à ce moment-là sur la lutte raisonnée. Celle-ci,
mise en place pour la protection des vignes, a pour optique d'utiliser le
moins possible de produits chimiques et de n'y avoir recours qu'en cas de
traitement précis au moment où la maladie se déclare
sur les plants. L'objectif pour les viticulteurs étant d'améliorer
la qualité de leurs récoltes et de faire des économies.
Alors que la vigne étudiée ne présentait aucun problème
au mois d'août, Gaspard Lépine fait le constat d'une maladie
sur des parcelles début septembre. Les produits chimiques ne sont donc
pas suffisants face à ce problème.
Après des recherches bibliographiques, le jeune chercheur trouve des
publications scientifiques datant des années 1970. Elles mettent en
exergue le prélèvement de microorganismes sur la vigne. Trois
catégories de microorganismes s'y trouvent :
- pathogènes (néfastes pour la vigne),
- Auxiliaire de vinification (levures),
- microorganismes divers mais peu nombreux. Parmi eux, certains peuvent protéger
la vigne.
Le Pr. Paul et son équipe de l'université de Bourgogne suivent
cette piste, sélectionnent les meilleurs microorganismes et réalisent
des mélanges afin de tester les produits sur leurs propres parcelles.
Cela produit des effets intéressants.
Pendant sa maîtrise, Gaspard Lépine travaille chez Aventis Cropscience,
devenu Bayer Cropscience depuis. Il prend ensuite contact avec le Pr. Paul
afin de parler de l'évolution des travaux de l'université de
Bourgogne. Les résultats prometteurs de la technique, le double bagage
scientifique et gestionnaire de Lépine et l'idée de créer
une entreprise vont amener les 2 hommes à travailler de concert.
Une société prometteuse
Le projet est co-incubé par Créalys (Lyon) et l'incubateur régional
de Bourgogne. Les créateurs lancent des partenariats avec 3 laboratoires
:
- Le laboratoire de Lutte Biologique dirigé par le Pr. Paul, qui s'occupe
de la mise au point de nouveaux produits,
- La plate-forme de pré-développement en Biotechnologie qui
regroupe l'INRA de Dijon et la structure "Bourgogne technologies".
Dotée d'un grand nombre de fermenteurs, cette plate-forme peut produire
à grandeéchelle des microorganismes pour la formulation,
- Le Laboratoire d'Ecologie Microbienne UMR, entre l'Université Claude
Bernard Lyon 1, le CNRS et l'INRA. Il assure le suivi et l'identification
des microorganismes afin de pouvoir les retrouver facilement dans n'importe
quel milieu.
L'Université de Bourgogne a déposé le brevet de la technique
et concédé à Cylnatis une licence exclusive et mondiale
sur ce brevet.
Lors du concours des Trophées Œnovation de Bordeaux en 2002, le
projet est lauréat et cela permet la fondation de la société
Cylnatis en août 2003 avec le regroupement de 5 fondateurs dont Christian
Ségaud, un ancien d'Aventis Cropscience, spécialisé dans
la formulation.
Un conseil scientifique composé de 10 personnes (chercheurs issus des
laboratoires partenaires, personnalités d'Aventis Cropscience en retraite
mais ayant un haut niveau d'expertise en agrochimie) s'occupe de mettre en
parallèle la recherche publique (microbiologie) et la recherche privée
(Chimie) afin que les 2 mondes fusionnent.
Actuellement, l'équipe de Cylnatis se compose de deux personnes dont
l'une déléguée au sein du laboratoire de recherche microbienne
(sous contrat). La recherche de nouveaux locaux est en cours. En attendant,
la recherche s'effectue avec les laboratoires partenaires qui disposent du
matériel adéquat : thermocycleurs, vitroplants, matériel
de bio-moléculaire et de physiologie microbienne… Et l'incubateur
met des bureaux à disposition si nécessaire.
Des levées de fonds sont prévues afin de lancer des tests de
toxicité sur des mélanges de microorganismes. En avril 2005,
des tests en plein champ devraient commencer dans le cadre de la procédure
d'obtention de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit
luttant contre la pourriture grise. Il s'agit de déterminer si le produit
est nocif ou pas pour les hommes, les bêtes et la nature. Il faut savoir
que ce produit ne laisse pas de résidus dans le vin et peut aussi être
utilisé en agriculture biologique. Fin 2006, les tests devraient être
terminés et il faudra attendre au moins 1 an avant l'obtention de l'AMM,
c'est-à-dire aux environs de 2008.
Les utilisateurs ciblés sont les viticulteurs qui souhaitent lutter
contre les maladies fongiques. Les clients directs sont les distributeurs
de produits de protection des cultures.
Dans l'avenir, la société Cylnatis entend bien obtenir l'AMM
qui lui permettra ensuite de commercialiser son produit en Europe et en Amérique
(Chili, USA). Elle compte aussi élargir sa gamme de produits d'une
part au niveau de la vigne, en s'attaquant à deux maladies typiques
(Mildiou et l'Oïdium) et, d'autre part, en créant une autre gamme
concernant le maïs avec le même principe des microorganismes.
A suivre…
M. HASLÉ