Novembre 1999 - n°42
TDS et PROTEINE Tat : de nouvelles armes contre le virus HIV-1
Le point sur les recherches menées par une équipe du CNRS à Marseille
Tat est une protéine virale essentielle pour l'expression des gènes viraux et la réplication du virus VIH-1. Elle est sécrétée par les cellules infectées par le VIH et, une fois dans le sang, est capable d'activer des cellules infectées éloignées et d'inhiber les cellules T cytotoxiques. La protéine Tat joue ainsi un rôle primordial dans la propagation de l'immunodéficience et elle est en outre directement impliquée dans des pathologies liées au sida, comme le sarcome de Kaposi. Pour toutes ces raisons, la protéine Tat est une cible intéressante pour l'obtention de nouveaux agents antiviraux.
Un laboratoire marseillais à la pointe de la recherche sur la protéine Tat
L'équipe du Dr. Erwann Loret, chercheur au Laboratoire d'ingénierie des systèmes macromoléculaires du CNRS à Marseille (UPR 9027 dirigée par le Pr. Lazdunski) travaille depuis plusieurs années sur la protéine Tat au sein de l'Institut de Biologie Structurale et Microbiologie. L'équipe marseillaise a obtenu des résultats de recherche prometteurs pouvant déboucher sur la mise au point de nouveaux médicaments antiviraux mais aussi sur la conception d'un vaccin contre le VIH-1.
TDS, une nouvelle famille d'agents antiviraux contre le sida
Avec le soutien financier de l'Agence Nationale de Recherches sur le Sida (ANRS), l'équipe dirigée par Erwann Loret a démarré en 1995 des travaux ayant pour objectif l'obtention d'un inhibiteur de la protéine Tat. Six variants de cette protéine -correspondant à des souches VIH-1 identifiées en Afrique, Amérique du nord et Europe- ont été entièrement synthétisés par voie chimique en phase solide. Ces six protéines synthétiques possèdent les mêmes caractéristiques physiologiques que les protéines natives à l'exception d'une qui est incapable d'entraîner la reproduction du virus. Des études structurales menées par résonance magnétique nucléaire sur l'un de ces variants a permis la modélisation d'une famille de ligands appelée TDS. La synthèse d'une dizaine de molécules TDS a été réalisée en 1997 à Nantes par Jacques Lebreton, chercheur au Laboratoire de synthèse organique du CNRS. Des essais in vitro effectués au sein de l'Institut de Recherche sur le Cancer de Lille et de l'Institut Pasteur de Paris ont montré que l'une de ces molécules -TDS1- était capable de se fixer de manière spécifique et irréversible sur Tat entraînant l'inhibition de son activité dans un modèle cellulaire humain. De plus, les tests ont montré que TDS1 était active sur les différentes protéines Tat identifiées et en particulier sur deux isolats africains sensiblement plus virulents que ceux d'Europe ou d'Amérique. Un brevet sur cette famille de molécules a été déposé par le CNRS et, avec le soutien de l'ANVAR, de la région Provence Alpes Côte d'Azur, de l'ANRS, du CNRS et le mécénat de la société Berroise de raffinage (filiale de la société des pétroles Shell), les recherches se poursuivent afin de développer un inhibiteur TDS à l'efficacité maximale avant de mettre au point une production de cette molécule en grande quantité. Cette étape franchie, des tests de toxicité devront être effectués avant d'envisager les premiers essais cliniques chez l'homme.
Tat synthétique, un vaccin contre le sida
Un des variants de la protéine Tat synthétisé par l'équipe du Dr. Erwann Loret est inactif mais possède des caractéristiques structurales similaires aux variants Tat actifs. L'épidémiologie montre que ce variant Tat provient d'une souche VIH-1 isolée à la fin des années 1980 chez un patient gabonais séropositif depuis de nombreuses années mais en parfaite santé. La protéine Tat défectueuse aurait empêché une évolution vers le sida déclaré mais, aurait également constitué une protection contre d'autres souches HIV-1. Un deuxième brevet a été déposé par le CNRS concernant l'utilisation de cette protéine Tat synthétique comme vaccin contre le VIH.
De réelles opportunités de développement industriel
Les trithérapies ont apporté une amélioration dans la lutte contre le VIH mais ne permettent pas l'éradication du virus chez les malades. Dans ce contexte, les travaux menés par le Laboratoire d'ingénierie des systèmes macromoléculaires apportent une réelle avancée scientifique dans la recherche sur le sida et la mise au point de nouvelles thérapies. L'exploitation des brevets sur TDS en tant qu'inhibiteur du VIH et sur Tat comme vaccin ainsi que le savoir-faire acquis par le laboratoire du CNRS sur la synthèse de cette protéine font l'objet actuellement de projets de partenariats avec de grands groupes pharmaceutiques. La création d'une entreprise dans le cadre de l'Incubateur du Grand Luminy est aussi envisagée.
V. CROCHET
Contact:
Dr. Erwann Loret