Janvier 1997 - n°14
Laboratoire d'Ecologie Microbienne du Sol
de l'Université Claude-Bernard Lyon I:
étude d'une association intime entre deux organismes vivants
L'équipe "symbiose mycorhizienne" dirigée par le Professeur Jean-Claude DEBAUD - laboratoire d'Ecologie Microbienne du Sol (UMR CNRS 5557) de l'U.F.R. de Biologie de l'université Claude Bernard Lyon I-, travaille sur le fonctionnement des mycorhizes.
Le modèle expérimental de mycorhize développé et étudié par le laboratoire est une symbiose, c'est-à-dire une association à bénéfice réciproque entre deux organismes vivants, d'une part un champignon (Hebeloma cylindrosporum) et d'autre part le pin maritime (Pinus Pinaster). Ce champignon est une espèce pionnière dominante de la zone dunaire de la forêt landaise. Il est acquis depuis de nombreuses années que ce champignon améliore la nutrition, donc la croissance et la survie du pin maritime dans ce milieu difficile.
Le champignon a été choisi par l'équipe,
non pour ses qualités gustatives mais plutôt pour sa facilité
de fructification in vitro). Grâce à la maîtrise du comportement
sexuel, des mutants ont été produits; un système de transformation
génétique a été mis au point ainsi que des sondes
moléculaires permettant la caractérisation des mycéliums
à l'échelle infraspécifique.
L'étude de ceHe symbiose présente un intérêt fondamental
pour la compréhension des interactions entre deux organismes eucaryotes
très étroitement imbriqués, mais dont l'intégrité
cellulaire subsiste (le champignon est en position intercellulaire dans la lamelle
moyenne des cellules du parenchyme cortical des racines de l'hôte). Une
meilleure compréhension de la symbiose présente également
un intérêt appliqué, d'une part pour la production d'excellentes
espèces fongiques, d'autre part pour la production des végétaux
ligneux, dont on peut améliorer la croissance ou la résistance
aux maladies, grâce à des partenaires fongiques sélectionnés.
L'équipe utilise toutes les techniques classiques de microbiologie, les dosages blochimiques, la génétique quantitative, la production et la caractérisation de mutants, les techniques de PCR-RFLP et la Transformation génétique pour développer 2 axes de recherche.
Le premier axe concerne l'étude
de la structure et de la dynamique des populations de H. cylindrosporum dans
les conditions naturelles
Ce travail a pour objectif de préciser la distribution spatiale
des clones fongiques en fonction des conditions du terrain, en particulier de
l'âge des peuplements végétaux et de comprendre les mécanismes
impliqués dans la propagation des clones. L'objectif à plus long
terme est d'analyser les relations entre structure et dynamique des populations
fongiques d'une part et l'évolution des peuplements végétaux
d'autre part.
Ce travail a nécessité la mise en place de trois stations expérimentales
de 50 à 500 m2 à proximité du bassin d'arcachon. Les arbres
sont ainsi répertoriés et des prélèvements de champignons
sont envoyés au laboratoire afin d'être identifiés, notamment
au niveau génétique par des techniques de polymorphisme d'ADN,
permettant de considérer les différents individus d'une même
espèce. Des cartographies des zones étudiées sont établies
et permettent ainsi de suivre l'évolution dans le temps de souches naturelles
ou introduites: persistance, élimination par compétition avec
d'autres, croisement avec des souches indigènes...
Le deuxième axe concerne
l'étude des interactions entre les deux partenaires:
Compte-tenu de l'effet positif du champignon sur le pin, les chercheurs
du laboratoire ont développé une approche au niveau physiologie
cellulaire et moléculaire sur leur modèle expérimental.
Une des hypothèses de travail est d'identifier des molécules secrétées
par le champignon pouvant influencer l'expression du génome des cellules
pin.
La production d'auxine (hormone végétale universelle) par le champignon
affecte la morphogenèse de la plante. Le laboratoire a développé
un mutant de ce champignon capable de surproduire l'auxine. Le mutant se montre
plus infectieux que la souche sauvage. Sous microscope ce mutant présente
une surface de contact donc d'échange plus importante entre la plante
et le champignon.
Les travaux menés par l'équipe du Pr DEBAUD
avec le soutien financier du CNRS, de l'université et de contrats CEE
et INRA, devraient permettre de faire progresser les connaissances sur la biodiversité
du partenaire fongique, et de préciser à plus long terme le rôle
des propriétés fongiques sur la physiologie de la plante hôte.
B.BOUILLARD