Novembre 1996 - n°12
UPS 831: Unité de prévention du risque chimique ICSN-CNRS
Du bon usage des produits chimiques
L'emploi de produits chimiques s'est considérablement
développé tant dans les domaines de l'industrie traditionnelle
- chimie lourde, pharmacie, cosmétologie.. - de l'agriculture - engrais,
pesticides...-, de l'agro-alimentaire - conservateurs, colorants, arômes...
-, que dans notre vie quotidienne.
Ce développement spectaculaire de la chimie n'est bien entendu pas sans
contrainte. Un effort important doit aujourd'hui être entrepris pour évaluer
et maîtriser le risque chimique, c'est-à-dire, I'atteinte possible
à la santé des hommes ou à l'équilibre de l'environnement.
C'est pour répondre à cette attente, en particulier sur les plans
de l'information et de la formation, que le CNRS a créé en 1989
I'UPS 831, Unité de Prévention du Risque Chimique, implantée
aux côtés de l'ICSN l'lnstitut de Chimie des Substances Naturelles,
sur le campus de Gif-sur-Yvette près de l'Université Paris Sud
d'Orsay (91).
La nécessité
d'une telle unité
Concrétisation d'un projet ardemment défendu, la création
de cette Unité, peu de temps après l'arrivée de Mr François
KOURILSKY à la direction du CNRS, doit énormément au soutien
d'éminents chimistes comme Sir Derck BARTON - Prix Nobel de Chimie 1969
-, Guy OURISSON et Pierre POTIER ainsi qu'à la remarquable détermination
de Mr PICOT, I'actuel directeur de l'UPS 831.
André PICOT travaille depuis plus de 20 ans pour le développement
de la prévention du risque dans les laboratoires.
"Le facteur déclenchant a été sans nul doute mon arrivée
au CNRS en 1964, dans les locaux de l'ICSN, où je décidais de
poursuivre une thèse après 7 années passées chez
Roussel-Uclaf ", nous confie Mr PICOT. " A/ors que l'industrie intégrait
déjà parfaitement la sécurité aux pratiques quotidiennes
du laboratoire, le CNRS comme beaucoup d'autres organismes publics n'y accordait
manifestement que très peu d'attention. A l'ICSN, par exemple, étaient
consommées chaque mois, sans aucune précaution, plusieurs centaines
de litres de benzane pour les besoins de la Chimie Extractive; I'utilisation
d'un tel solvant - immunotoxique et hautement cancérogène pour
l'Homme - se trouvait déja très sévèrement réglementée
dans l'industrie, mais il fallut près de 10 années de persuasion
pour que la consommation de benzone à l'ICSN soit réduite à
quelques litres par an».
Organisant, dès la fin des années 70 sur le campus de Gif, des
cours de formation permanente sur la sécurité et les dangers liés
à la manipulation des solvants, Mr PICOT étend ensuite son action
par la publication, en 1979, d'un premier document de 500 pages: "Aspects
biochimiques de la toxicité de diverses substances chimiques", véritable
ouvrage de référence sur la toxicologie des solvants, puis d'un
second ouvrage (versions française, anglaise, chinoise. .), en 1989:
"La sécurité en laboratoire de chimie et de biologie",
vendu à plus de 5000 exemplaires et prochainement réactualisé.
Destiné aux spécialistes de la sécurité comme au
public plus large des chimistes et blochimistes, ces livres ont amorcé
un véritable changement conceptuel dans l'approche toxicologique. L'introduction
de la "toxicochimie", terme défini en 1984 par Mr PICOT et
ses collogues de Roussel, - Jean-Cyr GAIGNAULT et Rémy GLOMOT - permet
au travers de ces deux ouvrages, d'aborder le risque chimique dans sa globalité
à partir des caractéristiques physico-chimiques et de la réactivité
des composés eux- mêmes...
Priorité à
la prévention...
L'Unité de Prévention du Risque Chimique est à ce
jour composée d'une équipe pluridisciplinaire de 8 personnes:
chimistes, pharmaciens, toxicologues, documentalistes, ingénieur agronome,
médecin...
Ses activités s'intègrent dans une stratégie de prévention
associant 4 domaines complémentaires:
1/ La recherche en toxico-chimie
L'approfondissement des connaissances scientifiques sur les risques chimiques
vise à offrir aux utilisateurs de substances chimiques une approche théorique
leur permettant de choisir, sur des bases rigoureuses, les meilleurs produits
de remplacement des composés les plus dangereux pour la santé
de l'Homme et son environnement.
" Cette approche prédictive a grandement contribué au remplacement
de l'hexane, solvant neurotoxique, par des solvants semblables mais peu toxiques,
comme le pentane, I'hoptane ou le cyclobexane" commente Mr PICOT "
La recherche de produits de remplacement pour les éthers du glycol par
leurs homologues dérivés du propylène glycol est aujourd'hui
en cours...".
2/ La formation
Formation permanente du personnel des laboratoires de la recherche publique
(CNRS, puis INSERM, INRA, ORSTOM, IFREMER...) enseignement de la toxicologie
au CNAM, à l'Université (DESS, formation permanente du Centre
Scientifique d'Orsay) et dans le cadre de la Communauté Européenne
(Euroform), formation à la sécurité des personnels de grands
groupes tels que Rhone-Poulenc, Sanofi, L'Oréal... constituent un levier
essentiel de l'action de prévention de l'Unité et ceci à
tous niveaux: de l'apprentissage de la maniqulation des produits chimiques en
laboratoire à la formation des toxicologues. Grâce à la
collaboration avec l'ORSTOM, ces formations sont aussi dispensées en
Amérique du Sud et dans le Pacifique (Nouméa, Papeete).
3/ L'information
Outre les deux ouvrages cités précédemment, de nombreuses
publications (articles scientifiques et grand public, fiches de sécurité,
monographies, tableaux comparatifs), régulièrement rédigées
en collaboration avec les industriels permettent la diffusion d'une information
fiable.
L'UPS 831 vient d'éditer son 7e Bulletin d'lnformation Toxicologique,
consacré à la toxicochimie inorganique. André PICOT co-écrit
actuellement le premier tome d'un nouveau livre: «Toxicologie moléculaire.
Notions de Biologie et de Chimie Appliquée" qui, par son approche
originale, permettra de faire le point du langage de la chimie, appliqué
à la toxicologie, aux mécanismes moléculaires en toxicochimie
(à paraître en décembre 1996).
4/ Les expertises
Collaborant avec de nombreux ministères, I'Unité de Prévention
du Risque Chimique participe en permanence aux missions d'expertise sur la surveillance
des effets toxiques des produits chimiques et contribue, par ailleurs, à
la préparation des documents d'évaluation pour la fixation des
Normes d'Exposition en Milieu de Travail, tant au niveau National - Ministère
du Travail -, qu'au niveau Européen à la DGV à Luxembourg.
Malgré les sollicitations diversifiées et croissantes dont l'Unité fait aujourd'hui l'objet, Mr PICOT souligne que " la prévention du risque chimique est encore trop peu développée, en particulier dans les laboratoires de recherche, au CNRS et dans les autres organismes publics, où les moyens mis en uvre sont sans commune mesure avec les besoins réels de la prévention".
L'évaluation et la maîtrise du risque chimique
sont donc plus que jamais d'actualité. L'UPS 831, dont le déménagement
dans des locaux plus fonctionnels est prévu avant la fin de l'année
96, souhaite renforcer son action par l'animation du Groupement de Recherche
Epidémiologique et TOXicologique en environnement de travail (GRETOX).
Ce réseau regroupe à ce jour plus de 100 experts en toxicologie
et devrait faciliter les collaborations régulières entre tous
les organismes de recherche, à l'échelon national... une initiative
essentielle tant les problèmes posés par les produits chimiques
(amiante, benzene, dioxine...) sont d'actualité.
S.DENIS