Février 2003 - n°75
Unité INSERM 555
Biologie des protéines et fonction endocrine
L’unité INSERM 555 concentre son activité de recherche
sur l’étude d’un modèle biologique unique, le tissu
thyroïdien, et des pathologies qui l’affectent. Les travaux ont
pour fil conducteur le déterminisme structural de la fonction des protéines,
où le terme fonction recouvre l’activité des protéines
mais aussi le contexte spatial et temporel dans lequel s’exerce ces
activités.
Issue d’une structure antérieure (l’unité 38) et
créée en janvier 2001, l’unité INSERM 555 se compose
aujourd’hui d’une trentaine de personnes. Sous la direction de
Pierre Carayon, les recherches s’articulent autour de plusieurs études
des divers mécanismes moléculaires de dysfonctionnement cellulaire
: les dysrégulations, les phénomènes dégénératifs,
l’auto-immunité et la tumorigénèse. Les recherches
cliniques sont orientées vers le diagnostic, la recherche de nouvelles
voies thérapeutiques et la chirurgie.
« Nous étudions les cancers et l’auto-immunité
thyroïdienne pour en déterminer les mécanismes avec pour
objectif d’ouvrir la voie à des traitements non plus symptomatiques
comme c’est le cas actuellement, mais en s’attaquant aux causes
de la maladie. Les retombées pourraient être importantes pour
d’autres maladies auto-immunes, dont le diabète, par exemple
tout en gardant à l’esprit que ces pathologies se différencient
considérablement, notamment par l’incidence en fonction du sexe
: 80% de filles sont atteintes contre 20% de garçons pour les maladies
auto-immunes de la thyroïde et 50% - 50% pour le diabète»
déclare Pierre Carayon.
Scindée en deux équipes, l’unité se focalise sur
cinq thématiques différentes :
Biologie et pathologie cellulaires des protéines
thyroïdiennes
Dirigé par Jean-Louis Franc, ce groupe se compose de deux équipes
:
Maturation, contrôle de qualité
et transport intracellulaire des protéines thyroïdiennes
La protéine subit une série de contrôles de qualité
( avec destruction par des protéases si le contrôle s’avère
négatif) au cours de chaque étape de sa maturation et de son
transport : de la chaîne polypeptidique libérée dans le
reticulum endoplasmique aux modifications post traductionnelles qui lui confèrent
sa conformation correcte et ses activités finales.
Les recherches, sous la direction de Jean-Louis Franc, ont mis en évidence
le rôle majeur des protéines-chaperons dans l’expression
de la fonction des protéines néosynthétisées.
Ces protéines-chaperons exercent un contrôle de qualité
extrêmement strict lors de l’acquisition de la structure tridimensionnelle
et du transport vers la membrane. Elles protègent les protéines
en cours de maturation de la précipitation….
Les travaux ont montré que très peu de thyroperoxydase (TPO)
néosynthétisée parvient à la membrane cellulaire.
Ceci suggère que la TPO subit un contrôle de qualité extrèmement
strict dont le rôle serait de faire en sorte que la TPO n’exerce
son activité peroxydasique qu’à l’extérieur
de la cellule. Ces expériences vont être étendues au récepteur
de la thyrotropine (TSH) et aux NADPH-oxydases thyroïdiennes (THOX) dont
le rôle est de fournir le peroxyde d’hydrogène (H2O2),
troisième co-substrat de la TPO pour la synthèse des hormones
thyroïdiennes.
Le travail sur les THOX est réalisé en collaboration avec l’unité
INSERM 486 et s’ouvre sur des applications de thérapie génique
du cancer.
Oncogénèse thyroïdienne
En suivant l’évolution des nodules thyroïdiens bénins
(tous les 6 mois à 1 an) jusqu’à la malignité,
cette équipe, dirigée par Catherine De Micco, s’attache
à déterminer les raisons pour lesquelles certains nodules bénins
aboutissent à des cancers. " Les causes d’une telle
évolution sont à rechercher dans les anomalies de la fonction
de protéines en relation avec des mutations de gènes ou à
des modifications de l’épissage des ARN messagers … "
déclare Pierre Carayon. En mettant en évidence des marqueurs
d’évolutivité des adénomes vers le cancer, les
résultats de ces travaux permettraient d’opérer très
tôt les patients qui présenteraient ces critères d’évolutivité.
Ce projet est actuellement en première approche en partant de la pathologie
cancéreuse avérée. L’étude est centrée
sur la TPO car elle possède une structure immunologique différente
dans les cancers. Par la suite, l’utilisation de puces à ADN
permettra d’étendre le spectre des protéines étudiées
(projet en collaboration avec la société Ipsogen).
Du point de vue de la recherche clinique, les chercheurs ont démontré
l’intérêt de l’utilisation de l’anticorps monoclonal
47 dans le diagnostic immuno-cytologique des tumeurs de la thyroïde (contrat
avec la société Dako).
Les deux premières équipes se focalisent également sur
la recherche de nouvelles isoformes de la TPO et la quantification des ARN
messagers des isoformes identifiées dans différents types de
cancers thyroïdiens.
Biologie des protéines de l’hormonosynthèse et de l’auto-immunité
thyroïdiennes
(responsable : Jean Ruf)
Structure et fonction des épitopes B
dans l’auto-immunité thyroïdienne
Cette équipe, dirigée par Jean Ruf, étudie l’auto-immunité
thyroïdienne. Elle s’intéresse en particulier, à
la présence d’auto-anticorps qui interfèrent avec le fonctionnement
de la glande :
- soit directement avec les auto-anticorps dirigés contre le récepteur
de la TSH qui vont stimuler la fonction thyroïdienne et déclencher
une hyperthyroïdie (maladie de Basedow),
- soit par attaque et destruction de la glande (maladie de Hashimoto).
Le but poursuivi était de caractériser la structure du domaine
de la TPO reconnu par les auto-anticorps (auto-épitope immunodominant).
Un tel auto-épitope a été localisé sur la partie
C-terminale de la partie extracellulaire de la TPO. Sa structure s’est
révélée multigénique avec notamment la présence
d’un module CCP-like capable d’activer le complément.
Il a été aussi montré que la cellule thyroïdienne
chez les patients présentant une maladie auto-immune de la glande présente
un récepteur FC androgénodépendant impliqué dans
la présentation antigénique. Ils ont notamment étudié
l’expression et la régulation par les hormones sexuelles des
récepteurs FC dans les thyrocytes de patients atteints de la maladie
de Basedow.
Rôle et régulations de la sulfatation
des protéines. Etude dans la cellule thyroïdienne
Odile Chabaud dirige ce groupe qui s’intéresse au rôle
de la sulfatation (une modification post-traductionnelle) dans la modulation
de l’activité des protéines. L’étude est
centrée sur la thyroglobuline Tg (pro-hormone thyroïdienne).
Les travaux montrent que le taux de sulfatation des tyrosines a un effet sur
la capacité de la thyroglobuline à former des hormones thyroïdiennes
(le sulfate cible les tyrosines impliquées dans la synthèse).
Le transport du sulfate dans le thyrocyte s’avère régulé
par la TSH, régulateur majeur de la fonction thyroïdienne, mais
aussi par la concentration en iodure.
Effets des espèces réactives
de l’oxygène (ROS) sur la fonction endocrine de la thyroglobuline
Les radicaux libres oxygénés (en particulier le radical
hydroxyle HO.), nécessaires à la synthèse des hormones
ont des effets sur la thyroglobuline, (agrégation, coupure, modification
des acides aminés…).
Les chercheurs, menés par Bernard Mallet, ont montré que la
thyroglobuline agrégé Tg-a ne possède plus qu’une
unique fonction, celle de stocker l’iodure, elle ne génère
plus d’hormone.
Les expériences réalisées ont souligné l’implication
des espèces réactives de l’oxygène (ROS) et des
protéines chaperons dans la formation et la dissociation de la Tg-a.
Ces travaux, qui mettent en évidence l’existence de mécanisme
de réversibilité de structure et de fonction, pourraient trouver
des applications dans les maladies dégénératives ou neurodégénératives
(Alzheimer...), mais aussi dans des études sur la cataracte en collaboration
avec les ophtalmologues du CHU. Une autre idée voit d’ailleurs
le jour : les radicaux libres ne sont pas seulement néfastes…
Analyse structurale du génome
Les recherches futures associent les domaines fondamental, physiologique et
pathologique, à des activités de valorisation médicale
et industrielle. Elles bénéficieront des résultats de
l’analyse structurale du génome avec la détermination
de l’intégralité des séquences peptidiques des
protéines normales et pathologiques. Les recherches en cours dans l’Unité
555 (mécanisme de l’expression de la fonction des protéines,
physiologie, auto-immunité et cancer thyroïdien, action des ROS…)
se poursuivront dans ce contexte nouveau.
En ce qui concerne la recherche clinique, les travaux ouvrent des perpectives
de thérapie génique avec l’utilisation des gènes
de la TPO de la THOX et du symporteur Na/I, ce qui permettrait une généralisation
de l’usage de l’iode radioactif dans les cancers.
Partenariats :
L’unité 555 enretient des relations avec des laboratoires européens
(Italie, Belgique, Angleterre, Danemark) et américains, mais aussi
avec l’industrie, notamment Dako (danois), Beckman (américain),
Zentech (belge)…Elle est activement associée au laboratoire de
Biochimie et Biologie Moléculaire de la Faculté de Médecine
dont le directeur est Pierre Carayon.
Un nouvel IFR physiopathologie humaine
L’unité INSERM 555 fait partie de l’IFR 35 qui va bientôt
s’élargir en un IFR de site de physiopathologie humaine (projet
déposé en 2002 pour création en 2003-2004). L’IFR
regroupera plusieurs structures de recherche du campus : faculté de
pharmacie, de médecine et l’hôpital avec une mise en commun
de plateaux techniques (étude du génome, transcriptome, protéome,
imagerie in vivo - in vitro, spectromètre de masse…)
Pour l’instant, le laboratoire utilise la spectrométrie de masse
appliquée aux protéines. Dans le cadre du plateau protéomique
piloté par le Professeur Claudette Briand, l’acquisition d’un
spectromètre de masse type Maldi-Tof et d’une électrophorèse
bidimensionnelle sont prévus pour 2003 ainsi qu’un électro-spray
pour 2004. " Cette nouvelle instrumentation permettra l’analyse
en masse " déclare Pierre Carayon.
J.Silvy
Contact : Pierre Carayon
U 555 INSERM Biochimie Endocrinienne et Métabolique
Faculté de Médecine
27 bd J. Moulin
F-13385 cedex 5 Marseille