Novembre 2001 - n°62
Léquipe Chimie des Surfaces de lUniversité Paris VI
Les pionniers de la RMN du xénon
Créé initialement à la Sorbonne par le Professeur Jacques FRAISSARD, puis installé dès 1970 au sein de lUniversité Pierre et Marie Curie, le Laboratoire de Chimie des Surfaces constitue aujourdhui lune des équipes du Laboratoire des Systèmes Interfaciaux à lEchelle Nanométrique (SIEN) que dirige Antoine GEDEON.
Ses activités sont étroitement liées à lhistoire et au développement des applications de la Résonance Magnétique Nucléaire, en particulier de la RMN du xénon pour létude des solides microporeux.
Maintenant utilisée dans le monde entier, cette technique reste lun des sujets phares du Laboratoire de Chimie des Surfaces, qui poursuit son optimisation dans le cadre de létude des mécanismes réactionnels en catalyse hétérogène.
RMN-Xe, RMN-H et super-acides solides : trois axes historiques des recherches conduites par léquipe Chimie des Surfaces
La RMN du Xénon - Pourquoi le xénon 129 ?
" Prenez de la pâte à modeler qui soit capable de rebondir et lancez-la sur un mur. Que voyez-vous sur la pâte ? Toutes les imperfections du mur. Or, à léchelle atomique, cest exactement la même chose. La perturbation de lenvironnement électronique du xénon utilisé comme sonde reflète linteraction avec la cible quelle que soit sa nature ".
Ainsi résumée par le Professeur FRAISSARD, la RMN du xénon semble dune très grande simplicité. Sans doute est-ce dû au fait que lidée de lapplication de cette technique au xénon a germé dans ce laboratoire, il y a une vingtaine dannées.
Chimiquement, le xénon 129 est un atome presque totalement inerte. Il possède un spin nucléaire _ facilement détectable par RMN et un nuage électronique très volumineux, donc sensible à toute perturbation. Doù, lidée du Pr. FRAISSARD dinstaller cet atome dans un système où il va " se cogner la tête contre les murs " et dinterpréter les modifications de son environnement électronique.
" Il sagissait alors de parvenir à caractériser les micropores des zéolithes, solides dune grande importance industrielle utilisés en particulier comme catalyseurs en pétrochimie ", explique-t-il.
On disposait déjà de nombreuses techniques pour caractériser des pores de diamètre supérieur à environ 20 angströms ; mais aucune dentre elles ne permettait de travailler sur des pores de 5 à 10 angströms, comme ceux que lon observe dans les zéolithes.
Le sujet méritait dautant plus quon sy intéresse que les zéolithes représentent aujourdhui un marché de plus de 2,5 milliards de dollars par an et jouent un rôle majeur dans la pétrochimie, dont le marché est estimé à 5500 milliards de dollars par an
Des recherches étroitement liées aux collaborations avec les géants de la pétrochimie
" Tout a commencé par une recherche bibliographique menée à ma demande par un japonais, Taro ITO, venu faire un post-doc dans mon laboratoire ", poursuit Jacques FRAISSARD.
Sen suivent les premiers contacts avec lIndustrie : des collaborations avec le groupe américain Union Carbide -qui synthétise à lépoque une zéolithe nouvelle presque tous les mois-, auxquelles succèdent de nombreux autres partenariats de recherche, notamment avec les américains Exxon, Mobil et Chevron, mais aussi en France avec Total, Shell France, Elf et lInstitut Français du Pétrole (IFP).
" Il est évident quà partir du moment où vous travaillez sur ce type de solides, pierres fondamentales de la catalyse solide, les industriels sintéressent beaucoup à vos travaux ", constate M. FRAISSARD.
Aujourdhui, la RMN-Xe, généralisée à tous les solides micro et mésoporeux ainsi quaux polymères solides, est utilisée quotidiennement dans le monde entier. Pour autant, les chercheurs de léquipe Chimie des Surfaces (dont M.A. SPRINGUEL-HUET, J.L. BONARDET, A. GEDEON...) poursuivent son optimisation, en particulier dans le cadre de la diffusion en catalyse hétérogène.
Imagerie RMN-H : là encore parmi les pionniers
Léquipe du Pr FRAISSARD na de cesse de développer de nouvelles techniques physico-chimiques permettant détudier la surface des solides et les interactions solides gaz. Pionnier de la RMN du xénon, elle lest également dans le domaine de la RMN du proton appliquée aux catalyseurs, et ce depuis 1957.
" Récemment, nous sommes parvenus à observer par imagerie RMN-H le comportement et la distribution de plusieurs gaz à lintérieur dun système, et à déterminer leur coefficient de diffusion ; résultats qui navaient jamais été obtenus jusquà présent ", résume le Professeur FRAISSARD.
Les super-acides solides, pour une alternative aux composés benzéniques jusqualors utilisés dans les essences
A une époque où la protection de lenvironnement est devenue une priorité, les super-acides solides intéressent énormément la communauté scientifique et industrielle.
Depuis la suppression du plomb dans les essences, les composés benzéniques employés en grandes quantités se sont eux aussi révélés toxiques. Doù la décision des Américains, et bientôt vraisemblablement des Européens, de supprimer ces benzéniques dans deux ou trois ans. La solution ? Les remplacer par des hydrocarbures saturés méthylés.
Là, simpose alors loptimisation des réactions de méthylation, à travers lutilisation des catalyseurs super-acides. Plus acides que lacide sulfurique, ces composés permettent déviter les réactions parasites en travaillant à basse température ; ils savèrent cependant extrêmement dangereux pour les manipulateurs et lenvironnement lorsquils se présentent sous forme liquide. Ainsi, les super-acides solides sont-ils au centre de nombreuses recherches dans le monde entier.
Parmi ces recherches, se distinguent les travaux de léquipe Chimie des Surfaces de lUniversité Paris VI, et notamment ceux de P. BATAMACK -lauréat de la Division catalyse de la Société Française de Chimie-, conduits en collaboration étroite avec laméricain George A. OLAH, prix Nobel de Chimie en 1994 (Université de Californie du Sud, Los Angeles).
Léquipe Chimie des Surfaces aujourdhui
Elle compte près de 40 personnes, sous la direction scientifique de Jacques FRAISSARD et dAntoine GEDEON. Sept grandes orientations guident ses activités de recherche :
- la mise au point dune échelle dacidité des solides, des non-acides aux super-acides
- la synthèse et la caractérisation des solides super-acides.
A linstar des thématiques de recherche développées par son équipe, le Laboratoire sest équipé de nombreux équipements de caractérisation physico-chimique : spectromètres RMN pour solide (400 MHz et 300 MHz) - spectromètre RMN à basse température (4K) - spectromètre IRFT - appareillage automatique dabsorption / désorption physique - appareillage automatique de chimisorption, TDP, TRP, TOP fluorescence induite par laser.
Au-delà de cet important parc instrumental, léquipe peut également compter sur divers équipements communs à lUFR ou mis à sa disposition plus ponctuellement par ses partenaires, en fonction des collaborations établies.
De nombreuses collaborations françaises et internationales
Les collaborations scientifiques initiées par léquipe Chimie des Surfaces, sur lHexagone comme à linternational, demeurent très actives. Léquipe travaille ainsi avec de nombreux laboratoires universitaires français, mais aussi, allemands, belges, britanniques, américains, tchèques et coréens (Corée du Sud).
En termes de partenariats industriels, le Laboratoire de lUniversité Pierre et Marie Curie a su faire la preuve de son expertise. Shell France, Elf-Aquitaine, Institut Français du Pétrole, Total, Sintef (Norvège), DuPont de Nemours (USA), UOP (USA) comptent parmi ses collaborateurs les plus fidèles.
Une confiance à limage des récentes distinctions que le Professeur Jacques FRAISSARD sest vu décerner par la communauté scientifique internationale. M. FRAISSARD a en effet été lauréat de lAcadémie des Sciences en 1998 et élu Docteur " honoris causa " de lUniversité Centrale de Kiev, lannée dernière.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à joindre directement le Professeur Jacques FRAISSARD : jfr@ccr.jussieu.fr ou à contacter la Maison Européenne des Technologies - Université Paris VI, qui a réalisé un reportage sur léquipe Chimie des Surfaces dans son magazine " La Vitrine des Laboratoires de lUniversité Pierre et Marie Curie ", en août 2001.
Françoise MULLER, Maison Européenne des Technologies