Octobre 2002 - n°71
Gros plan sur la station de biologie marine de
Concarneau
Fondée en 1859 en baie de La Forêt, dans le Finistère Sud,
par l’embryologiste Victor COSTE (Collège de France), la Station
de biologie marine de Concarneau est la plus ancienne Station de biologie marine
au monde. Elle a vu naître les débuts de l’embryologie marine
expérimentale et de l’aquaculture marine. Ainsi, l’ostréiculture
moderne utilise des techniques issues de ses travaux sur l’élevage
et la croissance des huîtres.
Dépendant du Muséum National d’Histoire Naturelle, la Station
de biologie marine de Concarneau est aujourd’hui dirigée par le
Professeur Dominique Doumenc. Elle fait partie du Réseau national des
stations marines et du «Réseau bleu» des stations marines
en Bretagne. Dans le cadre de projets européens, elle a établi
des liens avec les universités de Plymouth, de Birmingham en Angleterre
et de Tromsoe en Norvège.
À la fois centre de recherches fondamentales sur l’écologie
et la biodiversité marine et centre de recherches appliquées sur
les biotechnologies liées au milieu marin, la Station de biologie marine
occupe environ 2700 m2 sur 3 niveaux. À ces installations,
il faut ajouter les viviers (1500 m2) récemment rénovés
et destinés au stockage et aux expérimentations en pleine eau
sur les organismes marins.
Les laboratoires et annexes (salles et aquariums thermostatés, ateliers,
bibliothèques, salles de réunion et de conférence) occupent
au total 1800 m2 . Les équipes de recherche se composent de
11 chercheurs, enseignants chercheurs et ingénieurs relevant du MNHN,
du Collège de France, du CNRS, de l’INSERM ainsi que de 8 techniciens
et administratifs.
Des travaux de nature fondamentale …
Basées sur des techniques issues de la biologie moléculaire et
du génie génétique mises au point depuis plusieurs années
à la Station, les études menées à Concarneau visent
à caractériser différents facteurs contrôlant le
développement, la croissance et la spécialisation des cellules,
mais également à étudier les mécanismes d’actions
associés et l’évolution des structures et des fonctions
correspondantes.
Les travaux s’articulent autour des grands thèmes suivants :
- Évolution et adaptation moléculaires (A. Van Wormhoudt et D.
Sellos, CNRS) : dans le cadre de ce programme mené en relation avec L’IFREMER,
les recherches portent sur la digestion, le contrôle de l’expression
des enzymes digestives et l’organisation des gènes chez les mollusques
et crustacés. L’existence d’hormones et de facteurs de croissance
lors de la mise en place du tube digestif et du pancréas chez les crustacés
a pu ainsi être mise en évidence. Les scientifiques s’intéressent
également à l’évolution et à la génétique
des poissons (espèces de grands fonds, stocks).
- Biominéralisations (M. Fouchereau-Peron, INSERM, et M. Giraud, MNHN)
: la mise en place des structures calcifiées est étudiée.
Les travaux réalisés étudient les caractéristiques
de l’accrétion osseuse en travaillant sur la formation de la nacre
chez l’ormeau (Haliotis tuberculata) et sur la destruction osseuse chez
le congre et l’anguille lors de la période de maturation sexuelle.
Ces deux équipes sont incluses dans l’unité Biologie des
Organismes Marins (BOME) associée au CNRS
… et des recherches d’intérêt
biotechnologique direct
Sous la direction de M. Yves Le Gal, Sous-Directeur au Collège de France,
la Station coordonne des programmes internationaux dans le domaine de la valorisation.
La chimie des substances naturelles d’origine marine connaît en
effet un développement important, en raison de l’originalité
structurale des molécules isolées et de leur grande diversité
d’activités biologiques. Leurs applications peuvent être
nombreuses en pharmacologie, en aquaculture, en cosmétologie ou en agroalimentaire.
Le site de Concarneau, qui permet la récolte d’organismes par chalutage
à des profondeurs de 600 à 800 m au-delà du plateau continental
et l’archipel de Glénan situé à proximité,
est d’une grande richesse en organismes peu ou pas étudiés
sur le plan chimique ; le site bénéficie donc d’une situation
exceptionnelle.
Extraction de biomolécules
La station explore la possibilité d’obtenir des substances
biologiquement actives directement à partir d’organismes marins
ou à partir des sous produits de la pêche. En effet, moins de 50
% des captures réalisées par les pêches industrielles font
l’objet d’une consommation directe par l’homme. Les «déchets»
(viscères, squelettes, peaux) constituent une source très importante
de biomolécules, dont certaines possèdent des propriétés
particulières liées à leur origine. La Station valorise
par extraction, purification et par traitements biologiques ces masses rejetées,
afin de proposer aux industries des molécules actives utilisables, comme
les enzymes (pepsines) issues de l’estomac de petits requins (roussettes)
qui peuvent être utilisées lors des étapes préliminaires
de la fabrication du fromage. La Station s’attache à produire des
hydrolysats de différentes espèces de poissons ; Les conditions
de préparation permettent de conserver (ou de générer)
des séquences peptidiques (à partir des protéines) ou oligosaccharidiques
(à partir de polysaccharides) présentant des activités
biologiques intéressantes (activités de type hormonal, anti-oxydants,
etc…) susceptibles de trouver des applications dans le domaine de la nutraceutique,
de la cosmétique…
Effets antibiotiques du mucus
Le mucus produit continuellement par la peau des poissons a une structure
générale et une composition, qui jouent sans aucun doute un rôle
majeur dans les processus de défense contre les agressions. Les recherches
menées en collaboration avec le Laboratoire de chimie des substances
naturelles du Muséum, portent sur les effets antibiotiques de peptides
de la peau de diverses espèces de poissons.
Effets «antifouling»
Pour lutter contre la colonisation par des organismes vivants de surfaces
immergées en mer (comme les coques de bateaux), on utilise à ce
jour des biocides puissants, à base notamment de composés de cuivre
et d’étain, substances certes très efficaces, mais également
très toxiques vis-à-vis des invertébrés marins et
posant donc des problèmes écologiques. Or, de nombreux organismes
marins sont producteurs de substances présentant des activités
antibactériennes, antialgues, antisalissures, «antifouling»
(littéralement «anti-encrassement» !). L’étude
des substances actives élaborées naturellement par les espèces
à la Station de Concarneau permettra d’obtenir une peinture «antifouling»
non toxique pour les milieux.
Pour mener à bien ses diverses missions, la Station dispose d’un
important parc instrumental : centrifugeuses et ultracentrifugeuses, spectrophotomètres
UV-Visible, spectrofluorimètres, compteurs de radioactivités (beta,
gamma), électrophorèse, HPLC, etc… La Station possède
également des équipements plus spécifiques à la
biologie moléculaire (incubateurs, appareils PCR, séquençage
automatique d’ADN, électrophorèse capillaire…) et
investit régulièrement dans ce domaine.
La science à portée du public
Avec l’inauguration récente d’un Marinarium entièrement
rénové, la station de biologie marine de Concarneau a donné
un nouvel élan au programme de restructuration et de rénovation
de ses installations dédiées à la connaissance de la mer.
La rénovation des viviers, des locaux de recherche et du Marinarium a
été rendue possible grâce à un financement associant
des fonds européens, des subventions de l’Etat, du Département
du Finistère, de la Région Bretagne, de la Ville de Concarneau
et le mécénat d’entreprises (Daniel Jouvance, CMB), le Muséum
national d’Histoire naturelle ayant assuré la maîtrise d’ouvrage
du projet. Les nouveaux aménagements du Marinarium permettent ainsi au
public d’être en prise directe avec la recherche qui se pratique
dans la Station et de mieux connaître et comprendre la faune, la flore
et l’écologie du littoral régional. Une visite s’impose
…
CD
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