Septembre 2000 - n°50

Une nouvelle équipe en chimie sur le campus de Luminy (Université de la Méditerranée Aix-Marseille II)

Une partie de l'effectif de l'UPR CNRS 241 "Matériaux moléculaires" localisée à Thiais autour du Professeur Francis Garnier rejoint le Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy (ESA CNRS 6114) dirigé par le Professeur Robert Guglielmetti. Les activités du Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy portent essentiellement sur le développement des molécules photochromes, allant de la synthèse et la modélisation moléculaire aux applications en particulier par le biais d'importantes collaborations industrielles internationales. L'équipe de Francis Garnier est spécialisée dans la synthèse de semiconducteurs organiques et connaît une renommée mondiale dans son domaine avec de nombreux contrats avec les grands groupes de l'électronique.

Renforcer le pôle "Matériaux moléculaires et organiques" de Luminy

La délocalisation d'une partie de l'équipe parisienne s'inscrit dans une démarche synergique vue la complémentarité des travaux menés avec ceux du Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy. "L'installation de l'équipe de Francis Garnier, avec laquelle nous entretenions déjà de nombreuses collaborations scientifiques, va renforcer le pôle de recherche sur les matériaux moléculaires et organiques à Luminy " annonce Robert Guglielmetti qui est à l'origine de ce projet avec le Professeur Didier Raoult, précédent Président de l'Université de la Méditerranée. Grâce aux subventions allouées par Marseille Provence Métropole, la Région PACA, le Conseil Général, la Direction Régionale de la Recherche et de la Technologie, le CNRS et l'Université, 400 m2 de laboratoires et de bureaux ont été spécialement aménagés pour recevoir la nouvelle équipe de recherche, "un projet qui se monte au total à 3,2 MF d'investissement " précise Robert Guglielmetti. Le Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy disposait déjà d'un équipement de pointe - RMN, HPLC, diffraction des rayons X... - qui se trouve renforcé par de nouvelles acquisitions : spectrophotomètre d'absorption, spectrophotomètre d'émission, ensemble potentiostat galvanostat, ensemble de caractérisation photovoltaïque de semiconducteurs... L'intégration de la nouvelle équipe au sein du Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy donnera lieu à la création prochaine d'une UMR CNRS - Université de la Méditerranée Aix-Marseille II dont l'effectif s'élèvera à 21 permanents parmi lesquels 15 chercheurs et enseignants-chercheurs.

Les pigments photochromiques

Les molécules photochromes possèdent la propriété de changer de couleur lorsqu'elles absorbent de la lumière. "La lumière induit un réarrangement du squelette de la molécule qui voit son spectre d'absorption se déplacer vers les grandes longueurs d'onde, ce phénomène est réversible soit thermiquement, soit photochimiquement " résume Robert Guglielmetti. Le Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy possède une grande expérience dans ce domaine et maîtrise le développement de nouvelles molécules, les études de leur comportement photochromique, les méthodologies de leur synthèse ainsi que le volet modélisation moléculaire. Le but poursuivi est la mise au point de molécules photochromes toujours plus performantes. "Nos travaux portent sur les molécules photochromes seules mais aussi sur leur comportement une fois insérées dans des matrices de polymères, l'utilisation des pigments photochromiques implique en effet des matrices d'accueil pour réaliser des matériaux à transmission optique variable " explique Robert Guglielmetti. Aujourd'hui, l'utilisation majeure des composés photochromiques se rencontre dans la fabrication des verres ophtalmiques et de grands groupes industriels (Essilor International, PPG Industries ) ont déjà mis sur le marché des verres issus de leurs recherches menées en collaboration avec les chercheurs marseillais.

Parallèlement à ces travaux sur les molécules photochromiques, le Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy met à disposition ses compétences en modélisation moléculaire pour d'autres domaines d'activité (chimie, thérapeutique, cristallogénèse, composés énergétiques...)

Les semiconducteurs organiques

Francis Garnier et son équipe travaillent depuis une vingtaine d'années sur les semiconducteurs organiques, c'est-à-dire des polymères organiques susceptibles de remplacer le silicium dans la fabrication des composants. "Les semiconducteurs organiques présentent des avantages remarquables par rapport au silicium " précise Francis Garnier. Le silicium nécessite en effet une très haute température pour être un bon conducteur (800 à 1000 °C) et cette température importante entraîne des impératifs techniques avec notamment l'obligation d'utiliser des supports en verre de petite taille (inférieure à 25 cm). Les polymères organiques travaillent quant à eux à température ambiante, ce qui permet des innovations techniques puisqu'ils peuvent être utilisés sur des supports plastiques légers, souples et de grandes dimensions.

"Des écrans plats sur plastique souple que l'on peut plier et dérouler, l'affichage sur les pare-brise des voitures, des cartes à puce avec des circuits intégrés sur toute la surface de la carte sont des innovations rendues possibles grâce à la technologie des semiconducteurs organiques " énumère Francis Garnier. Rien d'étonnant donc à ce que l'électronique polymère, dont le premier exemple est issu du laboratoire de Francis Garnier en 1990, connaisse actuellement un développement important au Japon, en Europe et aux Etats-Unis. Cette thématique est soutenue depuis de nombreuses années par les industriels de l'électronique (Pioneer, Philips, IBM, Motorola...) qui consultent régulièrement l'équipe de recherche française pour connaître les progrès effectués dans ce domaine. Un autre axe de recherche du laboratoire de Francis Garnier consiste à développer, en collaboration avec un industriel de la biologie, des puces à ADN où l'hybridation est détectée par un signal électrochimique avec une variation de courant proportionnelle au taux d'hybridation. "La lecture électrique est plus rapide et moins coûteuse que la lecture classique par analyseur d'image " précise Francis Garnier.

Des semiconducteurs organiques liés à des molécules photochromiques

La réunion des deux pôles de compétences en pigments photochromiques et semiconducteurs organiques permettra d'intensifier les travaux sur le développement de composés conjuguant semiconducteurs organiques et photochromes. Ces matériaux avancés, encore au stade de recherche et développement dans le monde, nécessitent la synthèse de photochromes substitués par une ou plusieurs entités thiophéniques et l'adaptation des structures moléculaires aux impératifs de polymérisation électrochimique. "L'utilisation de ces nouveaux composés est envisagée en optoélectronique pour la fabrication d'interrupteurs optiques, le photochrome jouant le rôle de photocommutateur ou switch optique " explique Robert Guglielmetti. Certains de ces nouveaux composés, déjà synthétisés par le Groupe de Chimie Organique et Physique de Luminy en collaboration avec la société Essilor, présentent également des propriétés photochromiques intéressantes pour les matériaux à transmission optique variable et ont fait l'objet de dépôts de brevets en 1999 - 2000.

"L'installation de l'équipe de Francis Garnier à Marseille va permettre le développement de nouvelles thématiques qui se situent aux interfaces de la chimie avec l'électronique et avec la biologie et donc jeter un pont entre des disciplines qui ont déjà montré leur excellent niveau dans l'UFR des Sciences de Luminy " conclut Robert Guglielmetti.

V. CROCHET

Contact :

Pr Robert Guglielmetti

 

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