Mai 2001 - n°58

LABORATOIRE DE POLICE SCIENTIFIQUE DE MARSEILLE: UTILISATION DE LA TECHNOLOGIE KINGFISHER POUR AUTOMATISER L’EXTRACTION D'ADN

 

PRESENTATION DU LABORATOIRE DE POLICE SCIENTIFIQUE DE MARSEILLE

Le laboratoire de police scientifique est installé depuis 1995 dans le 4ème arrondissement de Marseille. Il couvre une superficie de 2600 m2, déjà insuffisante compte tenu du développement intense de ses activités et est rattaché administrativement à la Sous-Direction de la Police Technique et Scientifique de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, Ministère de l’Intérieur.

Composé de fonctionnaires des corps actifs, scientifiques et administratifs de la Police Nationale, il a pour vocation de procéder aux examens et analyses scientifiques et techniques qui lui sont demandés par les magistrats du Parquet, les services de police et de gendarmerie (réquisitions sur articles 60, 74 et 77.1 du Code de Procédure Pénale) ainsi que par les magistrats de l’Instruction (ordonnances de commission d’experts sur articles 156 et suivants du CPP). Bien qu’il n’existe plus de limite de compétence territoriale, la majorité des dossiers traités par le laboratoire émane de services d’enquête de la région sud.

Le Laboratoire est placé sous l’autorité d’un directeur, de formation scientifique, assisté de deux chefs d’unité, respectivement de l’unité administrative et de l’unité scientifique.

L’unité scientifique comprend huit sections: les stupéfiants, la chimie-toxicologie, la physico-chimie, les incendies-explosions, la balistique, les documents, la section qualité-documentation scientifique et la biologie.

LA SECTION BIOLOGIE

La section Biologie du laboratoire de police de Marseille est composée de dix scientifiques et d’un administratif, auxquels se joignent des stagiaires de haut niveau en biologie moléculaire.

Le laboratoire de biologie est saisi de plusieurs centaines de dossiers chaque année.

La mission du groupe est l’étude des traces biologiques relevées sur les scènes de crime (homicides, agressions sexuelles, vols à main armée, identification de cadavres, filiations dans un cadre pénal...) afin d’en déterminer la nature (sang, sperme, salive, éléments pileux etc...) puis les caractères génétiques en vue d’établir (ou d’infirmer) leur appartenance à un individu de comparaison (victime ou suspect).

Les techniques à disposition des biologistes ont subi une véritable révolution dans les années 1990 grâce à l’introduction de la biologie moléculaire, permettant le passage de l’identification "groupale" à l’identification individuelle. En effet, avant l’analyse de l’ADN, seul le groupage sanguin, réalisé en routine sur les systèmes ABO et Rhésus, était susceptible d’apporter une indication quant à l’appartenance possible d’une trace biologique à l’individu présumé en être la source, avec toutes les réserves imposées par le faible pouvoir discriminant de la méthode.

Dans les années 1990, les premières analyses génétiques exploitent le polymorphisme de taille de l’ADN: certaines séquences sont connues pour leur variabilité inter-individus en nombre de motifs de base. Ces séquences sont isolées par une enzyme de restriction puis révélées spécifiquement à l’aide de sondes moléculaires (technique dite de RFLP). Le succès de la technique exigeait toutefois de l’ADN en grande quantité et de très bonne qualité, ce qui est rarement le cas s’agissant d’échantillons biologiques recueillis sur les scènes de crime.

Le véritable développement de la biologie médico-légale est imputable à l’introduction de la technique de PCR (Polymerase Chain Reaction), permettant la caractérisation génétique d’indices de très petite taille, voire partiellement dégradés, compte tenu de la possibilité d’amplifier (c’est-à-dire de reproduire à l’identique) les quelques molécules d’ADN extraites de l’indice. Compte tenu du nombre de loci amplifiables et de leur degré de polymorphisme, le pouvoir discriminant de la méthode est très grand (chance de coïncidence fortuite entre deux profils de l'ordre de 1 sur plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de milliards). En contre partie, la sensibilité de la technique exige un environnement qualité extrêmement rigoureux afin de lutter contre tout risque de pollution des échantillons par de l’ADN exogène. Dans ce sens, le laboratoire s’est doté d’une organisation à la fois structurale et de fonctionnement pour garantir la fiabilité de ses résultats.

PERSPECTIVES ET AXES DE DEVELOPPEMENT EN BIOLOGIE

L’une des priorités actuelles du laboratoire de Biologie est la mise en place de l'automatisation pour les étapes d'extraction et de quantification de l'ADN génomique des échantillons provenant de scènes de crimes et des prélèvements de comparaison.

Aujourd'hui, la préparation de l’étape d’amplification et le traitement des produits amplifiés préalablement à leur analyse par électrophorèse capillaire (Perkin Elmer Biosystems: ABI 310) est entièrement automatisée.

En ce qui concerne l’extraction de l’ADN et sa quantification, les protocoles utilisés en routine font actuellement appel à une succession d’étapes manuelles longues et répétitives (extraction organique ou en résine Chelex — quantification par hybridation avec une sonde humaine spécifique). L’automatisation de ces étapes permettrait ainsi de supprimer les risques imputables au facteur humain dans la réalisation des purifications manuelles et d'améliorer la reproductibilité. Mais il existe d'autres facteurs importants comme une meilleure traçabilité et l'accès à un débit de traitement plus important.

En effet, la mise en place du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) entraîne un surcroît d'échantillons à traiter par les laboratoires de police scientifique. Cette base de données nationale est destinée à contenir le profil génétique des individus reconnus coupables d’infraction sexuelle d’une part, et celui des indices anonymes recueillis dans le cadre d’infractions de même nature d’autre part. En ce qui concerne les individus, elle est alimentée actuellement à partir des échantillons parvenant au laboratoire sous forme de prélèvements buccaux essentiellement, réalisés sur cytobrosses ou écouvillons. Leur format standard rend donc facilement automatisable leur exploitation biologique.

Dans cette perspective, l'équipe de Mme Sylvie FRACKOWIAK (responsable de la section biologie), en collaboration avec M. Benjamin PESQUIER de la société FOVEA, a mis en œuvre l'évaluation d'un nouvel équipement, commercialisé par ThermoLabsystems: le KingFisher. Cet appareil est un processeur de particules magnétiques d'un concept tout à fait original: des billes magnétiques, chargées positivement et donc capables de fixer l'ADN, sont incubées avec les cellules provenant de l'échantillon à caractériser et homogénéisées dans un tampon de lyse. L'ADN, relargué dans le surnageant par les cellules lysées, s'adsorbe alors sur les particules magnétiques. Après capture de l'ADN, les billes sont ensuite transférées aux tubes suivants, par l'intermédiaire d'un barreau aimanté, pour les étapes de "lavage" (élimination de contaminants éventuels comme les protéines ou l'ARN). La dernière phase du protocole consiste en l'élution de l'ADN dans un petit volume de tampon (50 à 100 µl). Cet éluat pourra ensuite être conservé à 4°C ou congelé et quelques microlitres seulement seront nécessaires pour une PCR.

Ce mode de purification, par transfert des billes et non par élimination des liquides (Figure 1), présente plusieurs avantages qui ont pu être mis en évidence lors de cette évaluation1:

- Il limite la contamination par "carry-over" d'une étape à l'autre et permet ainsi d'obtenir des produits d'une grande pureté.

- Cette contamination étant réduite, les lavages sont plus efficaces, ce qui, couplé à une meilleure dynamique réactionnelle, engendre des temps de purification très courts pour chaque série d'échantillons (environ 16 minutes pour 15 échantillons traités en simultané).

- Aucune contamination croisée (inter-échantillons dans une même série, et entre séries successives) n'a été mise en évidence, ce qui représente une garantie non négligeable compte tenu de l'impact du résultat.

- La qualité de l'ADN extrait (longueur des fragments) a été visualisée après migration sur gel d'agarose. Celle-ci a révélé un ADN de haut poids moléculaire (la dégradation est fortement limitée contrairement aux protocoles faisant intervenir de nombreuses étapes de centrifugation). Ce paramètre est essentiel pour diminuer le risque d'amplification préférentielle des fragments de taille inégale et les phénomènes "d'allelic drop-out".

- La compatibilité avec l'analyse de séquences STR (Short Tandem Repeats) a été prouvée par l'exactitude des profils génétiques obtenus, tous parfaitement interprétables et identiques à ceux obtenus à partir des techniques d’extraction conventionnelles.

Ayant répondu aux exigences du laboratoire dans le cadre du traitement des échantillons de comparaison, le système de bio-séparation magnétique KingFisher est maintenant utilisé en routine pour les prélèvements buccaux effectués sur des individus. Sa rapidité, sa souplesse d'utilisation ainsi que son faible encombrement a suscité un intérêt tout particulier tant sur le plan de la performance qu'au niveau des coûts d'achat et de fonctionnement, considérablement réduits en comparaison aux plates-formes complètes.

Cet appareil compact et économique permet, de plus, d'envisager la multiplication des postes pour des applications distinctes. En effet, l'une des perspectives du laboratoire est à présent d'étendre l'étude au traitement des échantillons critiques recueillis, le plus souvent, à l'état de traces sur la scène de crime et susceptibles de contenir de faibles quantités de matériel génétique (sang, sperme, bulbes de cheveux, mégots de cigarettes, ...).

Contacts:

Laboratoire de La Police Scientifiqu
M. COIFFAIT, Directeur
Mme Sylvie Frackowiak

Société FOVEA
M. Benjamin PESQUIER

 

Retour aux archives de la gazette du LABORATOIRE