Mai 2008 - n°132

B Cell Design : Conception et industrialisation d'Anticorps monoclonaux humanisés

Née en décembre 2007, cette jeune sociéte a su trouver les soutiens indispensables aux premieres etapes de sa vie, notamment aupres du pôle Bio-cancer-santé, pôle de compétitivité de Midi-Pyrénées et de la région Limousin. Sa mission est de fournir des anticorps humanisés produits par la souris pour les chercheurs et les industriels du diagnostic in vitro et in vivo, et de développer une nouvelle génération d’anticorps thérapeutiques en particulier pour le cancer et les maladies infectieuses.

La création de B Cell Design SAS a nécessité 3 ans de travail sur le projet de valorisation afin d’en évaluer la faisabilité. A l’origine, les chercheurs ont développé un modèle de la maladie de dépôt d’anticorps de classe A. L’équipe a observé que la souris produisait les anticorps chimériques humains en quantité importante et en a conclu que ces résultats pouvaient être valorisés. Armelle Cuvillier, Directrice Scientifique de l’entreprise, explique : « Le projet m’a alors été confié. En effet, le projet trottait depuis 2003 dans la tête du directeur de laboratoire, le Pr Cogné, et, dès le dépôt du brevet, comme je revenais d’un stage de post-doctorat aux USA, il m’a soumis l’idée, que j’ai acceptée, de me lancer dans l’aventure. Gaël Champier et Jean Sainte-Laudy m’ont ensuite rejointe pour construire un vrai projet d’entreprise, assis sur des compétences synergiques ».

Une équipe fondatrice expérimentée

Jean Sainte-Laudy, PDG, Docteur en pharmacie et immuno-allergologue, s’est joint à l’équipe pour apporter ses compétences et expériences dans la création d’entreprise, mais aussi sa bonne connaissance du marché. En effet, Jean Sainte-Laudy a, dans les années 76, été chargé des relations avec les hôpitaux et des relations internationales d’un laboratoire de biologie spécialisé. Cette activité l’a amené à rencontrer les acteurs majeurs du marché du diagnostic biologique. Jean Sainte-Laudy a été attaché des hôpitaux à temps partiel pendant deux périodes de 5 ans, d’une part à la Pitié Salpétrière dans le service de parasitologie et, d’autre part, à l’hôpital d’Angers dans le service d’allergologie. Ces deux périodes ont généré de nombreux contacts avec l’industrie pharmaceutique. Pendant 2 ans, il a mené des projets de recherche en Imagerie Médicale, au sein du Commissariat à l’Energie Atomique de Saclay. Enfin, il a occupé pendant 3 ans le poste de la direction de la production du département de biologie du laboratoire Pasteur, puis Pasteur-Cerba et, à ce titre, il a acquis les techniques de gestion humaine et économique nécessaires à cette activité (150 techniciens et 10 cadres biologistes). En outre, il a conduit ce laboratoire à l’accréditation, permettant également l’acquisition d’une bonne connaissance de l’assurance qualité. Au cours des deux périodes de collaboration avec le laboratoire Cerba, il s’est également investi dans des protocoles d’expertise pharmaceutique. Il a enfin été à l’origine de deux autres sociétés, l’une (IMMUNALL-SARL) dont l’objet est « consultant en immuno-allergologie, développement et exploitation de brevets et commercialisation de réactifs biologiques » et la deuxième (SEST SARL) dirigée par son épouse et en cours d’augmentation de capital pour sa transformation en SAS et dont l’objet est l’embouteillage d’eau de source en Corrèze.

Armelle Cuvillier : Docteur en Biologie-Santé (Université de Bordeaux). Ses domaines de compétence : Biologie moléculaire et cellulaire, Immunologie, Parasitologie mais aussi management d’entreprise et management de projets. Ses travaux de thèse ont porté sur la caractérisation moléculaire du trafic intracellulaire, chez le parasite Leishmania. Formée aux techniques de la biologie moléculaire, elle s’est intéressée à la relation hôte-parasite, et s’est perfectionnée aux techniques de biologie cellulaire, de transgénèse, de modification génétique des organismes. Elle a poursuivi ses travaux, lors d’un premier stage post-doctoral d’un an à Salvador de Bahia (Brésil), à l’institut de Recherche Oswaldo Cruz. Elle a ensuite intégré l’équipe du Pr Hidde Ploegh, au Harvard Medical School, à Boston (US). Pendant plus de deux ans, elle y a mené des études sur les mécanismes de présentation antigénique des cellules dendritiques. Ses recherches ont fait l’objet de publications dans des revues de renommées internationales. De retour en France, elle rejoint le laboratoire du Pr Michel Cogné, à Limoges, pour développer et valoriser un outil moléculaire inventé dans le laboratoire, et ébauche les fondations de la future société B Cell Design. Elle participe à la structuration économique du projet qu’elle porte auprès de l’incubateur d’entreprises de technologies innovantes du Limousin, et se forme aux techniques du management et de l’entreprenariat en suivant le cursus court, Challenge +, proposé aux projets à haute technologie par l’école d’H.E.C (Jouy-en Josas, FR).
De part ses fonctions de Directrice scientifique, elle prendra en charge les commandes de prestation à façon et assurera le suivi des dossiers R&D liés au marché du Diagnostic et de la Thérapeutique.

Gaël Champier, Directeur Technique : Docteur en Biologie-Sciences-Santé et titulaire d’un Master Professionnel de Biotechnologies, Génie Cellulaire et Moléculaire (Université de Limoges). Ses travaux de thèse, exercés en collaboration avec la société Canadienne Visible Genetics (rachetée entre-temps par Bayer Diagnostic), portaient sur la conception et à la validation d’outils moléculaires et cellulaires dédiés à la détection de souches virales résistantes aux antiviraux et à l’étude des processus des résistances pour la conception de nouvelles molécules antivirales. Ses travaux ont constitué la base d’un projet de création d’entreprise alors soutenu par l’Université de Limoges, la Région Limousin et l’Incubateur d’Entreprises du Limousin, et ont abouti à la création du Centre National de Référence Cytomégalovirus. Après avoir suivi une formation en management, compatibilité gestion et aspects juridiques de la gestion d’entreprise, à l’occasion de la Formation « Devenir chef d’entreprise » délivrée par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Limousin, puis après avoir participé, au sein de l’Agence Régionale de Développement du Limousin et de la Mission Régionale pour la Création et la Transmission d’Entreprises, à l’organisation et à la promotion du concours Campus Entrepreneur, il a rejoint l’équipe B Cell Design pour faire bénéficier le projet de ses expériences diverses, à la fois scientifiques et managériales. Il a alors participé au développement du projet B Cell Design dans le cadre d’une mission d’un an en tant qu’ « Ingénieur d’Etude-Valorisation », mission soutenue par le CNRS, puis a accompagné, durant dix mois le projet jusqu’à sa finalisation. Il prend en charge la Direction Technique de la société.

3 marchés spécifiques visés

Alors que la plupart des anticorps monoclonaux commercialisés sont de la classe des immunoglobulines de classe G (IgG), B Cell Design se distingue en privilégiant la production d’immunoglobuline A (IgA). C’est un type particulier d’anticorps transportés vers les muqueuses (cible privilégiée), comme, par exemple, le tissu intestinal ou pulmonaire. Les IgA y sont naturellement synthétisées, avec la capacité de recruter des cellules immuno-compétantes (les neutrophiles notamment). De par leur tropisme pour les muqueuses, elles atteignent des concentrations élevées dans des zones apparemment moins ciblées par d’autres classes d’anticorps. Les IgA présentent également la particularité de s’associer en dimères et de se lier à un peptide sécrétoire qui lui confère une résistance unique aux enzymes de digestion du tube digestif et une capacité à s’ancrer au niveau des muqueuses. Ces caractéristiques laissent supposer que ces anticorps sont plus stables et qu’ils devraient être plus fortement concentrés que d’autres anticorps dans ces tissus, ce que suggère un nombre croissant d’études.

Le premier marché visé est celui des réactifs de recherche.
« Nous nous adressons aux chercheurs en leur proposant un service exclusif : en 4 à 6 mois, nous avons la capacité de produire un anticorps chimérique humain de classe A, spécifique d’une cible donnée, ce qui est hors de portée de la majorité des laboratoires de recherche ».

Le deuxième marché de B Cell Design est celui des réactifs pour kits de diagnostic Elisa, fondés sur la détection par anticorps. Le principe est de rechercher dans le sérum du patient les anticorps spécifiques d’une cible donnée. Ces kits requièrent l’utilisation de témoins positifs. Jusque-là, ces sera positifs étaient obtenus par prélèvement de malades avérés, limitant ainsi l’approvisionnement et pouvant conduire à des variabilités de qualité des lots successifs.

« Nous proposons aux industriels du diagnostic une source standardisée de ce contrôle positif, répondant parfaitement aux exigences de production des kits de diagnostic et apportant une solution au problème majeur d’approvisionnement ».

Le dernier marché est celui des anticorps thérapeutiques : aujourd’hui les traitements proposés font appel à une classe unique d’anticorps, laissant apparaître des limites thérapeutiques et des résistances chez certains patients pour certaines pathologies.
« Nous proposons une alternative thérapeutique pour des applications bien déterminées, pour les pathologies touchant les muqueuses et leur systèmes glandulaires annexes (système respiratoire, système digestif, système uro-génital, sein) ».

Organisation de l’entreprise

La société B Cell Design est hébergée par l’Université de Limoges, dans ses locaux de la faculté de Médecine et de pharmacie.
« Elle a mis à notre disposition un local de 40 m2, que nous équiperons en laboratoire (recherche et production) et en bureaux », souligne Mme Cuvillier. « De plus, la société est adossée au laboratoire UMR CNRS 6101 dans lequel le projet a vu le jour. Nous pouvons, dans le cadre d’une convention d’utilisation, avoir accès au matériel du laboratoire, notamment sa salle de culture, indispensable à l’activité de la société. Enfin, en tant que start-up issue d’un laboratoire de l’Institut Fédératif de Recherche de Limoges (IFR - GEIST), nous avons un accès privilégié aux plates-formes techniques de l’IFR : une animalerie réglementaire, une station de micro-injection pour générer des animaux transgéniques, de microscopie confocale et de séquençage. »

Le projet a été labellisé par le pôle de compétitivité et la société participe à un projet collaboratif avec les sociétés Cayla-Invivogen et Glycode et le laboratoire UMR CNRS6101. D’autres partenariats sont actuellement en discussion pour des projets plus ciblés.

La jeune société a opté pour une augmentation de personnel modérée et maîtrisée. L’équipe scientifique sera progressivement étoffée, afin de permettre aux trois fondateurs de se consacrer majoritairement aux actions commerciales et de représentation de la société, aux projets de développement et de partenariats scientifiques et à l’optimisation de la production.

Pour soutenir l’effort de recherche, un technicien R&D sera recruté chaque année, dés la mi-2008. Pour assurer la montée en puissance de la production, un technicien et un ingénieur seront entièrement dédiés à l’activité de prestation de service à façon. Ainsi, des trois fondateurs initiaux, l’effectif de la société passera à six personnes fin 2009. En fonction de l’évolution de l’activité, une équipe technico-commerciale sera mise en place pour renforcer les équipes de R&D et de production.

Le modèle économique choisi par l’entreprise s’articule autour de deux activités : une activité alimentaire immédiate de prestation de service et une activité de recherche et développement à moyen et long terme. Les programmes de R&D sont conçus pour enrichir la gamme de produits afin de permettre à B Cell Design de pénétrer des marchés plus vastes, celui du Diagnostic dans un premier temps (positionnement mi 2009) et celui du thérapeutique (sous forme de collaboration, à plus long terme, 2010-2011).

B Cell Design n’a pas pour ambition de devenir une entreprise pharmaceutique à part entière, mais d’être plutôt un partenaire incontournable des industriels de la pharmacie qui souhaiteraient étendre leur gamme de produits, en particulier dans le cadre des pathologies liées aux muqueuses (cancers, infections microbiennes, maladies dégénératives…).

MH

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