Février 2003 - n°75
Laboratoire d’Océanographie et de Biogéochimie
(LOB) UMR 6535
Le domaine de recherche du LOB recouvre les divers aspects des cycles
biogéochimiques des éléments biogènes dans le
milieu marin : carbone, azote, phosphore et silicium. Le laboratoire aborde,
par des approches pluridisciplinaires, l’étude de ces cycles
dans la colonne d’eau et dans les sédiments.
Présent sur les sites de Luminy, d’Endoume et de la Seyne, le
Laboratoire d’Océanographie et de Biogéochimie, créé
le 1er janvier 96, regroupe aujourd’hui, dans environ 1100 m2, une soixantaine
de personnes (dont quarante statutaires : CNRS, ITA et enseignement supérieur).
Le LOB, Unité Mixte de Recherche associant le CNRS et l’Université
de la Méditerranée (UMR 6535), est une des formations de recherche
du Centre d’Océanologie de Marseille, un Observatoire des Sciences
de l’Univers (OSU) qui rassemble deux UMR et une UMS (Unité Mixte
de Service).
“ Le LOB s’occupe d’océanographie, c’est-à-dire
de la connaissance des océans dans ses différentes composantes
: colonne d’eau et sédiments ” déclare Bernard
Coste, Directeur de l’UMR. Ce laboratoire travaille sur les domaines
côtier et hauturier de le mer Méditerranée et des océans
atlantique et pacifique.
L’unité se divise en deux équipes d’un effectif
équivalent, dont les thématiques sont les suivantes:
Production et devenir de la matière organique
dans la colonne d’eau. Influence de l’hydrodynamisme
“ Dans le Golfe du Lion, les chercheurs ont relié les champs
de courant superficiel à la variation du vent. Ils ont aussi développé
des outils de modélisation, en particulier des modèles numériques
couplés de physique et de biologie, c’est-à-dire des modèles
des couches de surface en tenant compte de la physique et de la biologie.
Les approches du LOB sont en effet pluridisciplinaires. L’équipe
regroupe des physiciens pour la circulation des eaux, des chimistes pour leur
composition et des biologistes pour le développement du phytoplancton”
cite Bernard Coste.
Sous la direction de Patrick Raimbault (Directeur de Recherche au CNRS), l’équipe
se consacre à trois grands thèmes :
- Le cycle des éléments biogènes (C, N, P, Si)
dans la couche euphotique
grâce à des approches chimiques, enzymatiques et isotopiques,
l’équipe étudie les stocks et les cycles d’éléments
biogènes. Un point fort de ses activités de recherche a été
d’apporter de nouveaux éléments dans le débat sur
la productivité en milieu océanique et côtier (Méditerranée,
Atlantique nord, océan austral et pacifique équatorial) en relation
avec différents processus physiques (upwellings, tourbillons, systèmes
frontaux…). Actuellement, les travaux sont consacrés à
une étude (à meso-échelle) sur la variabilité
spatio-temporelle de la productivité du Golfe du Lion. Ces recherches,
partie du Programme National Environnement Côtier, visent à déterminer
les relations entre les paramètres qui représentent les processus
biogéochimiques (tels que flux d’assimilation et de régénération
de C, N, P) et les forçages physiques (circulation des masses d’eau).
A grande échelle, l’utilisation de modèles est nécessaire.
Ces derniers nécessitent des données sur les stocks des différents
éléments biogènes mais aussi sur les transferts de matière
entre les stocks. De nouvelles approches sont menées pour déterminer
les flux biologiques de la matière organique dissoute (carbone et azote
organiques dissous) par le phytoplancton, l’assimilation et la régénération
du phosphate par le microplancton, le cycle du silicium…
- Le flux biologique de CO2, les assemblages
microbiens et le devenir de la matière organique
Une étude conjointe de la variabilité saisonnière
des flux de carbone et des assemblages microbiens, par coulométrie
et cytométrie en flux, a été réalisée en
Méditerranée nord occidentale. Dans le cadre du projet POMME
(Programme Océan Multidisciplinaire Méso-Echelle), un des objectifs
est de déterminer à une échelle quotidienne et saisonnière,
le flux net de CO2 lié à l’activité
biologique dans les différentes masses d’eau des régions
océaniques visitées. Or, la respiration cellulaire est un paramètre
fondamental, d’une part dans la quantification des flux de carbone dans
la colonne d’eau et, d’autre part dans l’identification
et la quantification des sources et des puits de carbone par voie biologique.
Ce processus représente la minéralisation de la matière
organique dissoute et particulaire, il permet d’évaluer les rendements
de fixation du carbone par les assemblages microbiens et d’estimer l’exportation
potentielle du carbone vers les échelons trophiques supérieurs
et vers les eaux profondes. Des travaux ont montré que le compartiment
dissous alimente préférentiellement la reminéralisation
de la matière organique dans la colonne d’eau par les bactéries.
L’étude de la variabilité saisonnière de la vitesse
de reminéralisation de la matière organique suivant la profondeur
constitue un objectif majeur du projet. Ces travaux utilisent des nouvelles
approches comme la cytométrie en flux. Par exemple, la vitesse de respiration
des assemblages microbiens sera déterminée avec une application
de la cytométrie en flux utilisant des sondes fluorescentes sensibles
au potentiel de membrane.
Les chercheurs se focalisent également sur la dégradation et
la préservation de la matière organique dans la colonne d’eau.
Ils se sont notamment intéressés aux processus de photooxydation
qui interviennent dans les cellules phytoplanctoniques.
- Les structures hydrodynamiques et la réponse biologique
Des travaux antérieurs ont démontré que la
dynamique de moyenne échelle avait des conséquences fondamentales
non seulement sur la circulation générale des masses d’eau,
mais aussi pour les phénomènes biologiques. Les recherches actuellement
envisagées ont pour objet une meilleure compréhension de la
circulation des masses d’eau dans la partie sud-est de la Méditerranée
occidentale, région-clé pour le devenir des masses d’eau
et les échanges entre les deux bassins. Ainsi des études sont
réalisées pour préciser la circulation aux niveaux intermédiaire
et profond dans le canal de Sardaigne et en mer Tyrrhénienne, la plongée
des eaux dans le canal de Sicile…
Des actions se sont attachées à préciser les réponses
biologiques individuelles des structures dynamiques de moyenne échelle
dans le bassin algérien. Les chercheurs ont montré qu’il
existe, à la périphérie des tourbillons, un mouvement
de convergence signé en période stratifiée par l’entraînement
en profondeur de la couche du maximum profond de la chlorophylle (fluorescence
de la chlorophylle encore détectable au-delà de 250m).
Par modélisation, les résultats permettront de s’étendre
à l’ensemble de la Méditerranée.
La diagénèse précoce dans
les sédiments marins
Cette équipe dirigée par Jean-Claude Bertrand (Professeur),
poursuit des travaux suivant deux axes :
- La dégradation et la préservation de la matière
organique sédimentaire : processus, mécanismes et flux
L’objectif de recherche est de connaître les processus
et les mécanismes de reminéralisation, de transformation partielle
et de préservation de la matière organique mais aussi, de quantifier
les flux d’échanges du matériel particulaire et dissous
à l’interface eau-sédiment.
Les chercheurs abordent les processus de diagénèse précoce
à travers l’étude des lipides d’origine biogène
(lipides phytoplanctoniques) ou anthropique (hydrocarbures pétroliers).
Les lipides, ubiquistiques dans le milieu marin, sont à priori moins
assimilables que certains autres constituants cellulaires (protéines,
sucres). Ils ont par conséquent une durée de vie supérieure
dans les sédiments récents. Par ailleurs ces composés
ont un poids moléculaire peu élevé (PM<800), ce qui
permet leur étude par des techniques analytiques classiques telles
que la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse.
La recherche menée dans l’UMR concerne le rôle des processus
bactériens aérobies et anaérobies (dénitrification,
sulfato-réduction, méthanogénèse) dans la transformation
/ préservation des lipides sédimentaires (la production de certains
esters lourds isoprénoïdes lors de la croissance de bactéries
dénitrifiantes sur du phytol a récemment été observée).
Egalement à l’étude : le rôle joué par les
processus de bioturbation (oscillations rédox, remaniement, transit
digestif) sur le devenir des lipides et le devenir in situ de marqueurs organiques.
Enfin, le flux à l’interface eau-sédiment est observé
à l’aide de mesures in situ effectuées lors des périodes
de forte sédimentation, mais aussi grâce à des expérimentations
en laboratoire dans le but de quantifier, par exemple, l’impact de la
turbulence sur les flux de la matière dissoute à l’interface
eau-sédiment (modélisation l’ interface, ce qui nécessite
le couplage des processus hydrodynamiques, biologiques et sédimentaires).
- Fonctionnement des communautés : écologie et biodiversité
Les travaux visent à définir le rôle des êtres
vivants dans la diagénèse précoce afin d’expliquer
les processus, les mécanismes et les bilans et ce à partir de
la connaissance de la diversité spécifique et fonctionnelle
des communautés bactériennes et macrobenthiques.
En ce qui concerne les communautés bactériennes, la recherche
porte sur la biotransformation et la minéralisation des hydrocarbures,
plus particulièrement sur les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
En effet, leur impact au niveau de l’environnement (composés
à risque en raison de leur toxicité et de leurs propriétés
cancérigènes et mutagènes) et les sources variées
qui les génèrent (origines pyrolytiques, diagénétiques
et pétrochimiques) en font un sujet de choix. Les travaux concernent
la recherche de souches ou de consortia capables de dégrader des molécules
complexes, les modes de transfert hydrocarbure-cellule bactérienne
selon la nature du substrat et de la souche bactérienne….
La réduction dissimilatrice du nitrate, c’est-à-dire l’utilisation
du nitrate à la place de l’oxygène au cours de la minéralisation
de la matière organique, constitue un autre sujet d’intérêt.
Ces processus (dénitrification, ammonification du nitrate) ont un rôle
écologique dans la transformation et le recyclage de l’azote.
Les chercheurs de l’équipe ont développé des méthodes
moléculaires pour quantifier la proportion de bactéries dénitrifiantes.
La deuxième thématique de recherche concerne la modélisation
des processus de bioturbation, le rôle indirect de ces processus sur
le devenir de traceurs lipidiques, l’impact de la bioturbation sur l’expression
des métabolites bactériens (ammonification des nitrates, dénitrification,
nitrification)…
Des études récentes ont été menées sur
l’incidence des processus de bioturbation sur l’expression des
métabolismes bactériens aérobies et anaérobies
(actions in vitro, in situ et modélisations).
Parmi le matériel utilisé par le LOB, on peut citer notamment
des pièges à particules et à sédiments, des sondes,
un ADCP, un système couplé chromatographie en phase gazeuse
et spectromètre de masse (HP), un autoanalyseur calorimétrique
automatique (Bran-luebbe, en cours d’achat)…
Un large éventail de collaborations
Au niveau national, le LOB collabore notamment avec le laboratoire d’océanographie
biologique de bordeaux, le laboratoire de photophysique, physico-chimie analytique
et environnement de Bordeaux, le laboratoire de chimie bio-organique physique
de Paris, l’Ifremer de Sète, le laboratoire de microbiologie
de Marseille, le CEA…
L’UMR entretient également des relations internationales avec
l’institut d’océanographie de Lisbonne (pour l’étude
du cycle de l’azote dans l’estuaire du Tage), avec l’institut
de microbiologie de Bergen en Norvège (sur le rôle du phosphate
dans le contrôle de la production phytoplanctonique et bactérioplanctonique
et des conséquences sur l’export de carbone de la couche euphotique
vers la couche aphotique des océans), avec la Grande-Bretagne (sur
l’étude de la respiration du microplancton marin), mais aussi
avec l’Indonésie, la Grèce, l’Allemagne, les USA,
la Nouvelle Calédonie …
De plus, le laboratoire est impliqué dans de nombreux programmes nationaux
et internationaux en particulier au niveau européen). Parmi les contacts
avec l’industrie, citons notamment Pechiney et Total-Fina-Elf aquitaine.
“ La constitution d’une entité physique, associant
observation et “modélisation ”, est une priorité
pour le futur, ainsi que davantage de recherches dans le domaine des communautés
; la tendance actuelle étant plutôt à la globalisation…
” conclut Bernard Coste.
J. Silvy
Contact : Bernard Coste