Novembre 2002 - n°72
Cherbourg : lutte contre la biocorrosion et la
biodétérioration
Depuis 1999, le laboratoire de Biocorrosion et Biodétérioration
des Matériaux, CRITT BNC lutte contre ces fleaux. Pour les industriels
français, leurs coûts représentent près de 2,8 milliards
d’euros de dégâts annuels.
La biocorrosion concerne actuellement 20 % des problèmes de corrosion
mondiaux et touche des domaines d’activité divers (voir l’encadré).
De nombreux industriels sont donc aujourd’hui confrontés à
ces questions et s’interrogent sur les solutions à mettre en œuvre.
Le laboratoire de Biodétérioration des Matériaux, créé
il y a trois ans au sein du CRITT BNC (Cherbourg, Basse-Normandie), apparaît
comme un interlocuteur idéal dans ce domaine. La recherche appliquée
est au cœur de son champ d’expertise. C’est une véritable
synergie de savoir-faire et de technologies que l’équipe cherbourgeoise
met chaque jour au service des industriels…
Vous avez-dit " biodétérioration
des matériaux " ?
La biodétérioration des matériaux fait référence
à tous les phénomènes de détérioration induits
par les micro-organismes, autrement dit tous les processus où les milieux
biologiquement actifs (bactéries, champignons, algues…) agissent
sur les matériaux, directement ou par l’intermédiaire de
leur métabolisme. « Un phénomène que tout matériau
immergé dans un milieu biologiquement actif est susceptible de subir…
«, indique Isabelle DUPONT, responsable du laboratoire de Biodétérioration
des Matériaux, CRITT BNC.
L’enjeu économique à l’échelle mondiale est
considérable. Le coût annuel estimé entre 5 et 10 % de l’ensemble
des dégâts causés par la corrosion, soit pour le seul territoire
français quelques 1,4 à 2,8 milliards d’euros. Un constat
sans appel, qui justifie de tout mettre en œuvre pour prévenir et
lutter contre la détérioration des matériaux en milieu
naturel !
Une vocation 100 % industrielle…
Le laboratoire de Biocorrosion et Biodétérioration des Matériaux,
fondé en 1999 au sein du CRITT Basse-Normandie Cherbourg, est né
sous l’impulsion de chercheurs passionnés : Isabelle DUPONT et
Georges NOVEL, conscients des problèmes générés
par la biocorrosion à l’échelle industrielle et convaincus
de l’intérêt de l’ étudier afin de mieux le
contrôler.
Le domaine d’expertise du laboratoire ? La microbiologie appliquée
aux processus de biodétérioration. Sa vocation première
? Répondre aux problèmes de l’Industrie.
" Les engagements pris vis-à-vis de nos clients reposent sur
une véritable démarche expérimentale ", explique
Isabelle DUPONT. " La prise en compte des problèmes de biocorrosion
tels qu’ils sont en situation réelle passe par la reproduction
des phénomènes observés sur site, dans le strict respect
des conditions de service".
Une recherche appliquée d’autant plus proche du terrain que
les milieux étudiés (matériaux, eau de mer, eau de port…)
ne sont en aucun cas reconstitués, mais bel et bien prélevés
sur site et utilisés tels quels.
De l’expertise à l’accompagnement de l’industriel jusqu’à
la mise en œuvre d’une solution efficace, le laboratoire du CRITT
BNC répond présent !
Savoir-faire et technologie
Les essais de corrosion, les suivis électrochimiques, les suivis microbiologiques
et physico-chimiques sont au centre des prestations développées
par le laboratoire de Biocorrosion et Biodétérioration des Matériaux.
Son parc instrumental regroupe les équipements les plus modernes dans
le domaine de la microbiologie et de l’électrochimie expérimentale.
La microscopie à épifluorescence et contraste de phase, le traitement
d’images informatique, la microscopie électronique à balayage,
la microbiologie en milieu stérile, l’expérimentation sous
atmosphère d’H2S, la conception de matériel expérimental
en condition de simulation… sont autant de technologies et de savoir-faire
que maîtrise au plus haut niveau le laboratoire bas-normand.
Car, soyons clairs : le plus grand atout de l’unité de Biodétérioration
des Matériaux, c’est avant tout le savoir-faire de son équipe
! Une équipe, spécialiste de la microbiologie et judicieusement
entourée de partenaires aux compétences tout aussi pointues dans
des disciplines complémentaires.
" La biodétérioration est un phénomène
complexe, impliquant des processus variés ", rappelle Isabelle
DUPONT. " Pour prétendre résoudre des problèmes
de détérioration des matériaux liés aux micro-organismes,
il est souvent nécessaire que soient mises en commun des connaissances
pluridisciplinaires, notamment celles des corrosionnistes, des microbiologistes,
des physico-chimistes et des mécaniciens ".
Partenariats scientifiques
Ainsi le laboratoire du CRITT BNC a-t-il engagé dès sa création
des collaborations suivies avec d’autres laboratoires spécialisés.
Certains sont aujourd’hui devenus de véritables partenaires scientifiques,
à l’exemple des laboratoires « Corrosion-Fragilisation-Hydrogène
« de l’Ecole centrale de Paris, « Biodiversité et Bactéries
Pathogènes émergentes « de l’Institut Pasteur, «
Etude de la Corrosion Aqueuse « (LECA) du CEA Saclay ou encore de l’équipe
« Essai Technologique de Corrosion « (LETC) du CEA La Hague.
Notons que ces relations avec la recherche fondamentale sont essentielles -
" fusionnelles ", pourrait-on dire. Car au-delà de l’encadrement,
dès 2003, de deux étudiants en thèse, c’est effectivement
l’intégration de trois chercheurs du CEA La Hague, dans le cadre
d’un accord de consortium avec l’université de Caen, que
le laboratoire de Biocorrosion et Biodétérioration des Matériaux
est en phase de concrétiser. " L’événement
est important, puisqu’il implique non seulement le CEA et notre laboratoire
au sein du CRITT BNC, mais aussi l’ERPCB, Equipe de Recherche de Physico-Chimie
et Biotechnologies, de l’université de Caen ", souligne
Isabelle DUPONT.
De cette collaboration tripartite, émergera d’ici à la fin
de l’année un nouveau pôle de recherche appliquée
: le CCMB pour Centre de corrosion marine et bactérienne. L’équipe,
toujours placée sous la direction d’Isabelle DUPONT, verra son
effectif doubler, jusqu’à atteindre une quinzaine de personnes.
De nouveaux locaux, spécifiquement aménagés pour le développement
de ses activités, devraient par ailleurs lui être attribué
sous trois ans, au cœur de la Cité de la Mer à Cherbourg.
SD
Les prestations du laboratoire du CRITT BNC
>Le test de biocides sur les matériaux vérifie que
les produits chimiques utilisés sont bien inertes vis-à-vis du
matériau et qu’ils n’altèrent pas ce dernier ;
> Le test de biocides sur les micro-organismes assure que les produits chimiques
utilisés sont efficaces sur la flore agressive pour les matériaux
;
> Le test du pouvoir biocide de certains revêtements contrôle
la toxicité de revêtements vis-à-vis de micro-organismes
ciblés ;
> Les analyses microbiologiques permettent de rechercher et d’identifier
les flores agressives pour le matériau ;
> La tenue des matériaux aux micro-organismes vise à tester
le comportement d’un matériau dans un milieu particulièrement
agressif (accélération des phénomènes de biodétérioration)…
" Cet accord de consortium nous permet d’avoir à disposition
une boucle d’eau de mer naturelle ouverte, avec la possibilité
de tester la tenue aux micro-organismes de matériaux métalliques
en circuit eau de mer à l’échelle 1…", explique
Isabelle DUPONT. "L’impact de bactéries sulfurogènes
sur les matériaux métalliques à quai, recouverts de peinture
ou d’une protection cathodique, constitue d’ailleurs aujourd’hui
l’un de nos grands axes de recherche, conduit en collaboration avec le
Port autonome du Havre et l’Ecole centrale de Paris", ajoute
la responsable du laboratoire.
Le Port autonome du Havre, mais aussi ceux de Saint-Nazaire, tout comme de nombreuses
sociétés telles que VIVENDI et EDF, travaillent aujourd’hui
en étroite collaboration avec l’équipe du CRITT Basse-Normandie
Cotentin…
Ils sont concernés par la biodétérioration
Nombreux sont donc les secteurs industriels concernés ; ceux-là
mêmes où les micro-organismes vivants ont été identifiés
comme vecteurs de dégradation :
>l’industrie pétrolière affectée au niveau des
puits d’extraction, des oléoducs, des plate-formes en mer…
>les installations portuaires telles que palplanches, portes d’écluses…
>l’industrie navale, la pêche ;
>la géothermie ;
> l’aérospatiale, notamment pour des problèmes de corrosion
microbienne dans des réservoirs de kérosène ;
> l’industrie nucléaire pour le stockage des déchets,
que ce soit en surface ou en site profond ;
> l’industrie agro-alimentaire ;
> l’industrie du traitement des eaux ;
> les centrales nucléaires en bord de mer (échangeurs, circuits
de refroidissement, circuits d’incendie…) ;
> et, de façon générale, toutes les installations qui
utilisent l’eau de mer…
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