Septembre 2002 - n°70
Une nouvelle Equipe Mixte INSERM - Université de la Méditerranée
dédiée à la Physiopathologie du Stress Pancréatique
La nouvelle EMI 0116 INSERM dirigée par Juan Iovanna, directeur de
recherche INSERM, a été créée dans le prolongement
de l’unité INSERM U 315 « Physiologie et Pathologie Digestives»
aujourd’hui dissoute. L’équipe récemment constituée
a rejoint le campus de Luminy (Université de la Méditerranée)
où elle développe des recherches sur le stress pancréatique.
Une thématique dans la lignée de l’ancienne unité
315 mais qui se concentre sur un seul organe, le pancréas, abordé
ici par les chercheurs marseillais comme un modèle d’étude
de la physiopathologie du stress cellulaire. Les travaux fondamentaux sur
les mécanismes activés par la cellule stressée dovent
déboucher sur la mise au point de nouveaux outils diagnostiques et
thérapeutiques de plusieurs pathologies importantes : maladies inflammatoires,
cancers digestifs et mucoviscidose.
Un mécanisme de défense contre
les agressions environnementales
Le comportement d’une cellule est en permanence contrôlé
par les informations qu’elle échange avec son environnement.
Les variations dans la nature et la concentration des signaux qu’elle
reçoit permettent une régulation fine de l’activité
cellulaire. Lorsque ces signaux sortent des limites physiologiques, la cellule
doit gérer un déséquilibre de régulation appelé
stress cellulaire. La réponse à ce stress est un mécanisme
protecteur nécessaire à une défense optimale de la cellule.
Le programme de défense aboutit soit à une réponse positive
de la cellule qui contrecarre l’attaque environnementale, soit, en cas
d’échec, à l’apoptose pour protéger les cellules
environnantes. Le stress cellulaire intervient dans la plupart des situations
pathologiques et concerne toutes les cellules de l’organisme à
des stades divers : plus les cellules sont potentiellement dangereuses pour
l’organisme, plus ce système de défense est évolué
et sophistiqué. La cellule pancréatique entre dans cette catégorie,
«bourrée d’enzymes digestives, son potentiel de toxicité
pour l’organisme est sans égal» assure Juan Iovanna,
«de plus, il s’agit d’une cellule épithéliale
très différenciée, sécrétoire, soumise
à une régulation hormonale complexe et elle doit par conséquent
être capable de mettre en place un programme de défense élaboré».
La cellule pancréatique est donc un modèle de choix pour étudier
les voies de régulation de la réponse au stress et l’équipe
marseillaise a entrepris l’étude systématique des protéines
de stress pancréatique. Les chercheurs, par le séquençage
d’une banque d’ADNc de pancréas en cours de pancréatite
puis par la technique des puces à ADN, ont répertorié
environ 150 gènes associés au stress cellulaire. «Nous
focalisons nos travaux sur une dizaine d’entre eux dont nous éluciderons
la fonction, la régulation et les mécanisme d’action»
précise Juan Iovanna, «nos expériences ont montré
que le rôle de ces gènes dépasse largement le cadre de
la pancréatite puisqu’ils sont actifs dans d’autres systèmes
cellulaires».
De nouvelles voies thérapeutiques
à venir
Au-delà des informations fondamentales obtenues sur le stress cellulaire,
les gènes et leurs mécanismes associés caractérisés
par l’équipe sont riches d’utilisations potentielles en
thérapie. En effet, identifiés à partir d’un système
particulièrement riche, la cellule pancréatique, ces gènes
peuvent être transférés par des outils génétiques
dans des cellules moins bien favorisées par l’évolution.
«Une thérapie génique venant renforcer le mécanisme
de stress cellulaire, par exemple dans le cas des maladies inflammatoires
de l’intestin, est envisageable» explique Juan Iovanna. A
l’opposé, l’inhibition du mécanisme de stress cellulaire
sera recherchée pour bloquer le développement de tumeurs, «les
cellules tumorales sont en général très résistantes
et expriment massivement les gènes de stress, l’inhibition de
leur activité devra nécessairement s’associer à
une diminution de la résistance cellulaire et à une augmentation
de la sensibilité aux traitements anti-tumoraux» confirme
Juan Iovanna. Dans le cadre des travaux menés sur les relations entre
stress cellulaire et cancer, l’équipe a «construit»
une souris à qui il manque un gène codant pour une protéine
impliquée dans la réponse au stress cellulaire de différents
tissus. Comme elle est surexprimée dans plusieurs cancers, les chercheurs
ont voulu savoir si l’expression de cette protéine était
nécessaire au développement tumoral. Le résultat est
particulièrement intéressant et a fait l’objet d’un
brevet et d’une publication dans EMBO reports [vol. 3; n°2; pp.165-170;
2002]. En effet, les expériences menées in vitro et in vivo
montrent clairement que le processus de cancérisation est impossible
chez les souris mutées. «Il semble que ce gène soit
nécessaire au processus de cancérisation, le but est aujourd’hui
de trouver un médicament qui bloque ce gène» s’enthousiasme
Juan Iovanna.
Des applications diagnostiques réelles
Ces applications thérapeutiques séduisantes nécessitent
encore de nombreuses années de recherches pour apparaître sur
le marché, mais des tests diagnostiques développés sur
la base des recherches du groupe sont déjà opérationnels.
L’entreprise biotechnologique marseillaise Dynabio exploite notamment
deux brevets concernant une protéine du stress pancréatique,
la Pancreatitis Associated Protein (PAP), déposés par l’INSERM
à la suite des travaux de l’équipe. Le test, commercialisé
sous le nom de PancrePAP, consiste en un dosage sanguin de cette protéine
dont le taux peut être multiplié par 100 en cas de cancer digestif.
«Ce kit est utilisé à des fins diagnostiques mais également
de suivi de traitement» précise Juan Iovanna. Une autre trousse
diagnostique MucoPAP est particulièrement d’actualité
puisqu’elle concerne le dépistage néonatal de la mucoviscidose,
une pathologie qui associe la souffrance organique des poumons et du pancréas.
En France, environ 200 enfants naissent chaque année atteints de cette
maladie héréditaire et la Caisse Nationale d’Assurance
Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) a donné son accord
pour une généralisation du dépistage néonatal
dans le but d’améliorer la prise en charge précoce des
enfants malades.
V. CROCHET