Mars 1996 -n°6
Le Laboratoire de Police Scientifique de Marseille a quitté le bâtiment proche du vieux port où il résidait depuis sa création en 1954. L'inauguration des nouveaux locaux clairs et spacieux (situés Bd Camille Flammarion dans le 4e arrondissement) a eu lieu le 22 décembre 1995 en présence de J.L.DEBRE, ministre de l'intérieur.
Le Laboratoire de Police Scientifique (LPS) de Marseille est un des cinq LPS qui existent en France. Les autres LPS se trouvent à Lille, Lyon, Paris et Toulouse. Créés par la loi du 27novembre 1943, les LPS ont pour mission d'effectuer les examens, recherches et analyses des traces et indices -relevés en cours de l'enquête- en vue de rechercher des éléments de preuve en matière de crime et de délit. Les LPS répondent uniquement aux demandes émanant de la police, de la gendarmerie et des magistrats, ils ne peuvent être saisis que par réquisition ou ordonnance.
Au sein des LPS, le personnel est fonctionnaire et rattaché aux corps:
- scientifique (directeur, chef de service, sections biologie, incendies-explosifs, physico-chimie, stupéfiants, toxicologie),
- policier (sections balistique et documents pour l'essentiel),
- administratif.
C'est en 1985, avec la création de la sous-direction de la police technique et scientifique, que les LPS prennent leur essor. De gros moyens budgétaires sont mis alors à leur disposition afin d'acquérir des équipements scientifiques de pointe. Parallèlement, une politique de recrutement active est menée, essentiellement au niveau du personnel scientifique (12scientifiques en 1985 au LPS de Marseille, 34en 1995) et policier (3en 1985, 10en 1995).
Les cinq LPS sont des établissements pluridisciplinaires de même structure (voir organigramme) et les équipements diffèrent peu selon la région. La tendance est à l'harmonisation des techniques utilisées dans les différents laboratoires: techniques les plus performantes et équipements de pointe.
LE PRELEVEMENT DES ECHANTILLONS
Les échantillons sont prélevés sur "les lieux du crime" par des techniciens de scène de crime. Ce sont des policiers des services d'identité judiciaire formés spécialement à l'échantillonnage en vue des analyses scientifiques. Ces techniciens font d'une certaine façon le lien entre les policiers de terrain et le personnel du laboratoire. La qualité du prélèvement est primordiale: à l'heure où les techniques sont de plus en plus sensibles, les précautions à prendre sont de plus en plus draconiennes.
LES SECTIONS
Selon l'objet de la demande, l'échantillon est acheminé auprès d'une ou plusieurs sections:
* Balistique : étude des armes, munitions et trajectoires.
* Documents, traces: examen de documents et fiduciaires, falsifiés ou contrefaits, comparaison d'écritures manuscrite et dactylographiée. Examen d'empreintes digitales, de traces de pas, de pneumatiques et d'outils. Remontage de numéros sur pièces métalliques.
Pour ces deux premières sections, ce sont les policiers les spécialistes.
* Biologie : identification des individus par comparaison à partir des liquides biologiques (sang, sperme, salive...) ou des cheveux.
* Physico-chimie : étude des verres, peintures, résidus de tir, encres, fibres, terres...
* Incendies-explosifs : étude des explosifs et liquides inflammables.
* Stupéfiants : analyses de substances chimiques susceptibles d'être ou de contenir des stupéfiants (identification des échantillons de saisie).
* Toxicologie : recherche de substances ayant pu provoquer la mort ou des atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes, taux d'alcoolémie. A la différence de la section "Stupéfiants", la section "Toxicologie" travaille sur des échantillons biologiques.
Présenter le travail et les particularités de toutes les sections est impossible dans le cadre d'un seul article. La Gazette du Laboratoire a donc choisi de vous parler (pour cette fois-ci !) plus en détail de deux sections : la physico-chimie et la biologie.
LA PHYSICO-CHIMIE
"Nous réalisons toutes les analyses que les autres sections ne font pas..." nous révèle en préambule Véronique LAMOTHE, responsable de la section. Ce qui signifie une grande diversité dans les échantillons : fibre, peinture, sable, poussière... Beaucoup sont au départ de nature inconnue (tache non identifiée par exemple). Un champ d'action aussi vaste nécessite une gamme de matériel performant. Les méthodes utilisées sont :
* La spectroscopie UV, IR, X, Absorption atomique.
* La microscopie électronique à balayage.
"Nous avons du matériel à la pointe de la technologie, ainsi le LPS de Marseille est le premier laboratoire en France à s'être doté d'un équipement de microspectrométrie IR..." nous confie Véronique LAMOTHE.
Avant de rendre un résultat, l'échantillon est analysé par au moins deux méthodes de principes différents et les résultats doivent, bien sûr, être concordants.
LA BIOLOGIE
"Après l'observation de l'indice à la loupe stéréoscopique et au microscope (éventuellement comparateur) nous utilisons deux types de technologie..." nous apprend Sylvie FRACKOWIAK, responsable de la section.
- La biologie classique : pour déterminer la nature de la tache ou de la trace et son origine humaine : sang, salive, sperme...
Dans le cas de sang, un premier test détermine s'il s'agit bien de sang humain, un second détermine le groupe sanguin. La détermination du groupe est un premier screening qui peut permettre d'éliminer certains suspects.
- La biologie moléculaire : des analyses génétiques peuvent être réalisées sur tout tissu ou sécrétion d'origine humaine. Elles permettent d'évaluer la probabilité qu'une personne donnée soit effectivement à l'origine de l'indice. "En l'état actuel des connaissances, les résultats sont toujours exprimés en termes de probabilités et non pas d'identité exclusive " précise S. FRACKOWIAK.
Deux types de méthodes sont à disposition au laboratoire en biologie moléculaire :
* l'amplification génique (PCR)
* le RFLP ("empreinte génétique")
Les techniques PCR sont rapides (résultats en 24 heures), réalisables sur des petits indices (un bulbe de cheveu par exemple) mais en raison de leur grande sensibilité elles nécessitent une grande protection contre la contamination ; au LPS une salle protégée est réservée à la PCR.
Les techniques RFLP nécessitent plus de temps (10 jours environ) mais le résultat est plus discriminatif, c'est-à-dire que la probabilité d'identité est affinée.
Le choix entre les deux techniques est dicté par la taille du prélèvement, s'il est à l'état de trace, la PCR est choisie, s'il est en quantité suffisante, le laboratoire effectue l'extraction classique de l'ADN avant de faire une PCR, puis selon les résultats de cette première analyse, un RFLP. "...Par un premier screening avec le groupe sanguin, un second avec la PCR nous évitons parfois des analyses RFLP longues et coûteuses. L'évolution spectaculaire de la technique ne doit pas faire oublier le bon sens et les réalités budgétaires" précise S. FRACKOWIAK.
LA DEMONSTRATION SCIENTIFIQUE DE LA PREUVE
"Le LPS est un maillon de la chaîne, le travail des scientifiques et des policiers de terrains est indissociable..." souligne Mireille BRESSON, Directeur du LPS Marseille. L'analyse des échantillons prélevés sur "les lieux du crime" permet au magistrat -avec les autres éléments de l'enquête- de forger son intime conviction. Devant les besoins toujours croissants des services d'enquête et d'instruction, les LPS développent de nouvelles méthodes d'analyses. Le personnel se tient en permanence informé de l'évolution de la science et des techniques à l'aide de la section documentation scientifique et d'une formation continue performante.
V. CROCHET