Janvier 2003 - n°74
Le Laboratoire de Chimie
Bactérienne (LCB UPR 9043)
Le Laboratoire de Chimie Bactérienne (LCB) a été créé
dans les années 1960 par le Prof. JC Senez. Aujourd’hui Le LCB
est une unité propre de recherche du CNRS, comptant 67 personnes installée
sur le campus Joseph Aiguier dans l’IFR Microbiologie et Biologie Structurale.
Le LCB fait partie de la génopole marseillaise et entretient de nombreuses
collaborations avec l’ Ifremer, le CEA, le BRGM, l’ADEME, l’université
Aix-Marseille II, l’ INRA ainsi qu’avec des laboratoires étrangers.
Les 27 chercheurs statutaires du LCB, dont 8 sont enseignants chercheurs, dirigent
le travail de thèse de 13 étudiants de l’Université
de la Méditerranée.
Depuis une dizaine d’années, deux impératifs ont guidé
l’évolution du LCB : homogénéisation thématique
et attraction de jeunes chercheurs. Aujourd’hui, d’une part, les
onze équipes du LCB travaillent toutes sur des thématiques de
microbiologie procaryote, et, d’autre part, 5 chargés de recherche
(CR) CNRS, 4 maîtres de conférences (MdC) et 1 jeune professeur
ont été recrutés depuis 2001. Il est important de souligner
que 2 des nouveaux CR ont bénéficié d’une ACI du
Ministère pour leur installation tandis que CC Zhang, professeur, a bénéficié
d’une ATIPE Microbiologie. Cette évolution a donc particulièrement
bien consolidé le LCB en tant que centre de Microbiologie de référence
du CNRS. Maintenir une spécificité de recherche fondamentale en
microbiologie procaryote, promouvoir des ouvertures vers d’autres disciplines,
notamment dans le domaine de l’environnement, former et attirer de jeunes
chercheurs, seront les axes prioritaires des prochaines années.
Principes de la politique scientifique
Trois grands principes fondent le fonctionnement du LCB.
(I)" Ce qui est vrai de la bactérie, l’est aussi de
l’éléphant ".
Les bactéries modèles, Escherichia coli et Bacillus
subtilis, sont étudiées pour comprendre au niveau moléculaire
les processus fondamentaux du fonctionnement de la vie cellulaire. Une attention
particulière est donnée aux processus conservés à
travers les procaryotes et eucaryotes, permettant d’utiliser la cellule
bactérienne comme modèle d’étude pour les différentes
formes de la vie cellulaire.
(II)La biodiversité bactérienne apparaît être
illimitée.
Les recherches sur des bactéries présentant des capacités
physiologiques particulières sont favorisées. Ainsi, à
côté des bactéries modèles, des bactéries
pathogènes, des bactéries évoluant dans des conditions
extrêmes ou des bactéries marines sont étudiées pour
leurs propriétés spécifiques.
(III) Toute analyse s’enrichit de la diversité des points
de vue.
Les équipes du LCB ont toutes une expertise éprouvée
des approches génétique, moléculaire et biochimique de
la microbiologie. Cette maîtrise de leur champ particulier leur permet
de nouer des collaborations fructueuses avec des experts d’autres disciplines.
L’appartenance à l’IFR " Institut de Biologie Structurale
et Microbiologie " permet en particulier des collaborations efficaces avec
des équipes de chimistes, de structuralistes, ou de spectroscopistes.
A l’extérieur de l’IFR, des collaborations existent avec
des équipes de pathologie végétale, de biologie marine
et d’écologie.
Activités scientifiques
Axes verticaux : les systèmes bactériens
étudiés.
La diversité des systèmes bactériens étudiés
constitue l’axe vertical des recherches effectuées au LCB. Ainsi,
à côté des bactéries modèles, Escherichia
coli et Bacillus subtilis, les études portent sur une bactérie
marine, Shewanella massilia, une bactérie pathogène de plante,
Erwinia chrysanthemi, une bactérie pathogène de mammifères,
Escherichia coli O157, des bactéries douées de capacités
bioremédiantes, Acidothiobacillus ferrooxydans et Thiomonas, une bactérie
thermophile, Thermus thermophilus, et une cyanobactérie pouvant se différencier,
Anabaena.
Axes horizontaux : les thématiques.
Au-delà de la biodiversité des systèmes bactériens
étudiés, plusieurs thèmes fédérateurs émergent
comme autant d’axes horizontaux. De façon significative, ces thèmes
décrivent la plupart des grands processus physiologiques nécessaires
à la vie bactérienne.
(I)La régulation de l’expression génétique.
L’une des caractéristiques principales des bactéries
réside dans leur capacité à modifier leur métabolisme
en réponse à des changements de leur proche environnement. La
modification de l’expression génétique est le fondement
moléculaire de ces adaptations. Plusieurs équipes au LCB ont élu
cette thématique comme un axe fort de leur recherche : adaptation à
l’anaérobiose (Eq. V. Méjean), aux conditions de pH acide
(Eq. V. Bonnefoy), à la carence azotée (Eq. C.C. Zhang), à
la présence de drogues mutagènes (Eq. F. Denizot), à des
variations de source carbonée (Eq. A. Gallinier). Dans ce contexte, l’implantation
d’une plate-forme d’analyse du transcriptome au sein de l’IBSM,
réalisée en concertation avec Marseille-Génopôle,
facilite considérablement la mise en œuvre d’approches globales
par les différentes équipes du LCB.
(II)La maturation, le repliement et la sécrétion des protéines.
La capacité d’un polypeptide à devenir une protéine
implique le plus souvent une série d’étapes destinées
à contrôler son repliement, à lui permettre d’acquérir
des co-facteurs essentiels à son activité biologique, ou encore
à être adressé dans un compartiment spécifique. Ces
événements post-traductionnels sont l’objet d’étude
de plusieurs équipes du LCB : acquisition des centres fer-soufre (Eq.
F. Barras), acquisition d’un cofacteur à molybdène (Eq.
G. Giordano), rôle de chaperones spécifiques (Eq. V. Méjean,
Eq. G. Giordano et Eq. L.F. Wu), régulation par phosphorylation (Eq.
V. Méjean, Eq. C.C. Zhang, Eq. A. Galinier) et voies de réparation
des protéines oxydées (Eq. F. Barras). La compréhension
des mécanismes d’adressage implique l’étude du fonctionnement
des machineries permettant l’export des protéines hors du compartiment
de synthèse et l’étude des déterminants topologiques
portés par ces protéines. Deux équipes du LCB s’intéressent
à des systèmes d’adressage : étude de la voie de
translocation TAT (Eq. L.F. Wu) et étude de la voie de sécrétion
des facteurs de virulence (Eq. F. Barras). Il est notable que, contrairement
au dogme établi par G. Blobel qui prédit une exclusion mutuelle
entre repliement et translocation, les deux voies d’export étudiées
au LCB permettent l’adressage de protéines repliées.
(III)Le métabolisme.
Moteur interne de la cellule, l’ensemble des réactions
métaboliques produisent l’énergie nécessaire à
la vie bactérienne. Il s’agit d’un des sites de convergence
le plus fort du LCB : métabolisme azoté (Eq. C.C.Zhang), métabolisme
anaérobie (Eq. V. Méjean, Eq. G. Giordano), métabolisme
du fer et du soufre (Eq. V. Bonnefoy), métabolisme en conditions de carence
(Eq. P. Moreau, Eq. S. Dukan), et métabolisme carboné (Eq. A.
Gallinier).
(IV)La physiologie bactérienne.
L’analyse physiologique implique la compréhension des
déterminants moléculaires sous-jacents au fonctionnement cellulaire
et l’intégration de cette connaissance dans une vision globale
de la cellule. Une méthode simple pour accéder à ce niveau
d’investigation est d’éprouver les modèles de fonctionnement
issus des approches réductionnistes – moléculaires et atomiques
– dans les conditions in vivo. Cette stratégie a guidé la
plupart des recherches des équipes du LCB. Elles n’en sont que
plus prêtes à accueillir l’apport des méthodes globales,
transcriptome et protéome. Une approche complémentaire aux études
in vivo est proposée par les études in silico. La nouvelle équipe,
dirigée par G. Fichant et Y. Quentin, s’efforce de développer
les méthodologies bioinformatiques permettant une vision intégrée
des circuits protéiques à l’intérieur de la cellule.
Enfin, dans ce contexte, la simplicité et l’originalité
de la question posée par l’équipe de S. Dukan (" qu’est
ce qu’une bactérie morte ? ") apparaît être comme
l’ultime effort vers une vision intégrative de la physiologie bactérienne.
En conclusion, le LCB a pour ambition de maintenir à
un haut niveau les recherches d’intérêt fondamental autour
de la cellule bactérienne prokaryote. La structuration en équipes
dont les responsables sont pour la plupart de jeunes séniors, d’une
part, et l’attractivité de l’UPR mesurée par un nombre
significatif de recrutements récents, d’autre part, constituent
une raison de qualifier cet objectif de raisonnable. Toutefois, le problème
du financement de la recherche fondamentale, y compris d’excellente qualité,
demeure et devient un handicap à l’efficacité des structures
de recherche. Il n’est pas inutile de mentionner que, à l’instar
de nombreuses unités de recherche académiques, seulement 35% des
ressources du LCB proviennent de dotations récurrentes du CNRS et de
l’Université.