Octobre 2003 - n°81

Le Laboratoire de Microbiologie du Froid UPRES 2123

L’histoire du Laboratoire de Microbiologie du Froid (LMDF) est très étroitement liée à celle de l’IUT d’Evreux (département de l’Eure), dont il occupe une partie des locaux.
Datant de 1987, deux ans après l’implantation de l’Institut Universitaire Technologique, la création du LMDF s’inscrit dans l’optique de développer simultanément sur le site ébroïcien Enseignement, Transfert de Technologie et Recherche. Le Laboratoire, placé sous la direction de Mme Nicole ORANGE, s’est toujours positionné comme un acteur essentiel sur ces trois champs d’investigation, à l’interface de la recherche et de l’industrie.


Gros plan !

Un thème central : l’étude de bactéries adaptées au froid

" La Normandie et ses célèbres vaches normandes… " : le cliché est un peu facile, mais, à l’époque de la création du Laboratoire de Microbiologie du Froid, la réalité était pourtant bien celle-là. Et c’est justement à un problème précis des entreprises laitières que s’est intéressé en premier lieu le LMDF : la dégradation des propriétés organoleptiques des produits laitiers par certaines bactéries. " Des micro-organismes de l’environnement parfaitement adaptés aux températures comprises entre –2°C et 30°C ", nous explique Mme ORANGE.
Les premiers travaux du Laboratoire ont été centrés sur l’étude de ces micro-organismes, selon trois disciplines principales : la physiologie, la biochimie et la génétique. Quatre axes de recherche ont ensuite été développés :

=> Physiologie et Génétique appliquées à l’analyse du comportement des bactéries et, en particulier à une meilleure compréhension de leurs fonctions dégradatives.
Les travaux de recherche de l’équipe LMDF se sont tout particulièrement portés sur la physiologie de la croissance d’une souche modèle Pseudomonas fluorescens. " L’objectif étant d’étudier chez cette souche les gènes régulés par la température et maîtriser ainsi un élément essentiel de sa capacité d’adaptation aux basses températures ", poursuit Mme ORANGE.
Des études sur les inteactions plantes/bactéries ont été développées par la suite, en collaboration étroite avec le GIE-Comité Nord. "Nous cherchons ici à approfondir nos connaissances sur l'action des bactéries pathogènes susceptibles de s'attaquer aux plants de pommes de terre en fonction de la température".

=> Adaptation des membranes bactériennes à la température
Certaines protéines des membranes bactériennes (les porines) constituent des canaux qui s’ouvrent et se referment pour contrôler les échanges de la bactérie avec le milieu extérieur. Sur le plan physiologique, l’équipe de Microbiologie du Froid s’intéresse aux mécanismes biochimiques et biophysiques par lesquels la température de croissance influe sur la taille d'un pore membranaire chez P. fluorescens.
Autre champ d’investigation développé plus récemment : la microbiologie cellulaire, et plus précisément, l’étude du comportement de bactéries telles que Pseudomonas sur les neurones. " Les cellules neuronales sont en effet tuées en moins de 3h sous l’action de certaines bactéries ", confie Nicole ORANGE. " Il est donc fort intéressant d’approfondir nos connaissances sur ce mécanisme qui peut , en neurochirurgie, conduire à l’émergence de maladies nosocomiales… "

=> Biodiversité et Environnement
Troisième axe d’étude, la modélisation microbiologique des pollutions de la Seine a débuté en 1996 avec la recherche d’un marqueur de pollution par les métaux lourds chez les bactéries, et s’est plus particulièrement concentrée sur le problème des bactéries résistantes au cadmium.
" Une modélisation microbiologique qui sera dupliquée sur différents estuaires en Europe et ce, dans le cadre d’un projet communautaire… ", souligne Mme ORANGE.

=> Phylogénie moléculaire
Les travaux du Laboratoire de Microbiologie du Froid se portent également depuis plusieurs années autour d’un axe de recherche très transversal : la phylogénie moléculaire. Une thématique qui vise notamment au classement des souches bactériennes par rapport à la grande variabilité de leurs gènes.

Citons enfin deux autres programmes de recherche développés plus récemment :

- le traitement d'eaux polluées avec, pour exemple, la fabrication de biocapteurs capables de détecter l’activité dégradative de certaines souches bactériennes en présence du polluant,
- l’étude de la variabilité d’adhésion au niveau des germes d'une même espèce bactérienne, en partenariat avec le Laboratoire d’Hygiène, Bioadhésion et matériaux de l’INRA de Massy. " Ces travaux concernent des souches présentes dans le sol, l’eau ou les surfaces hospitalières, des micro-organismes qui se développent au-dessus de 30°C et représentent donc un danger potentiel pour l’Homme ", souligne Nicole ORANGE. " Il a été démontré que le génome de ces souches peut constituer la signature de leur adaptabilité, un génome très gros gageant de la capacité de la bactérie à exploiter au mieux ses gènes quand elle en a besoin… "
Des biotechnologies végétales et humaines, à l’agro-alimentaire, jusqu’au milieu hospitalier et à l’environnement, les travaux menés par le LMDF intéressent de nombreux secteurs d’activités…

Un équipement peu courant pour un laboratoire de microbiologie

Qu’il s’agisse de travaux conduits face à l’action des bactéries sur les cellules animales ou sur les végétaux, " le profil général de nos recherches reste le même : étudier l’adaptation des bactéries à la température, établir et comprendre leur potentiel pathogène… ", ajoute Cécile DUCLAIROIR, Maître de Conférence.
Certains micro-organismes, toutefois, se révèlent plus dangereux que d’autres. Ainsi, en 2002, l’étendue des recherches menées par le LMDF a-t-elle nécessité l’installation d' un laboratoire à environnement contrôlé de niveau L2.
Au-delà, c’est un large parc d’instruments, dont certains équipements peu courants pour un laboratoire de microbiologie, qu’exploite le Laboratoire de Microbiologie du Froid. Citons pour exemples :
- ses fermenteurs pour la production en grandes quantités d’enzymes,
- un Phytotron, système régulé en température et humidité, essentiel pour reconstituer les conditions environnementales désirées,
- un microscope à fluorescence pour caractériser la viabilité cellulaire et définir ainsi le risque associé aux cellules vivantes,
- un appareillage permettant d'effectuer des mesures de patch clamp, pour étudier la modification des structures membranaires bactériennes jusqu’à l’échelle moléculaire,
- l’électrophorèse capillaire appliquée à l’étude des bactéries,
- des équipements d’électrophysiologie pour l’analyse des effets des bactéries ou de certains de leurs constituants membranaires sur les membranes des cellules eucaryotes,
- des équipements de biologie moléculaire, utilisé dans le cadre de recherches sur la biodiversité. Notons que le laboratoire a lui-même mis au point une technique très pointue pour l’identification des pathogènes dans l’eau, tandis qu’il a choisi de transférer ses compétences dans le domaine des végétaux vers la Plate-forme Technologique d’Evreux, pour l’élaboration de kits industriels.

Deux équipes en une !

Fort de 35 personnes dont 6 professeurs d’Université et 11 maîtres de conférence, le LMDF réunit aujourd’hui plusieurs équipes sous le thème de la " Microbiologie du Froid et de l’Environnement ". " En 1996, notre unité a fusionné avec le Laboratoire de Génétique et Biodiversité basé sur le campus de l’Université de Rouen – Mont Saint Aignan. De cette fusion, est d’ailleurs né le troisième axe de nos recherches actuelles, fortement centré sur l’environnement ", nous explique Mme Nicole ORANGE.
Ainsi sur le site de Mont Saint Aignan, sont développées les thématiques d’Ecologie Moléculaire, et de phylogénie. Tandis que le reste des équipes et les autres thèmes sont basés à Evreux. L’ensemble constitue le LMDF, Unité Propre de Recherche de l'Enseignement Supérieur 2123 de l’Université de Rouen, UFR des Sciences.
" L’orientation de nos recherches au niveau d'Evreux s’inscrit plus que jamais en cohérence avec celles de la Plate-forme Technologique d’Evreux, au cœur d'un site technologique dont l’agglomération ébroïcienne, le département et la région peuvent aujourd’hui se prévaloir ", précise Mme ORANGE.
" Depuis plusieurs années, notre Laboratoire n’a cessé d’étendre ses activités ", ajoute Cécile DUCLAIROIR. " Ses effectifs ont évolué en conséquence, bénéficiant en moyenne d’un nouveau recrutement chaque année ". Premier atout de cette équipe ? La richesse de ses compétences, alliant bactériologie, biologie moléculaire physico-chimie, biotechnologies et neurophysiologie… Une grande diversité d’expériences et une parfaite synergie pour répondre aux deux missions que s’est fixées le LMDF : la poursuite de ses travaux de recherche fondamentale et le développement de contrats industriels, en parallèle de son engagement dans plusieurs programmes régionaux, nationaux et européens.
Le Laboratoire de Microbiologie du Froid cherche à recruter des doctorants et post-doctorants dans les différents domaines scientifiques étudiés. Côté matériel, c’est dans le domaine du traitement d’images, de l’analyse des protéines et de l’hybridation in situ que le Laboratoire envisage ses prochains investissements.
Enfin, toujours très actif au sein de la communauté scientifique, le Laboratoire de Microbiologie du Froid prépare pour 2004 un colloque " Impact de l’Environnement sur les micro-organismes opportunistes " et participe aujourd’hui à l’organisation de la 2ème Journée de la Plate-forme Technologique d’Evreux, programmée le 18 novembre prochain sur le thème de la maîtrise du risque bactérien…

SD

 

 

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