Janvier 2006 - n°106

NEORPHYS™ se focalise sur la douleur et les dysfonctions du désir féminin

Neophys™ est la première entreprise biopharmaceutique française qui découvre et développe des médicaments du bien-être – c’est-à-dire des molécules qui n’ont pas pour but premier de soigner une pathologie, mais de contribuer à la qualité de vie ou à l’accompagnement du choix de vie. La jeune société focalise ses efforts sur deux applications : le traitement de la douleur aiguë sans effet secondaire pénalisant et les dysfonctions du désir féminin.

La société Neorphys a été fondée par deux anciens chercheurs de Syntem : Karine Larbouret et Roger Lahana. Suite à l’échec de son rachat par une société de biotech américaine, la société Syntem a connu une vague de licenciements où ils figuraient tous les deux. Roger Lahana, désireux de mettre à profit ses compétences acquises dans son ancienne société et de travailler encore avec son équipe initiale, se lance alors dans la création d’une nouvelle entreprise avec son excollègue chimiste.
En effet, la réalité du marché actuel de l’industrie pharmaceutique est qu’il n’y a pas de travail pour les ingénieurs diplômés et les docteurs car le secteur est saturé. Beaucoup partent à l’étranger ou se reconvertissent.

Une équipe compétente et soudée

Un des points forts du futur projet est que l’équipe est fournie « clef en main » car tous se connaissent, s’estiment et travaillent de concert depuis des années. Le seul problème est de trouver des fonds. «En France, il n’existe plus d’investisseurs qui veulent faire de l’amorçage. Ils préfèrent investir dans des entreprises ayant une propriété industrielle forte et des molécules au minimum en phase I», constate Roger Lahana.

Les deux fondateurs ont réussi à réunir 100 000 euros d’apport personnel. Un crédit-bail pour le matériel leur a permis de récupérer en partie l’ancien matériel de Syntem. Ils ont également déposé une demande d’aide à l’Anvar et sont en attente de plusieurs subventions.

En attendant, les statuts de la société Neorphys ont été déposés fin septembre 2005 et l’équipe devrait intégrer de nouveaux locaux courant décembre 2005 au sein de la Faculté de Médecine de Nîmes, dans l’espace Carémeau. En effet, la Faculté a réservé deux étages de bâtiment pour un incubateu de nouvelles entreprises. La société Neorphys va occuper un étage de 150 m2 comprenant deux laboratoires occupant la moitié de l’espace et 3 bureaux. Par ailleurs, l’animalerie de la Faculté, située au rez-de-chaussée, est à la disposition des demandeurs. Le loyer se réduit à la consommation de fluides (eau, électricité, chauffage). Le matériel, dont le prix neuf est d’environ 450 000 euros correspond à celui d’un laboratoire de chimie organique (HPLC, Spectromètre de masse Maldi Tof, produits chimiques et matériel classique de bureau) et d’un laboratoire de biologie.

Bien-être et développement

L’objectif de Neorphys est de créer des molécules du bien-être. Il s’agit d’une tendance qui a démarré aux USA et qui consiste à travailler sur des molécules qui rendent la vie plus agréable (molécules contre la perte de cheveux ou le vieillissement de la peau, contraceptifs, etc…). Le « vivre mieux » a de beaux jours devant lui car articles et sites internet rivalisent d’idées sur le sujet. L’équipe de Neorphys a décidé d’exploiter ses compétences sur une première mission concernant les anti-douleurs sans effet secondaire désagréable afin de rétablir le bien-être du patient. La douleur aiguë représente un marché annuel de 10 milliards de dollars qui est considéré comme sousexploité.
A l’heure actuelle, ce sont surtout les opioïdes qui sont mis en oeuvre, à commencer par la morphine elle-même qui est utilisée dans 70 % des cas malgré ses effets secondaires (nausée, dépression respiratoire…). Neorphys essaye de racheter une molécule développée initialement chez Syntem qui présente l’avantage d’avoir moins d’effets indésirables. En parallèle, les chercheurs de la société prévoient de développer d’autres molécules analgésiques, les Neorphines™, en s’appuyant sur leur forte expertise dans ce domaine.

L’autre mission de la société est de trouver des solutions pour les dysfonctions du désir féminin (DDF). Celles-ci affectent 35 % des femmes dans les régions industrialisées. Cela représente un marché considérableévalué à 20 milliards de dollars/an (7 fois plus large que chez l’homme). Les DDF peuvent être la conséquence de relations conflictuelles, de dépression, d’abus sexuels, de chirurgie mutilante ou de toute autre forme de traumatismes. Des médicaments permettant de réduire les DDF pourraient également atténuer l’usure du désir liée à la vie maritale et celle provoquée par les changements hormonaux dus au vieillissement et en particulier la ménopause.
En effet, le désir chez la femme ne vient pas mécaniquement comme chez l’homme. Les problèmes de désir féminins viennent plutôt d’un aspect psychologique comme la perte d’estime de soi (ménopause, usure du couple ou opération chirurgicale mutilante par exemples). Une molécule spécifique peut contrebalancer le problème, déclencher le désir et faire retrouver le plaisir à la femme. « Si l’on réussit, cela aura un impact sociétal », assure M. Lahana.

Avec les deux fondateurs, il est prévu que trois chimistes médicinaux et 2 biologistes (manipulation animale) travaillent sur tous ces aspects. Une collaboration avec l’Institut Clinique de la Souris d’Illkirch près de Strasbourg met en avant un chercheur, spécialiste du plaisir sexuel, qui va mettre au point un modèle sur le désir. Il utilise entre autres le test dit de « préférence de place » qui consiste à mettre à distance des souris mâle et femelle pour tester leur attraction. Un autre partenariat vaêtre mis en place avec le laboratoire de Pharmacochimie de la Communication Cellulaire (UMR 7081) de Strasbourg - Illkirch, dirigé par Marcel Hibert. Il s’agit encore de travailler sur une molécule connue du désir…

Le but de Neorphys est de développer une molécule anti-douleur ayant le moins d’effets secondaires possible jusqu’en fin de phase II et ensuite de la vendre à un groupe pharmaceutique qui pourra prendre en charge la phase III et la mise sur le marché. Le potentiel d’un antidouleur sans nausée serait de 10 à 15 millions d’euros en fin de phase II tandis qu’une molécule du désir pourrait représenter 50 à 100 millions de dollars. Pour l’instant, les fondateurs comptent trouver un financement plus important courant 2006 pour réaliser le développement de la société. Cela permettrait à Neorphys de recruter 5 à 7 personnes…

MH

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