Octobre 1999 - n°41
Université Montpellier II / CNRS - Création de l'EP 2030 "Biologie moléculaire des défenses cellulaires antivirales et antitumorales"
Une équipe de recherche spécialisée dans la molécule d'interféron
L'Equipe Postulante 2030 "Biologie moléculaire des défenses cellulaires antivirales et antitumorales" répond à la demande de création d'une UMR CNRS / Université Montpellier II formulée par deux équipes actuellement localisées à l'Institut de Génétique Moléculaire de Montpellier : l'équipe "Contrôle de l'expression génétique par les interférons et les oligonucléotides synthétiques" dirigée par Bernard Lebleu, Professeur à l'Université Montpellier II et l'équipe "Structure, fonction et évolution des récepteurs de cytokines" dirigée par Gilles Uzé, Directeur de recherche CNRS.
Le dénominateur commun des activités scientifiques de ces deux équipes est la molécule d'interféron. Leur fédération permet la création d'un pôle de recherche français significatif sur cette cytokine. De la formation du complexe interféron-récepteur aux mécanismes moléculaires des activités cellulaires induites en passant par les mécanismes de transduction des signaux et la régulation de la transcription, tous les aspects fondamentaux de la recherche sur cette molécule sont abordés par l'EP 2030.
L'interféron, la première réponse cellulaire à l'infection virale
Synthétisé par les cellules infectées par un virus, l'interféron (IFN) ou plus exactement l'interféron de type I(*) protège les cellules avoisinantes de l'infection virale. "L'interféron est la molécule clé de la défense antivirale chez les mammifères mais aussi les oiseaux" explique Gilles Uzé, Directeur de l'EP 2030, "toutes ces espèces, indépendamment les unes des autres, ont au cours de l'évolution multiplié leurs gènes IFN pour donner une grande diversité d'interférons différents et nous avons montré qu'ils réagissent tous avec un même récepteur fixé chez un ancêtre amniote. Cette multiplication et cette diversification des gènes montrent l'importance des IFNs dans la lutte contre les virus qui ont accompagné l'expansion des oiseaux et des mammifères. Nous nous intéressons depuis longtemps à la signification cette diversité des interférons de type I qui ne comprend pas moins de 15 éléments chez l'homme".
L'interféron, un enjeu médical et économique
L'interféron est actuellement utilisé pour le traitement de certaines maladies infectieuses et tumorales et représente déjà un marché considérable de l'ordre de six milliards de francs. Cependant, de nombreux problèmes restent posés pour une utilisation optimale de cette molécule. Son activité entraîne des effets secondaires toxiques, en particulier pour le système nerveux central, et un traitement à long terme sélectionne souvent l'émergence de souches virales résistantes. Des recherches fondamentales sont donc nécessaires afin de comprendre avec précision les étapes biochimiques conduisant à l'effet recherché. C'est dans ce contexte porteur d'un point de vue médical et économique que s'inscrivent les projets de recherche de la nouvelle équipe montpelliéraine.
Les projets de recherche
Le groupe "Contrôle de l'expression génétique par les interférons et les oligonucléotides synthétiques"
Bernard Lebleu et son équipe s'intéressent depuis plus de 20 ans au mécanisme d'action des interférons en tant que modèle de régulation de l'expression génétique dans les cellules eucaryotes.
Le programme de recherche sur la régulation de l'expression génétique par les IFNs mené entre autres par Catherine Bisbal (CR1-INSERM) et Tamin Salehzada (MC-UMII) comporte deux volets :
- l'identification et la caractérisation de nouveaux gènes humains régulables par les IFNs, le répertoire des gènes régulables par les IFNs demeurent en effet incomplet.
- la poursuite de l'identification et de la caractérisation des composants de la cascade métabolique (système 2-5A/RNaseL). Les mécanismes par lesquels le système 2-5A/RNaseL entraîne la dégradation préférentielle des ARNm viraux dans les cellules infectées ainsi que celle de certains ARNm cellulaires sont encore mal compris.
Plus récemment, le groupe de Bernard Lebleu a développé un second axe de recherche sur la modulation de l'expression des gènes viraux et cellulaires par des oligonucléotides de synthèse.
Menés par Ian Robbins (MC-UMII) et Eric Vives (MC-UMII), les travaux visent essentiellement à concevoir de nouvelles stratégies de régulation de l'expression génétique par des oligonucléotides antisens ou par des oligonucléotides formant triple hélice. Parallèlement, l'équipe s'intéresse aux problèmes posés par la compartimentalisation intracellulaire des oligonucléotides antisens et à la mise au point de vecteurs favorisant leur capture par les cellules.
Le groupe "Structure, fonction et évolution des récepteurs cytokines"
Gilles Uzé, Georges Lutfalla (DR2-INSERM) et Knud E. Mogensen (DR2-INSERM) s'intéressent aux problèmes de communication biologiques assurées par les cytokines. Les actions des cytokines passent par l'intermédiaire d'une famille de récepteurs cellulaires. Ces dernières années, l'équipe a montré que le récepteur des interférons alpha et bêta est composé des protéines transmembranaires ifnar1 et ifnar2. La structure de leurs domaines extracellulaires indique que ces deux molécules appartiennent à la classe II de la famille des récepteurs de cytokines. Les chercheurs ont cloné les gènes IFNAR1 et IFNAR2 et ont cartographié sur la molécule d'interféron les domaines d'interaction avec le récepteur. L'équipe s'attache actuellement à déterminer au niveau atomique la nature et la dynamique de ces interactions et à comprendre comment elles régulent les activités enzymatiques des tyrosines kinases de la famille JAK utilisées dans la transduction des signaux apportés par les interférons.
A moyen terme, les recherches développées dans le cadre de la nouvelle unité formée tourneront autour des quatre axes suivants :
- étude des relations structure-fonction des IFNs de type I et création de nouveaux sous types d'interféron par évolution moléculaire in vitro de la famille des gènes codant pour les interférons alpha, bêta et oméga,
- étude des relations structure-fonction des composants ifnar1 et ifnar2 du récepteur des interférons,
- étude de la dynamique de la formation et de l'activation des complexes interféron-récepteur,
- évolution, analyse génomique et fonctionnelle du complexe de gènes GART-récepteurs de cytokine dont font partie les composants ifnar1 et ifnar2 du récepteur des interférons de type I.
Les travaux menés par l'EP 2030 participent à une meilleure connaissance de la molécule d'interféron et sont riches d'applications biomédicales potentielles avec notamment le développement de stratégies antisens et de nouvelles molécules d'interférons douées d'activités biologiques particulières. Avec son installation prochaine à la Faculté des Sciences de Montpellier, où elle bénéficiera de 600 m2 de laboratoires et d'un environnement scientifique pluridisciplinaire, la jeune équipe compte développer avec un maximum d'efficacité les projets de recherche en cours et démarrer de nouveaux thèmes avec le recrutement de chercheurs statutaires, post-doctorants et étudiants.
V. CROCHET
(*) Il existe un interféron de type II découvert plus tardivement mais dont le rôle est principalement un rôle de modulation de la réponse immunitaire.
Contact :
Gilles Uzé