Février 2002 - n°65

PORTRAIT…
Institut Curie, Paris : Olivier DELATTRE conjugue recherche et activité hospitalière sur son domaine de prédilection : la génétique

" Passionné " : tel est sans doute le meilleur qualificatif pour décrire Olivier DELATTRE.
A la fois responsable de l’Unité de génétique somatique au sein du service hospitalier de l’Institut Curie et directeur de l’Unité INSERM " Pathologie moléculaire des cancers ", ce chercheur de 44 ans mène de front pédiatrie et génétique oncologiques.
Ses travaux en biologie moléculaire s’imposent au premier plan de la recherche internationale, positionnant l’Institut Curie comme centre de référence pour le diagnostic moléculaire des neuroblastomes et des sarcomes pédiatriques. Déjà lauréat de nombreux prix, il s’est vu remettre en 2001 le prix Raymond-Rosen, d’un montant de 15 245 euros (100 000 francs), pour l’ensemble de ses travaux en pédiatrie.
Motivation première de M. DELATTRE : comprendre le mécanisme de développement des tumeurs de l’enfant, afin de proposer de nouvelles thérapeutiques.

Entre pédiatrie et recherche, son cœur balance

La première vocation d’Olivier DELATTRE était d’être pédiatre en cancérologie. Mais dans les années 80, alors que son intérêt pour la recherche va croissant, le monde scientifique connaît une grande émergence de connaissances sur le cancer avec la découverte des oncogènes. Il effectue alors un premier passage à l’Institut Curie dans l’équipe de Gilles THOMAS, puis part à Strasbourg dans celle de Pierre CHAMBON - deux équipes de premier ordre dans l’étude de la génétique des tumeurs et de biologie moléculaire.
Hésitant toujours entre pédiatrie et recherche, il soutient sa thèse de médecine puis, un an après, son doctorat de sciences. Mais très rapidement, il doit se rendre à l’évidence : il ne peut combiner ces deux activités. Son choix se porte alors sur l’étude des tumeurs de l’enfant.
Dès 1991, alors qu’il vient d’être promu chercheur à l’INSERM, il remporte son premier succès grâce à l’identification de la lésion à l’origine du sarcome d’Ewing.
" Il s’agit d’une fusion entre deux gènes, résultant d’une translocation chromosomique ", précise-t-il. " Une translocation qu’Alain AURIAS, également chercheur à l’Institut Curie, a d’ailleurs préalablement décrite ".
Deux ans plus tard, sur la base de ces résultats, Olivier DELATTRE débute une étude sur les cellules disséminées dans la moelle osseuse et dans le sang des patients atteints de cette pathologie. Au centre de ses préoccupations : le problème de la micrométastase, sujet méconnu à l’époque mais dont l’étude va peu à peu devenir un paramètre important en cancérologie.

L’Unité de Génétique Somatique, créée pour transférer les résultats des recherches à la clinique

C’est au cours de cette même année 1993 que le Département de transfert de l’Institut Curie, véritable passerelle entre la recherche et la médecine, invite M. DELATTRE à développer des outils de diagnostic clinique à partir de ses premiers résultats sur les translocations.
Peu après, afin de mettre sa découverte au service de la médecine, la section médicale de l’Institut Curie crée la première Unité de Génétique somatique française. M. DELATTRE en est nommé responsable, sous l’égide du Service hospitalier de génétique oncologique du Dr Dominique STOPPA-LYONNET.
Progressivement, l’Unité de génétique somatique élargit son rôle d’expert à l’ensemble des tumeurs solides. Chaque année, cette structure reçoit désormais de la France entière 500 à 600 prélèvements de tumeurs pour en effectuer le diagnostic. Conscient de la responsabilité que cela implique, Olivier DELATTRE avoue humblement que " sans même chercher à centraliser les choses, l’expertise acquise dans ce domaine par son équipe a fait d’elle l’unité de référence ".
En 1997, un nouveau sujet de recherche s’impose. Tout commence par une tumeur mal diagnostiquée que son équipe et lui-même reconnaissent finalement comme étant une tumeur rhabdoïde. Cherchant à comprendre la cause de cette erreur, l’équipe découvre bientôt un nouveau gène, caractéristique des formes familiales des tumeurs rhabdoïdes. Désormais, dans les cas où l’origine héréditaire de cette tumeur est mise en évidence, il est possible de proposer aux futurs parents un conseil génétique.

M. DELATTRE, également directeur de l’Unité INSERM " Pathologie moléculaire des cancers "

Rappelons qu’aujourd’hui, Olivier DELATTRE n’est pas seulement responsable de l’Unité de génétique somatique, mais aussi directeur de l’Unité INSERM " Pathologie moléculaire des cancers ".
Installée au sein de l’Institut Curie à Paris, l’unité 509 compte 25 personnes : essentiellement chercheurs INSERM, post-doctorants, thésards, ingénieurs et techniciens.
" Nos recherches reposent sur l’étude des anomalies du génome tumoral ", souligne M. DELATTRE. " Autour de cet axe directeur, nous développons à la fois des techniques globales d’étude de la structure des chromosomes des cellules tumorales ainsi que des techniques plus ciblées pour la recherche d’altérations fines de la séquence ou du niveau d’expressions de certains gènes. "
L’Unité INSERM U509 est dotée d’un parc instrumental des plus sophistiqués, alliant imagerie chromosomique, puces à ADN et méthodologies " classiques " de biologie moléculaire.
Entre autres matériels de pointe, citons : la cytogénétique moléculaire, en particulier le caryotype 24 couleurs, l’hybridation in situ fluorescente et des séquenceurs capillaires à haut débit, récemment acquis en partenariat avec l’INSERM et l’Institut Curie.
" Ces appareils nous offrent la possibilité d’étudier rapidement la structure de grandes régions chromosomiques au niveau de l’ADN tumoral et nous permettent la recherche de mutations au niveau de certains gènes spécifiques ", ajoute M. DELATTRE…

De nouveaux défis pour M. DELATTRE et ses équipes

Sarcome d’Ewing, tumeurs rhabdoïdes : Olivier DELATTRE poursuit aujourd’hui activement ses recherches sur ces sujets et s’intéresse en parallèle à d’autres pathologies.

Comprendre le neuroblastome :

Le neuroblastome, tumeur pédiatrique qui touche le système nerveux, impressionne beaucoup l’homme de sciences et de médecine qu’est Olivier DELATTRE.
" Elle a un comportement fascinant ", dit-il. " Chez l’enfant très jeune, elle développe parfois des métastases dans l’ensemble de l’organisme et disparaît, sans récidive, avec juste une faible dose de chimiothérapie. Mais le plus troublant est qu’a contrario, chez l’enfant un peu plus âgé, l’évolution n’est pas comparable et le taux de guérison est beaucoup plus faible. J’aimerais comprendre… "

Son équipe a d’ores et déjà mis en évidence des marqueurs d’intérêt pronostique ; des marqueurs particulièrement précieux pour les médecins de l’Unité de génétique somatique lorsqu’il s’agit d’optimiser le choix thérapeutique.

S’attaquer à la génétique des cancers du sein :

Depuis deux ans, Olivier DELATTRE s’intéresse à la progression tumorale des cancers du sein et s’implique dans l’étude des événements moléculaires qui permettraient de mieux caractériser ces tumeurs.
Cet ambitieux projet s’inscrit dans le cadre du Programme incitatif et coopératif " Génétique et biologie des cancers du sein " dont il est responsable avec Dominique STOPPA-LYONNET. Il espère ainsi, en collaboration avec le Département de pathologie dirigé par Xavier SASTRE, et d’autres chercheurs de l’Institut Curie, pouvoir s’attaquer à la génétique extrêmement complexe des cancers du sein, à l’aide des mêmes outils créés pour analyser les tumeurs pédiatriques et les sarcomes.
Selon Olivier DELATTRE, les prochaines années vont être décisives pour la cancérologie : " Nous entrons dans une période déterminante, enrichie par la découverte des altérations génétiques des tumeurs. Dans ce domaine, l’Institut Curie est en très bonne position. Nos connaissances devraient aboutir à de nouvelles thérapeutiques ; les traitements du cancer vont se faire tout en finesse avec des stratégies beaucoup plus ciblées. Dans cinq ou dix ans, notre vision du cancer en sera totalement modifiée ".

Contacts :
Catherine Goupillon
Service de Presse de l’Institut Curie

Olivier DELATTRE
Unité INSERM U509

sur les bases d’un article de Karine LAURE, publié dans le journal COMPRENDRE & AGIR (n°59) de l’Institut Curie.

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