Avril 1997 - n°17
Ali Ouaissi, de Lille à Montpellier
Le docteur Ali Ouaissi, directeur de recherche INSERM, a conduit tous ses travaux de recherche à Lille, dans un premier temps au sein de l'unité167 (directeur: Pr André Capron) puis, à partir de janvier1994, au sein de l'unité415 (directeur: Dr Jean-Claude Ameisen). Fin1996, son dossier pour la création d'un Contrat Jeune Formation a été accepté. Son équipe, accueillie par le laboratoire de parasitologie du Pr Jean-Pierre Dedet de la faculté de médecine de Montpellier, se compose actuellement d'une chargée de recherche INSERM et de deux étudiantes (thèse et DEA). Le CJF a bénéficié d'une dotation de la Fondation pour la Recherche Médicale pour l'aide à la mobilité des jeunes équipes. Ce financement a permis à Ali Ouaissi d'acquérir des équipements dans les domaines de la culture cellulaire, de la biologie moléculaire et de l'immunologie.
"Mais il reste encore beaucoup d'investissements à faire", souligne Ali Ouaissi, "...monter une unité de recherche est une aventure passionnante mais difficile. Je dois notamment recréer tout un réseau de collaborations avec des équipes locales et maintenir celles que j'ai développées depuis plusieurs années avec des équipes Françaises, Européennes et Latino-Américaines".
La recherche sur la maladie de Chagas et les leishmanioses: enjeux diagnostiques et thérapeutiques
Ali Ouaissi travaille depuis1982, date de son entrée à l'INSERM, sur la maladie de Chagas et les leishmanioses.
"Le thème de recherche, que j'avais initialement développé à l'INSERM, visait à établir les bases moléculaires de la reconnaissance entre les trypanosomatidæ, en particulier Trypanosoma cruzi et leishmania, et leurs cellules hôtes", explique Ali Ouaissi, "ces travaux pionniers ont permis de rapporter des observations originales, en particulier le rôle d'un certain nombre de protéines matricielles dans les phénomènes d'adhésion de T cruzi à la cellule hôte. Notre champ d'activités s'est ensuite élargi à d'autres aspects concernant la biologie du parasite".
Tc24 et Tc52, des protéines prometteuses...
L'étude des antigènes d'excrétion-sécrétion (ES) de ces parasites a notamment débouché sur le clonage de deux gènes codant chez Tcruzi pour deux protéines de24 et 52kDa appelées Tc24 et Tc52.
Tc24 présente un intérêt diagnostique et peut être utilisée comme marqueur d'efficacité du traitement. Ces aspects ont été validés par des études menées sur le terrain, en collaboration avec des équipes partenaires des pays endémiques et avec l'appui financier de l'OMS. Cette découverte est importante car, en dépit de la diversité des techniques de détection d'anticorps anti-Tcruzi, il subsiste de grands problèmes de spécificité. L'autre propriété de Tc24, et non la moindre, est sa capacité à induire une réponse immunoprotectrice lorqu'elle est injectée à des souris.
Tc52 exerce quant à elle in vivo et in vitro une activité immunosuppressive par un mécanisme faisant intervenir le gluthation. De plus, cette activité immunosuppressive peut être levée in vivo par une immunisation préalable des animaux avec la Tc52. La mise en évidence des mécanismes moléculaires de l'altération des fonctions immunitaires de l'hôte par T cruzi ouvre la voie à des stratégies d'immunisation contre ce parasite.
"Toutes ces recherches développées jusqu'à présent m'ont amené à demander la création d'un CJF dédié aux approches moléculaires et immunologiques de la pathogénie des trypanosomatidæ" explique Ali Ouaissi. Les aspects de l'immunosuppression seront notamment étudiés avec la manipulation du gène codant pour la protéine Tc52, la production de parasites mutants "knock-out" et l'étude de leur virulence in vitro et in vivo.
"Nos études peuvent avoir des retombées dans d'autres pathologies parasitaires, virales ou bactériennes car au-delà des problèmes de santé publique que pose Tcruzi, il reste un modèle passionnant de biologie cellulaire", conclut Ali Ouaissi.
LA MALADIE DE CHAGAS ET LES LEISHMANIOSES : des infections causées par les trypanosomatidæ
La maladie de Chagas, ou trypanosomiase américaine, est une parasitose chronique due à un protozoaire flagellé : Trypanosoma cruzi de la famille des trypanosomatidae. La maladie de Chagas sévit en Amérique latine où 90 millions de personnes sont exposées et 18 millions sont malades. Le cycle évolutif de T cruzi se partage entre un insecte vecteur, hôte intermédiaire, et un mammifère, hôte définitif. Les parasites sont éliminés dans les déjections de l'insecte lors d'un repas sanguin et pénètrent chez l'homme à la faveur d'une égratignure. Si la transmission du parasite par l'insecte est prépondérante, il existe aussi d'autres voies de contamination comme la transfusion sanguine, la transplantation et la transmission foeto-maternelle. La maladie de Chagas passe par trois phases, une phase aiguë qui dure de un à trois mois pendant laquelle le parasite est détectable dans le sang par examen microscopique ; une phase de latence clinique dite phase indéterminée au cours de laquelle le parasite s'installe dans les tissus, enfin une phase chronique avec atteintes organiques comme la lésion du myocarde, de l'oesophage, du côlon ... Pour soigner les malades atteints de la maladie de Chagas, on ne dispose actuellement que de deux médicaments actifs uniquement pendant la phase aiguë et responsables d'effets secondaires néfastes.
Les leishmanioses sont des infections dues à des protozoaires de la famille des trypanosomatidae et du genre leishmania . Transmis par un insecte, le parasite est présent dans 80 pays - dont la France - et touche environ 14 millions d'individus. La situation mondiale s'est aggravée par le fait qu'on rencontre maintenant ces infections en tant que maladies opportunistes chez les personnes atteintes du SIDA. On distingue trois formes de leishmanioses, la viscérale, la cutanée et la cutanéo-muqueuse. Les leishmanioses posent des problèmes de santé de même nature que la maladie de Chagas au niveau du diagnostic, de la thérapie et de la prévention.
V.CROCHET