Décembre 2007 - n°127
ThromboGenics : trouver des solutions aux maladies vasculaires…
Société biopharmaceutique belge, ThromboGenics est
spécialisée dans le développement de médicaments
relatifs au système vasculaire, notamment concernant les troubles visuels,
les maladies cardiovasculaires et le cancer. Plusieurs molécules issues
de son pipeline sont déjà en phase clinique et la société
ne cesse de croître…
Les maladies liées au système vasculaire sont souvent liées
au développement d’une thrombose. Parmi les plus importantes
sont les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité
en France aujourd’hui, avec près de 180 000 décès
par an. Les maladies cardiovasculaires sont provoquées par le rétrécissement
des vaisseaux sanguins. Le rétrécissement des artères
coronaires (les artères qui forment une couronne autour du cœur)
diminue le flux sanguin qui irrigue le cœur, et entraîne principalement
une douleur dans la poitrine au cours d'un effort. Lorsque l'un ou plusieurs
de ces vaisseaux se bouchent, la circulation sanguine est interrompue vers
une partie du cœur, qui sera alors endommagée.
Une thrombose est une pathologie caractérisée par le développement
d'un caillot de sang dans une veine ou une artère. Ce caillot - ou
thrombus - peut bloquer la circulation sanguine normale et être à
l'origine de sévères pathologies comme les infarctus du myocarde,
l’anévrisme du cerveau, les thromboses veineuses profondes, les
occlusions artérielles périphériques ou les embolismes
pulmonaires. La société biopharmaceutique ThromboGenics travaille
sur ces sujets depuis bientôt dix ans.
Pour la petite histoire…
Le Professeur Désiré Collen est un expert réputé
dans les maladies cardiovasculaires, spécialiste en biologie moléculaire
et en physiopathologie de la thrombose. Professeur de l’université
de Louvain, Désiré Collen travaille sur la formation de caillots
sanguins (Thrombose) et a participé au développement du tPA
(un activateur du plasminogène permettant la dissolution des caillots
sanguins) en collaboration avec une firme américaine (Genentech). Le
médicament tPA est principalement employé pour les attaques
cardiaques et l’infarctus du myocarde. Dans les années 90, il
développe une autre molécule, la Staphylokinase® plus économique
et plus efficace. Il décide alors de créer sa propre société
en 1998: ThromboGenics. Les programmes de recherche prennent de l’ampleur
et l’entreprise entre en bourse en Belgique sous le nom de ThromboGenics
NV en 2006.
Des produits en phase clinique
Aujourd’hui, l’entreprise belge comprend plus de 42 employés
répartis sur plusieurs sites : une partie en Irlande (études
cliniques), une autre dans un bureau basé aux USA (études cliniques),
et le siège, comprenant la R&D à Louvain, en Belgique. Plusieurs
médicaments sont développés au sein de la R&D qui
regroupe environ 30 personnes : chercheurs en biotechnologie, chimistes, techniciens
de laboratoire, spécialistes en pharmacologie et biochimie.
Le plus avancé est la Staphylokinase®. Il s’agit d’un
agent anti-thrombotique qui agit notamment dans les maladies cardiovasculaires
(crises cardiaques). Il est le successeur potentiel de tPA, mais, pour des
raisons économiques, il est développé au sein des pays
en voie de développement comme l’Inde, la Corée et l’Amérique
du Sud. Ce médicament devrait entrer en phase clinique III dans les
prochains mois.
Microplasmin® est un autre des produits leader de la société.
Il s’agit d’une forme tronquée de plasmine mais stable,
une enzyme naturelle qui dissout la formation des protéines de fibrine
et évite ainsi la formation de caillots de sang. Elle peut être
utilisée dans les indications suivantes :
- maladie de l’arrière de l’œil (rétinopathie,
pour dissoudre les formations reliant le corps vitreux à la rétine)
- maladie de thrombose (vasculaire, pour dissoudre les caillots sanguins).
Des études ont été faites sur plus de 150 malades avec
des résultats positifs, notamment sur les maladies de l’arrière
de l’œil, souvent responsables de perte de la vision grave. Certaines
maladies comme la rétinopathie diabétique ou les trous maculaires
concerne le corps vitreux de l’œil qui « s’attache
» à la rétine et provoque des troubles visuels. Il faut
alors pratiquer une vitrectomie, une procédure chirurgicale, visant
à « décoller » doucement le corps vitreux et le
remplacer par un liquide clair afin de stopper le processus dévastateur
de la rétinopathie. La microplasmine pourrait faciliter le décollement
du corps vitreux de la rétine. Des résultats encourageants ont
déjà été observés chez certains patients.
La microplasmine utilisée dans le traitement des caillots sanguins
est également en développement clinique pour les ruptures d’anévrisme
(vaisseaux sanguins qui se bouchent au niveau du cerveau). Ce médicament
est en étude clinique de phase II.
Ensuite, l’entreprise belge développe des anticorps humains en
collaboration avec la société de biotechnologie suédoise,
BioInvent International.
Le premier, l’anti facteur VIII recombiné (TB-402) est un anticorps
monoclonal avec des propriétés spécifiques, car il est
employé comme un anticoagulant pour le traitement et la prévention
de thrombose veineuse profonde et les troubles du rythme cardiaque. Une première
étude clinique a confirmé l’efficacité de la molécule
en tant qu’anticoagulant.
ThromboGenics développe également un autre anticorps monoclonal,
TB-403, qui inhibe le PlGF (le facteur de croissance placentaire). TB-403
vise notamment à traiter les tumeurs cancéreuses solides. A
l’exception des tumeurs du sein, les 30-40 dernières années
ont vu peu d’évolution au niveau du traitement des tumeurs solides
(poumon, pancréas,…). L’Avastin (produit commercialisé
par la société Genentech générant plusieurs milliards
de dollars), agit sur les tumeurs cancéreuses en inhibant un facteur
de croissance différent, le VEGF (Facteur croissance endothélium
vasculaire). Ceci amène la diminution de la croissance de la tumeur
solide en évitant le développement de vaisseaux sanguins. L’entreprise
belge a montré dans des modèles animaux précliniques
que TB-403 avait une efficacité comparable à celle d’Avastin,
mais avec effets secondaires moindre. Il pourrait à terme soit remplacer
l’Avastin, soit compléter la molécule Genentech. Le TB-403
devrait entrer en étude clinique avant la fin 2007.
Une société internationale
La R&D de ThromboGenics travaille également sur 3 à 4 autres
programmes de recherche.
L’entreprise belge dispose des locaux de 1 000 m2, dont environ 20 m2
par chercheur. Une unité de production à accès limitée
s’y trouve également pour la biologie moléculaire (l’ADN
recombiné). De nombreuses collaborations sont en cours en Belgique
(notamment avec l’université de Louvain et l’Institut de
Biotechnologie de Flandres) mais aussi en Suède, Italie, USA, Inde…
La stratégie de ThromboGenics est de développer de nouveaux
médicaments pour les mener à la commercialisation, et donc d’investir
dans le marketing également. Les pays visés étant ceux
du Benelux et de l’Union européenne.
Si l’entreprise a successivement fait deux levées de fonds conséquentes
en 2006 (35 millions d’euros en s’introduisant en bourse) et en
mai 2007 (24 millions d’euros), la recherche nécessite toujours
des fonds supplémentaires. D’autres levées de fonds sont
donc prévues dans les prochaines années. « Le développement
de médicaments dans le domaine pharmaceutique est toujours un défi,
mais il y a des possibilités énormes de développement
pour l’entreprise qui s’y investit. Un grand challenge pour l’avenir…
», conclut Désiré Collen.
M. HASLÉ