Décembre 1995 - n°3

PRIX THOUVENIN 1995 : 2 LABORATOIRES HOSPITALIERS DE MICROBIOLOGIE A L'HONNEUR

Cette année, le Prix Thouvenin (30 000 F) a été partagé, en raison de la similitude de leurs travaux portant sur les pneumocoques, entre Mme DOIT et Mr MOISSENET.

* Mme Catherine DOIT -service Microbiologie, Hôpital Robert Debré- PARIS -

L'hôpital Robert Debré est un hôpital pédiatrique de 500 lits. Le rôle du service de Microbiologie est de prendre en charge les problèmes infectieux (isoler et identifier les micro-organismes en cause), de conseiller et de participer à la surveillance des thérapeutiques anti-infectieuses. Outre ce rôle au service des malades, le personnel médical du laboratoire a des fonctions d'enseignement de la microbiologie vis-à-vis des externes, internes, stagiaires et techniciens de laboratoire, ainsi qu'au sein de la Faculté de Médecine de l'Université BICHAT-PARIS VII vis-à-vis des étudiants en médecine. Par ailleurs, des travaux de recherche sont développés : étude du pouvoir bactéricide des antibiotiques, applications des techniques de biologie moléculaire au diagnostic bactériologique, à l'étude des facteurs de virulence et à l'épidémiologie.

Résumé du travail récompensé.

Les méningites à pneumocoque demeurent une cause importante de mortalité et de morbidité chez le jeune enfant. L'incidence des souches de sensibilité diminuée aux ß-lactamines (classe d'antibiotiques majeurs, utilisés dans le traitement des méningites) a considérablement augmenté au cours de ces dernières années posant de ce fait des problèmes thérapeutiques. Le mécanisme moléculaire de cette résistance est une diminution de l'affinité des protéines cibles des ß-lactamines, cette modification étant liée à une altération des gènes codant pour ces protéines. Du point de vue épidémiologique, deux mécanismes permettent d'expliquer cette soudaine augmentation de l'incidence des pneumocoques résistants :

* d'une part la diffusion de clônes résistants

* d'autre part la diffusion des gènes de résistance au sein de la population des pneumocoques.

Le but du travail a été d'évaluer l'importance de ces deux mécanismes au sein des souches isolées d'une pathologie majeure, les méningites de l'enfant, en utilisant des techniques permettant d'évaluer:

* d'une part la variabilité du génome global des bactéries

* d'autre part la variabilité des gènes de résistance.

La diffusion clonale est objectivée par l'identité du génome et des gènes de résistance chez des souches non reliées épidémiologiquement et le transfert de gènes de résistance par l'identité des gènes de résistance chez des souches ayant des génomes différents. Cette étude a permis de montrer qu'en ce qui concerne les méningites de l'enfant, en France, l'augmentation de l'incidence des pneumocoques résistants étaient dues

1) à la diffusion d'un clône majoritaire constitué de souches de sérotype 23 dont le niveau de résistance à la pénicilline est élevé et qui est très proche de celui retrouvé en Espagne, aux USA et en Afrique du Sud,

2) à la diffusion de 2 autres clônes minoritaires : un constitué de souches de sérotype 14 ou 9 présentant un niveau de résistance élevée à la pénicilline et un second constitué de souches de sérotype 23 présentant un bas niveau de résistance à la pénicilline,

3) à une population de souches hétérogènes tant au niveau génomique qu'au niveau des gènes de résistance présentant un bas niveau de résistance et qui ont donc probablement emergées de façon indépendante.

* Mr Didier MOISSENET -service Microbiologie de l'Hôpital d'Enfants Armand-Trousseau-PARIS -

Résumé du travail récompensé.

En France, depuis 1989, le nombre des pneumocoques résistants à la pénicilline (PRP) ne cesse d'augmenter. La diminution de la sensibilité à la pénicilline (et à l'ensemble des ß-lactamines à des degrés variables) des PRP est due à une modification des protéines de liaison à la pénicilline (PLP) altérant leur affinité pour la pénicilline. Trois PLP (parmi les six décrites) ont été particulièrement étudiées (2b, 2x et 1a) et la séquence de leurs gènes a été déterminée. Les PRP sont, par ailleurs, souvent multirésistants à de nombreuses familles d'antibiotiques.

En 1993, 59% des pneumocoques isolés à l'hôpital d'enfants Armand-Trousseau étaient des PRP (CMI>0.1 mg/L) et 87% d'entre eux avaient un niveau de résistance élevé à la pénicilline (CMI> 1 mg/L). Parmi les PRP, les isolats de sérotype 9V arrivaient en seconde position en terme de fréquence après ceux du sérotype 23F. Les PRP 9V présentaient une résistance constante au cotrimoxazole. Quatorze PRP 9V, isolés en 1993 et 1994, provenant de douze pus d'otites, d'un pus d'arthrite et d'une hémoculture ont été comparés en déterminant leur profil de restriction chromosomique par électrophorèse en champ pulsé (pulsotype) après digestion de l'ADN par ApaI et les profils de restriction des gènes codant les PLP 2b, 2x et 1a après amplification de l'ADN et digestion par HinfI. Tous les PRP 9V présentaient le même pulsotype et des profils identiques pour chacun des gènes 2b, 2x et 1a, évoquant une origine clonale. Tous les profils étaient différents de ceux de la souche de référence R6, sensible à la pénicilline, testée en parallèle.

La diffusion clonale représente avec les transferts horizontaux de gènes de PLP altérés et les mutations ponctuelles les principaux mécanismes de la diffusion de la résistance aux ß-lactamines. Les marqueurs moléculaires, en apportant plus de précision que les méthodes phénotypiques, permettent de mieux appréhender l'épidémiologie complexe de la résistance aux ß-lactamines des pneumocoques et d'envisager des mesures pour résoudre cet important problème de santé publique.

B BOUILLARD

Retour aux archives de la gazette du LABORATOIRE