Novembre 1999 - n°42

L'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale - Partie IV / IV

Suite et fin de notre enquête consacrée à l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale, ce dernier article nous plonge dans le quotidien de la Division Criminalistique C.

Au cœur de son actualité : la performance des analyses et la fiabilité des interprétations réalisées par ses quatre Départements : Biologie, Toxicologie, Anthropologie et Entomologie.

Le Département Biologie : des traces biologiques à l'identification du patrimoine génétique...

Le Département Biologie de l'I.R.C.G.N. vise à l'identification des individus suspects par l'analyse de traces biologiques détectées sur la scène d'un crime ou d'un délit.

Des indices de diverses natures retiennent alors toute l'attention des enquêteurs : une tache de sang retrouvée sur les lieux d'un meurtre, un échantillon de sperme prélevé après un viol, des cheveux arrachés sur un assaillant, un tissu humain retrouvé sur un véhicule après un accident avec délit de fuite ou un squelette (ossements, dents)...

Débute ensuite une véritable traque à l'information.

Il s'agit en effet de déterminer la nature de la trace (s'agit-il de sang ou de jus de fruit ? est-ce du sperme ou non ?) ; puis, de s'assurer dans un second temps que la trace est d'origine humaine ou animale et d'en définir le groupe sanguin... tout ceci faisant appel aux techniques d'analyses immuno-enzymatiques.

Enfin, phase capitale de l'étude : l'individualisation de la trace est aujourd'hui rendue possible par typage génétique. A cet effet, l'IRCGN s'est doté de matériel de pointe, tout particulièrement pour le séquençage de l'ADN mitochondrial et l'analyse par PCR (" Polymerase Chain Reaction ", qui

permet d'obtenir plusieurs millions de copies d'un seul fragment d'ADN).

Les profils génétiques des échantillons prélevés sur les scènes de crime sont comparés à ceux obtenus à partir du sang de la victime et du ou des suspect(s).

Ainsi, le typage génétique ouvre-t-il une voie nouvelle en criminalistique dans l'administration de la Preuve ; une preuve aussi absolue que celle des empreintes digitales...

La Toxicologie médico-légale et l'analyse de stupéfiants...

Au sein du Département Toxicologie, deux grands domaines d'activité prédominent :

1/ La toxicologie médico-légale qui intervient dans le processus de recherche des causes de la mort. La tâche de l'analyste consiste alors à identifier et quantifier toute substance pharmacologiquement active dans les matrices biologiques - sang, urine, bile, liquide gastrique, cheveux...-, puis à interpréter les résultats.

2/ L'analyse de stupéfiants, dans divers liquides biologiques ou dans les cheveux.

la carte d'identité des substances incriminées est précisément définie , à savoir : la détermination de leur nature, de leur degré de pureté et des éventuels produits de couplage.

Les techniques analytiques utilisées diffèrent selon le type de toxiques et la matrice biologique considérés. Aussi, le Département dispose-t-il d'un parc instrumental particulièrement complet :

- CPG couplée à un détecteur à ionisation de flamme (FID) pour le dosage de l'alcool ;

- HPLC couplée à un spectromètre UV Visible à barette de diodes pour le screening de médicaments ;

- spectrométrie à mobilité d'ions (IONSCAN) et couplage CPG / SM pour le dépistage de stupéfiants ;

- techniques immunochimiques pour l'identification de ces mêmes composés dans l'urine.

L'identification des personnes : leitmotiv du Département Anthropologie...

" La Gendarmerie découvre en moyenne 2 cadavres par jour, soit plus de 700 par an. Certains peuvent poser des difficultés quant à l'identification ou la recherche des causes de la mort. L'examen du corps, des restes osseux et des dents ainsi que l'application de diverses techniques reconstructives ou restauratrices s'avèrent primordiales ", nous explique un technicien du département. " De cela, pourra en effet être extrait un signalement qui fera l'objet d'une diffusion auprès des enquêteurs, ou l'identification formelle d'un individu, ou encore l'émission d'hypothèses sur l'origine du décès... "

Maillon essentiel de ces recherches, le Département Anthropologie s'organise autour de trois activités principales :

1/ L'anthropologie légale, c'est-à-dire l'étude du squelette en vue de son identification.

Les méthodologies mises en œuvre s'appuient sur l'anthropologie physique (étude des différentes caractéristiques du squelette), la paléopathologie (étude des traumatismes ayant affecté l'os), la taphonomie (détérioration des os) et l'histologie (étude microscopique du tissu osseux).

2/ L'odontologie légale qui permet d'identifier un cadavre par les dents.

Sont, alors, précisément comparées les constatations post-mortem (extractions, prothèses, caries, amalgames...) et les renseignements ante-mortem disponibles...

3/ La thanatologie, soit l'étude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort ; et tout particulièrement :

- l'interprétation des traces de sang sur les scènes de crime ;

- la recherche de diatomées (algues microscopiques) pour la détermination du caractère vital d'une noyade et l'identification du lieu d'immersion ;

- la restauration de doigts ou de peau pour permettre la prise d'empreintes ou la mise en évidence de tatouages et cicatrices ;

- la restauration de visages sur pièces anatomiques ou sur photographies...

... autant d'opérations délicates faisant appel à l'expertise des scientifiques de l'I.R.C.G.N. dans les applications les plus atypiques de l'informatique, du dessin et de la sculpture.

Des " indics " nécrophages pour le Département Entomologie...

Le Département Entomologie étudie les insectes prélevés sur les cadavres en vue d'estimer le délai post-mortem ou de mettre en évidence un transport ou une manipulation

" La démarche scientifique est la suivante ", précise M. VIAN, chef du Département. " à compter de l'instant où un être vivant décède, son cadavre, source de nuisances aussi bien olfactives qu'épidémiologiques, sera systématiquement éliminé par l'attaque d'insectes nécrophages ".

Ce principe étant, l'intérêt de l'entomologie légale repose sur le fait que les 140 espèces nécrophages ne vont pas agir de façon anarchique, mais au contraire, par des installations successives de colonies selon un ordre immuable et bien connu.

Ainsi, au jour de la découverte du corps, il suffit d'identifier les différents insectes s'y trouvant et de déterminer leur stade de développement pour pouvoir dater la mort.

Après prélèvement par les enquêteurs de tous les œufs, larves, insectes volants et rampants... autour et sur le cadavre, les échantillons sont donc triés, numérotés et divisés en deux lots. Les premiers sont tués par immersion dans l'alcool et immédiatement observés au microscope tandis que les seconds sont mis en culture.

Quelques jours plus tard, l'éclosion des insectes va permettre un nouvel examen microscopique qui, rapporté à l'analyse des conditions météorologiques antérieures à la découverte de la victime, viendra confirmer la première estimation du délai post-mortem... une méthode qui a incontestablement fait ses preuves, puisqu'elle a été mise en évidence dès le XIXème siècle.

C'est ainsi, d'ailleurs, que pourrait se résumer l'atout majeur de l'équipe de l'I.R.C.G.N. : maîtrise de savoir-faire traditionnels et adaptation aux exigences actuelles de l'enquête criminelle, le tout couplé aux moyens analytiques les plus modernes.

Plus de 170 personnes collaborent aujourd'hui au sein de l'Institut sur plus de 3000 m2, une superficie déjà impressionnante, mais qui devrait encore connaître de nouvelles extensions, proportionnelles au développement des activités. L'adjonction de locaux supplémentaires est en effet d'actualité pour atteindre d'ici peu le double de cette surface.

Un grand merci à M. VANDEN-BERGHE et à toute l'équipe de l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale pour le temps qui nous a été consacré et la qualité des informations transmises.

Contact :

Lieutenant Colonel ROUILLON
Chef de la Division Criminalistique C de l'IRCGN

 

Centre technique de la Gendarmerie Nationale
1 Bd Théophile SUEUR
93110 ROSNY SOUS BOIS Cedex

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