Septembre 2005 - n°102
NANOCYL : la révolution des nanotubes de carbone (Belgique)
Le 7 mars 2005, la société belge Nanocyl a inauguré
son nouveau réacteur industriel dans son site de Sambreville, près
de Namur. De nombreuses personnalités des milieux socio-économiques,
scientifiques et politiques étaient présentes. L'entreprise
namuroise, dirigée depuis peu par Francis Massin, est en train de devenir
un des leaders mondiaux dans la production de nanotubes de carbone.
La création de l'entreprise Nanocyl est due à une rencontre
de hasard… Celle du Professeur Jànos B. Nagy de l'Université
de Namur avec un entrepreneur expérimenté (création et
gérance PME) autour d'une discussion dans un café sur l'idée
de créer une société. Le professeur Nagy et son équipe,
basée aux facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur,
travaillaient déjà depuis de nombreuses années sur un
nouveau matériau prometteur : les nanotubes de carbone.
Un nouveau matériau prometteur
Découverts pour la première fois en 1991, les nanotubes sont
constitués d'atomes de carbone organisés sous forme d'hexagones
et de pentagones reliés entre eux pour former un tube. Minuscules cylindres
creux, ils ont un diamètre de l'ordre du nanomètre, soit un
millionième de millimètre, pour une longueur de l'ordre du micromètre,
voire du millimètre. Leur particularité est d'avoir des propriétés
physiques et chimiques étonnantes, telles une conductivité,
une élasticité, une résistance mécanique et une
stabilité thermique élevées.
Le nouveau matériau est deux fois plus léger que l'aluminium
et 100 fois plus dur que l'acier. Sa conductivité est supérieure
au cuivre thermique. Il est biocompatible et le cylindre creux a entre 2 et
10 nanomètres de diamètre, ce qui rend possible le remplissage
de ces tubes.
Toutes ces propriétés valent aux nanotubes de prometteuses applications
dans des domaines aussi variés que l'électricité, l'électronique
(nanotransistors), les nouveaux matériaux (composites, biomatériaux,
textiles intelligents, peintures protectrices…), les biotechnologies,
etc…
Le professeur Nagy et l'entrepreneur bien introduit dans le milieu des dirigeants
wallons décident de créer la société Nanocyl en
2002 au sein de l'université namuroise. Cinq fondateurs se lancent
dans l'aventure dont deux qui s'impliquent à temps plein. Petit à
petit, d'autres investisseurs, intéressés par les perspectives
des nanotubes de carbone, se joignent à eux, augmentant le capital
jusqu'à plus de 3 millions d'euros (Chiffre de 2004).
Dotée d'un petit réacteur de laboratoire et d'équipements
tests, l'entreprise produit au départ quelques grammes de nanotubes
par jour. Le prix de revient monte alors jusqu'à 500 euros le gramme
! De quoi décourager certains secteurs industriels ! Il devient alors
nécessaire d'investir dans une unité pilote pour produire à
plus grande échelle et faire baisser les coûts, mais pour cela
il faut des locaux adaptés. En attendant, Nanocyl travaille avec l'université
de Liège entre 2002 - 2004 dans le département de Génie
Chimique du Pr Pirard (procédé en contenu).
En août 2004, des bâtiments relais sont mis à la disposition
des jeunes entreprises par le Bureau Economique de la Province de Namur. La
société Nanocyl s'y installe et construit son unité pilote
qui fonctionne depuis début 2005. Avec le nouveau réacteur industriel,
cela représente pour Nanocyl un investissement de 2 millions d'euros,
première étape d'un programme d'investissements de 5 millions
d'euros financé par une augmentation substantielle de capital, l'obtention
d'une avance récupérable de la Région wallonne et une
intervention de Fortis Banque. Avec ce programme d'investissements, l'entreprise
namuroise passe de l'état de spin off universitaire à celui
d'une entreprise semi-industrielle.
Un réacteur performant
Depuis le 7 mars 2005, le nouveau réacteur développé
à partir du prototype élaboré par le laboratoire de génie
chimique de l'université de Liège permet à Nanocyl de
centupler la production de nanotubes de carbone et d'en diminuer fortement
le coût de fabrication. Ce réacteur base la production de nanotubes
sur la méthode dite du dépôt catalytique de carbone en
phase vapeur. Un réactif solide appelé catalyseur est alors
placé dans la zone chaude d'un four tubulaire (réacteur) dans
lequel passe un hydrocarbure (acétylène, méthane…)
qui, au contact du catalyseur, se décompose en nanotubes de carbone.
La mise au point de ce réacteur prototype a fait l'objet de plusieurs
brevets dont l'Ulg a cédé l'exclusivité d'exploitationà
Nanocyl. Cette dernière a ainsi développé son propre
réacteur portant la production de nanotubes à 15 kg/jour, ce
qui fait de l'entreprise d'un des principaux producteurs mondiaux de nanotubes.
Quant au coût, il oscille entre quelques centaines et mille euros par
kilo cette fois.
Les nanotubes produits par Nanocyl sont d'ores et déjà utilisés
pour le développement d'écrans plats de télévision.
Ils interviennent également dans la mise au point de câbles électriques
aux propriétés ignifuges renforcées ou dans la fabrication
de fibres synthétiques à ultra haute résistance pour
des applications dans le blindage balistique. Il est possible aussi de les
utiliser dans l’électronique, dans le domaine des MEMS ainsi
que dans la chirurgie du futur, dans le cadre de muscles artificiels, ou même
de faire des tissus en carbone à partir de fibres de nanocarbone.
En pleine expansion
Avec les nouveaux locaux de Sambreville, Nanocyl dispose maintenant d'un bâtiment
de 980 m2 comprenant un laboratoire de 130 m2. Une vingtaine
de personnes y travaillent. Mis à part deux commerciaux, les autres
ont une formation scientifique : doctorats, assistants de laboratoire, deux
ingénieurs (dont un qui a fait un doctorat sur la thèse du développement
en continu à Liège).
Depuis janvier 2005, Francis Massin a pris les rênes de la société.
Fort d'une expérience de 23 ans dans la corporation Dow Corning, le
N° 1 du silicone, le nouveau directeur général de Nanocyl
dit "être arrivé au bon endroit et au bon moment. Cette
entreprise a un grand potentiel dans les nanotubes de carbone. D'ici 2010,
le chiffre d'affaires pour les nanotubes et les fibres devrait atteindre les
3 milliards de dollars et la croissance annuelle évoluer de 60 %. Je
suis très intéressé par ce challenge !"
Pour faire bonne mesure dans ses ambitions, la société collabore
déjà à pas moins de 6 projets européens soutenus
par le 6e programme cadre européen de recherche (FP6) et devrait entrer
dans deux autres projets d'ici la fin de l'année 2005. Des collaborations
avec des universités belges mais aussi divers partenariats avec des
industriels européens renforcent son savoir-faire et sa notoriété
dans le monde. En 2006, l'entreprise namuroise devrait collaborer d'ailleurs
avec l'université de Roubaix et une société de Lorient
dans le domaine du textile. Il s'agit de créer des fibres textiles
"intelligentes", c'està- dire par exemple des fibres conductibles
qui changent de couleur et émettent des signaux pour prévenir
d'une contamination.
Nanocyl dispose actuellement de 8 brevets sur lesquels repose sa technologie
et elle rédige déjà d'autres brevets qui devraient être
déposés dans les mois à venir.
Aujourd'hui, beaucoup de recherches sur les nanotubes s'effectuent à
travers le monde afin de trouver de nouvelles applications industrielles.
Nanocyl est bien placée pour devenir un des grands leaders mondiaux
de la production de nanotubes. Pour cela, elle a l'intention de construire
une unité industrielle d'ici 2007 - 2008 et doubler son personnel.
Cette nouvelle unité devrait fabriquer des centaines de tonnes de nanotubes
et ainsi baisser les coûts de production de manière significative.
Un gros atout pour l'avenir…
M. HASLÉ