Juin 2003 - n°79

L’INSTITUT COCHIN présente une découverte majeure sur l’homéostasie du fer

Institut Cochin, le 4 avril 2002 : l’équipe de recherche du Dr Sophie VAULONT (INSERM U567, UMR CNRS 8104, Université René Descartes) faisait l’hypothèse que l’hepcidine, une hormone sécrétée par le foie, jouerait une action essentielle dans l’homéostasie du fer.
Cette hypothèse a aujourd’hui été amplement confirmée et le rôle de l’hepcidine, étendu à la physiologie et à la pathologie humaines. Il a été prouvé que l’hepcidine intervient comme chef d’orchestre sur l’absorption et la localisation cellulaire du fer en fonction des besoins de l’organisme. Une action qui explique les anomalies de répartition du fer chez l’Homme affectant des dizaines, peut-être des centaines de millions de personnes au travers le monde.
Gros plan sur les travaux conduits à ce sujet par l’Institut Cochin et, tout particulièrement, sur une découverte majeure dont l’équipe de Mme VAULONT est à l’origine. L’opportunité pour nous de présenter également plus en détail l’Institut Cochin et ses chercheurs, sous la direction de M. Axel KAHN.

“ Quand une avancée scientifique devient une révolution conceptuelle ”

Intéressons-nous tout d’abord à l’homéostasie du fer dans l’organisme et aux perspectives de traitement contre ces grandes maladies que sont les anémies inflammatoires et les surcharges en fer.

“ Il y a encore très peu de temps, nous ne connaissions que quelques éléments du métabolisme du fer chez l’Homme ”, explique Axel KAHN. “ Parmi ces données, notamment : la quantité de fer dans l’organisme, les symptômes liés à un dysfonctionnement de son homéostasie, ainsi que le lien entre les anomalies de sa répartition chez l’Homme et de nombreuses pathologies chroniques ”.
Ainsi, les anémies inflammatoires (carence en fer) se révèlent à l’origine de la complication de nombreuses maladies telles que les rhumatismes et le cancer. Les surcharges en fer, quant à elles, peuvent être secondaires à des anémies chroniques ou primitives. Dans ce dernier cas, il s’agit d’hémochromatose héréditaire, la plus fréquente de toutes les maladies génétiques affectant près d’une personne sur 200 à 300 en Europe et aux Etats-Unis. Une pathologie donc très répandue, mais néanmoins restée longtemps méconnue…
“ Le gène HFE dont la mutation constitue la cause principale de l’hémochromatose héréditaire chez l’Homme avait été identifié, mais son mode d’action restait totalement obscur. Tout juste imaginait-on qu’il devait faire appel à un régulateur hormonal ”, nous confie M. Axel KAHN.

Tout a commencé à s’éclaircir il y a un an, avec la découverte de l’hepcidine. Il s'agit d'une molécule peptidique dont le rôle majeur dans l’homéostasie du fer chez l’Homme a été amplement vérifié au sein de l’Institut Cochin comme dans plusieurs autres organismes de recherche en France et à l’étranger.
Dans un article de la revue Nature Genetics datée de mai 2003, Gaël NICOLAS et ses collaborateurs (laboratoire du Dr VAULONT, Institut Cochin), en association avec l’Unité INSERM 409 (Hôpital Bichat, Paris) et l’équipe de Nancy ANDREWS (Howard Hughes Medical Institute de Boston, MS, USA) ont en effet déclaré que la surcharge en fer liée à l’hémochromatose héréditaire devrait pouvoir être prévenue par un apport d’hepcidine. Un traitement dont l’efficacité a été démontrée sur le modèle murin de la maladie qui semble dû, chez l’Homme comme chez l’animal, à un déficit de production d’hepcidine.
L’induction chez des souris d’une hyper-production d’hepcidine, grâce à l’introduction d’un transgène, prévient totalement la surcharge en fer. De très récents résultats de chercheurs australiens suggèrent d’ailleurs que ces données sont valables aussi pour la maladie humaine.

“ Un traitement préventif, tout d’abord contre l’hémochromatose héréditaire, pourrait ainsi être mis au point sur la base de l’administration d’hepcidine ou de ses analogues. Mais, le potentiel de cette découverte est loin de se limiter à cette seule application ”, assure Mme Sophie VAULONT.
Des perspectives de traitement d’autant plus prometteuses que l’hémochromatose héréditaire est la plus fréquente de toutes les maladies génétiques !

De l’ICGM à l’IFR Cochin : gros plan sur l’Institut Cochin

Beaucoup d’espoirs reposent donc sur l’hepcidine et, en particulier, sur les travaux conduits au sein de l’Institut Cochin. Mais, connaissons-nous vraiment ce qu’est l’Institut Cochin et les moyens dont il dispose ?
Créé en 2002 au cœur de la faculté de médecine et du CHU Cochin-Port Royal, à Paris, l’Institut Cochin trouve ses origines, en 1990, sous les traits de l’ICGM, Institut Cochin de Génétique Moléculaire.
Dès cette époque, l’ICGM fonctionne sur un modèle fédératif et sert de modèle à la création des IFR par l’INSERM. Il est d'ailleurs officiellement reconnu comme tel en 1994. Les premières années, de 1990 à 1994, ont été principalement consacrées au développement d’une animation scientifique commune, facilitant les collaborations entre les unités de recherche et l’organisation de services communs.
Depuis le 1er janvier 2000, les unités et laboratoires de l’ICGM ont choisi de fonctionner sur un mode plus intégratif que fédératif. Le succès de cette expérience les a amenés à déposer une demande de création d’un laboratoire intégré mixte INSERM, CNRS, Université comprenant 6 départements et un plateau de services communs.
Le nouvel Institut Cochin - labellisé INSERM U567, CNRS UMR 8104, Université René Descartes Paris 5 - a été créé au 1er janvier 2002. Il est membre de l’IFR Cochin, Institut Fédératif de Recherche 116, qui représente un ensemble de 60 équipes et près de 655 personnes, fortes d’une véritable culture de la coopération et de développement concertés.

Constitué sur la base d’une expertise pluridisciplinaire, l’Institut Cochin est dirigé par M. Axel KAHN et co-dirigé par M. Paul-Henri ROMEO. Sur 12 000 m2 de laboratoires, il réunit plus de 500 collaborateurs : chercheurs, ingénieurs et techniciens, post-doctorants, étudiants... Soit 46 équipes, exerçant au sein de 6 départements scientifiques : Biologie cellulaire, Génétique, Développement et pathologie moléculaire, Endocrinologie, Hématologie, Immunologie, Maladies infectieuses.

Les missions de l’Institut Cochin ? La recherche biomédicale, la formation à la recherche par la recherche, le transfert du savoir et des technologies vers l’industrie… Et, pour mener à bien ses activités : des savoir-faire, parmi les meilleurs au monde dans leur domaine de spécialités, et des moyens techniques conséquents : Transgène, Recombinaison homologue, Séquençage d’ADN, Transcriptome, Protéomique, Spectrométrie de masse, microanalyse, Cytométrie en flux, Microscopie confocale, Microscopie électronique, Morphologie tissulaire, Laboratoires haute sécurité L3...
“ Voué à la recherche biologique et médicale, l’Institut Cochin est véritablement un lieu d’excellence. Cancer, sida, diabète… Des découvertes majeures ont de tout temps été réalisées par ses chercheurs dans les domaines de santé publique prioritaires ”, ajoute M. KAHN. “ Pourtant, très récemment, ces mêmes chercheurs ont dû descendre dans la rue pour lancer un cri d’alarme… ”, poursuit-il. “ La situation est aujourd’hui difficile et n’épargne personne. L’Institut Cochin a notamment perdu 16 postes de techniciens ! Il est essentiel de réagir pour continuer à donner aux chercheurs les moyens de travailler dans le cadre de programmes multidisciplinaires de haut niveau. Et permettre ainsi de réelles avancées scientifiques et thérapeutiques… ”

SD

 

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