Mars 1998 - n°26
La D.S.T. au service des laboratoires
La Direction de la Surveillance du Territoire - la D.S.T.-
exerce au quotidien un rôle essentiel auprès des laboratoires de
recherche français, afin d'optimiser la protection du patrimoine scientifique
et technique.
Direction de la Police Nationale, la D.S.T. a, en effet, pour vocation de " rechercher
et prévenir les activités inspirées, engagées ou
soutenues par des puissances étrangères, de nature à menacer
la sécurité économique, scientifique, militaire ou diplomatique
de la France ".
Sa sous-direction " Protection de Patrimoine Scientifique et Technique "
se positionne alors comme un partenaire privilégié des organismes
de recherche publics pour informer et conseiller dans ce contexte de protection.
Elle répond, plus précisément, à deux missions fondamentales :
- la sensibilisation des laboratoires à la protection du patrimoine scientifique
et technique, grâce à un contact direct avec les chercheurs et
futurs chercheurs français,
- le contrôle de l'application des mesures de protection officielles définies
par la législation.
Le patrimoine scientifique
et technique défini selon la loi :
" Par patrimoine scientifique et technique, il faut entendre díune
manière très générale l'ensemble des informations
et savoir-faire se rapportant soit à des techniques sensibles du domaine
industriel, soit à des connaissances et des résultats de la recherche
scientifique (fondamentale ou appliquée), considérées comme
un bien exclusif de la communauté nationale ".
La protection du patrimoine scientifique français est donc assurée
à différents niveaux de sécurité, lesquels répondent
aux contraintes législatives et réglementaires rassemblées
dans l'Instruction Ministérielle 486.
Remaniée et diffusée le 1er mars 1993, cette nouvelle instruction
prend en compte le développement prodigieux des échanges internationaux,
généré à la fois par l'Histoire et par les nécessités
économiques. Soulignons, à ce titre, que les secteurs à
contrôler en fonction des pays y sont précisément détaillés
et qu'un contrôle systématique des coopérations est instauré
au niveau du Secrétariat Général de la Défense Nationale.
Trois niveaux de sécurité régissent ainsi les technologies
avancées et les secteurs de pointe du patrimoine scientifique et technique
français :
- les technologies dont la maîtrise peut être récupérée
militairement pour procurer un avantage à l'adversaire et dont la protection
impose des mesures sévères spécialement adaptées
aux circonstances,
- certaines technologies, liées notamment aux domaines chimique et biologique,
et qui, sans la prise de précautions convenables, pourraient être
utilisées par d'autres pays à des fins contraires aux intérêts
fondamentaux de la France,
- les technologies qui, en l'état de la recherche, confèrent à
la France un avantage substantiel en terme de marché et d'emploi, sans
considération militaire.
Toutes les disciplines sont, à ce titre, concernées, notamment
les domaines de l'imagerie, du médicament et des biotechnologies dont
l'impact sur la situation économique des nations est aujourd'hui clairement
démontrée.
La sensibilisation des scientifiques à la protection du patrimoine français
s'avère fondamentale, car leur participation est non seulement indispensable
pour définir ce qui doit être protégé, mais également
pour assurer la protection elle-même.
Il s'agit alors de réussir à concilier deux aspects contradictoires :
la libre circulation de l'information scientifique favorisant le progrès
et les contraintes imposées à certains types de recherche ou à
leurs résultats.
La stratégie de l'espionnage :
les moyens de recherche et l'acquisition de l'information
Les acteurs de l'espionnage scientifique sont nombreux, variés et
compétents. La stratégie utilisée - qui, depuis longtemps,
a fait la preuve de son efficacité !- reste très souvent
identique quelque soit les pays promoteurs. L'acquisition de l'information est
ainsi réalisée par :
- la " recherche ouverte ", c'est-à-dire l'étude
détaillée de la documentation accessible à tous (articles,
revues, conférences, expositions) -concernant plus de 80% de l'information-,
- la négociation qui permet d'obtenir des informations parfois sensibles
ou non protégées auprès d'interlocuteurs crédules,
trop soucieux de valoriser leur savoir faire,
- la recherche clandestine opérée par des agents à propos
de points cruciaux de documentation fermée. Qu'ils soient spécialistes
de l'espionnage, scientifiques étrangers ou nationaux travaillant pour
l'étranger par idéologie ou intérêt, les agents sont
introduits dans les organismes visés par des voies très simples :
emplois permanents ou temporaires, stages de plus ou moins longue durée,
formation professionnelle, visite des locaux.
Nous citerons, à titre d'exemples, le cas d'étudiants de haut
niveau qui, dispensant des cours particuliers en "extra ", ont
été contactés par des " agents " étrangers.
Ces agents -élèves très attentifs !- assistent aux
premiers cours le plus naturellement du monde et viennent ensuite progressivement
à interroger leur professeur sur des problèmes beaucoup plus pointus,
directement liés à ses activités menées, dans le
cadre de ses études, au sein de laboratoires ou d'entreprises !
Amenés à accéder à des postes à responsabilités,
ces étudiants constituent pour les services de renseignements étrangers,
un vivier très intéressant à long terme.
Autre exemple particulièrement illustratif : l'expérience
d'une entreprise française qui, lors du déménagement de
ses installations, accepte l'aide de stagiaires étrangers. Après
quelques aller-retour entre anciens et nouveaux locaux, l'un des employés
remarque l'absence prolongée des stagiaires ; ceux-ci étaient
tout simplement partis photocopier des documents regroupés dans les caisses
du déménagement et jugés confidentiels !..
La stratégie de protection du patrimoine : l'affaire de tous
Etant donné la diversité des moyens utilisés
pour l'acquisition de l'information, la responsabilité du patrimoine
est, avant tout, de la responsabilité et de l'intérêt de
chaque directeur d'unité et de chaque chercheur.
La D.S.T., et plus précisément sa sous-direction " Protection
du Patrimoine Scientifique et Technique ", constitue l'un des acteurs
essentiels de cette stratégie de protection.
Au service des laboratoires, la D.S.T. base, en effet, son action sur un dialogue
permanent avec les organismes de recherche.
- Par sa mission de sensibilisation, elle informe et conseille ceux que vise
la menace d'espionnage. Elle s'attache ainsi à promouvoir le développement
d'une saine vigilance et de réflexes de défense (sécurité
des installations, des matériels et des personnels, circulation des documents,
contrôle des visiteurs et stagiaires).
Son action directe auprès des laboratoires, ses interventions régulières
lors de séminaires ou dans le cadre de formations dispensés dans
les Universités et Grandes Ecoles permettent à la D.S.T. d'assurer
une présence continue aux côtés des chercheurs et ingénieurs,
de répondre à leurs questions et de les conseiller.
Le dialogue ainsi établi est d'autant plus important qu'il offre à
la D.S.T. un " retour d'expérience " primordial pour
l'optimisation de la protection du patrimoine.
- Egalement dotée d'une mission de contrôle, la D.S.T. est chargée
de veiller à la bonne application des mesures de protection officielles
définies par la législation.
Parallèlement, au niveau des ministères, ce sont les Hauts Fonctionnaires
de Défense (H.F.D.) qui diffusent les directives générales
destinées à orienter les responsables des organismes et établissements
détenant du patrimoine, et qui s'assurent de leur application.
Le H.F.D. représente, ainsi, notamment l'autorité compétente
en matière d'accès dans les établissements à régime
restrictif et dans toute zone restrictive.
L'action des H.F.D. est relayée, au niveau des grands organismes et des
établissements (CNRS, INSERM, Universités), par des Fonctionnaires
de Sécurité de Défense (F.S.D.) et par les services de
sécurité. Dans le cas de certaines administrations, le Haut Fonctionnaire
de Défense délègue aux F.S.D. les décisions d'accès
(visites et stages).
La stratégie de protection du patrimoine scientifique et technique français
est donc bien établie et, chaque année, fait la preuve de son
efficacité. La compétence et le travail de proximité de
ses responsables sont à la base même de sa réussite, mais
rien ne serait possible sans la participation et vigilance de chacun ! !