Janvier 2004 - n°84

La Fondation Louis D. – Institut de France attribue son grand prix scientifique 2003 aux docteurs LE BIHAN et DEHAENE pour leurs travaux sur " l’imagerie du cerveau et ses applications "

La Fondation Louis D., sous l’égide de l’Institut de France et grâce à ses généreux donateurs, aide la recherche scientifique. Les lauréats de son grand Prix scientifique 2003, doté de 750 000 euros, ont été récemment désignés. La remise officielle de ce prix a eu lieu, conjointement à celle du grand prix humanitaire 2003, à l’Institut de France, le 20 octobre dernier…

Gros plan sur la Fondation Louis D. et son grand prix scientifique

Créée en janvier 2000 sous l’égide de l’Institut de France, la Fondation Louis D. a pour objet de soutenir des associations, fondations, personnes morales ou O.N.G., ayant une action à caractère caritatif ou culturel, ou dont le but est d’encourager la recherche scientifique. Elle décerne chaque année deux grands prix, dotés chacun de 750 000 euros : un prix humanitaire et un prix scientifique.

Le grand Prix scientifique est destiné à aider un laboratoire, une équipe ou une institution engagée dans la recherche. Il récompense cette année des travaux sur " l’imagerie du cerveau et ses applications ".
Les candidats au prix 2003 ont été retenus par un Conseil scientifique international de proposition. Après délibération d’un comité de sélection, placé sous la présidence de M. Etienne-Emile BAULIEU, président de l’Académie des Sciences, le Conseil d’Administration de la Fondation Louis D. a donné son verdict.

Lauréats de ce grand prix scientifique 2003 ? Les docteurs Denis LE BIHAN et Stanislas DEHAENE, et leur équipe, de l’unité de neuro-anatomie fonctionnelle du Service Hospitalier Frédéric Joliot (CEA/INSERM), à Orsay. Un Prix scientifique qui récompense les deux chercheurs pour leur contribution au développement de l’imagerie par résonance magnétique, technique en pleine expansion dont les " pères " viennent d’ailleurs de se voir attribués par le prix Nobel de médecine…

Portraits des deux lauréats

Denis LE BIHAN
Le docteur Denis LE BIHAN, directeur de l’unité de neuro-anatomie fonctionnelle du service hospitalier Frédéric Joliot (CEA) à Orsay, est physicien et médecin (neuroradiologue). Il a contribué de façon remarquable par ses travaux au développement de nouvelles méthodes d’imagerie permettant, entre autres, l’étude du fonctionnement du cerveau humain en imagerie par résonance magnétique (IRM).
Pour ses travaux, d’ailleurs, il a déjà reçu la médaille d’or de l’International Society of magnetic Resonance in Medicine en 2001, ainsi que le prix de Lounsberry des Académies des sciences française et américaine, en 2002.

Stanislas DEHAENE
Le docteur Stanislas DEHAENE, directeur de l’Unité INSERM 562 de neuro-imagerie cognitive à Orsay, mène ses recherches dans l’examen des bases cérébrales de fonctions cognitives particulièrement développées dans l’espèce humaine : le calcul, la compréhension du langage, et la planification consciente…

Denis LE BIHAN et Stanislas DEHAENE travaillent aujourd’hui ensemble au développement de méthodes d’imagerie cérébrale atraumatiques et à leurs applications en sciences cognitives.

"Le cerveau n’est pas un organe comme les autres. Il est le siège des processus biologiques de notre mémoire, de nos émotions, de notre personnalité… Elucider son fonctionnement constitue un des grands défis pour ce siècle. Mais un des grands enjeux de la connaissance du cerveau est la compréhension des affections neurologiques (comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson) ou psychiatriques afin d'en améliorer leur diagnostic et surtout leur traitement, ainsi que de comprendre les mécanismes du développement cérébral chez l'enfant ou le vieillissement qui devient un problème majeur pour les populations de nos pays industrialisés... "

Au cœur du Service Hospitalier Frédéric Joliot, à Orsay

Le Service Hospitalier Frédéric Joliot a été créé, il y a plus de 40 ans, avec l’objectif d’utiliser l’acquis du CEA dans le nucléaire et développer ainsi l’utilisation médicale des radio-isotopes à des fins thérapeutiques ou diagnostiques. Il poursuit aujourd’hui ses recherches dans des domaines pluridisciplinaires de l’imagerie médicale, de la biologie et de la médecine, sous la direction du professeur André SYROTA.

L’unité INSERM U562, deux équipes INSERM et l’unité CNRS URA 2210 sont implantées au SHFJ. Les universités (Université Pierre et Marie Curie, Denis Diderot, Paris-Sud) et les CHU (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, en particulier Pitié-Salpêtrière et Necker) participent directement à ces recherches grâce à la présence d’internes et de praticiens hospitaliers…
Le Service Hospitalier Frédéric Joliot est aujourd’hui la seule unité de recherche en Europe à regrouper les différentes méthodes d’exploration fonctionnelle et atraumatique chez l’Homme (gammatomographie, tomographie par émission de positons, imagerie et spectroscopie par résonance magnétique nucléaire, électroencéphalogramme de surface…), tout en possédant à la fois des laboratoires de recherche fondamentale et une unité clinique en médecine nucléaire.
Les méthodologies d’imagerie dont les chercheurs disposent au SHFJ constituent un ensemble sans équivalent pour l’étude non traumatique d’organes profonds, réputés difficiles d’accès, tel que le cerveau. Elles permettent, de plus, d’étudier le fonctionnement cérébral sans interférer avec son fonctionnement normal…

L’étude du cerveau normal…
Les techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale visent à l’identification des réseaux neuronaux impliqués dans ces fonctions cognitives supérieures (langage, calcul, conscience). Des travaux très originaux, impliquant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), ont été récemment publiés. Ils concernent notamment la mise en évidence des régions cérébrales sollicitées au cours de tâches cognitives inconscientes (perception d’images subliminales, Nature, 1999) et contribuent à la cartographie des fonctions cérébrales.
En 2002, la première étude détaillée d’IRMf du cerveau des nourrissons a montré que le cerveau humain possède, dès les premiers mois de la vie, une spécialisation pour le langage et une mémoire pour la langue maternelle (Science, 2002). Ces conclusions sont le résultat d’une collaboration entre l’hôpital Necker-Enfants Malades et le SHFJ, impliquant des équipes du CNRS, du CEA, de l’INSERM et de l’AP-HP.

… et cerveau pathologique :
Les études du fonctionnement pathologique du cerveau utilisent les mêmes technologies d’imagerie. Les recherches menées dans le domaine des maladies neurodégérératives se situent tant au niveau fondamental que sur un plan résolument préclinique et clinique. Il s’agit d’évaluer le retentissement de certaines affections neurologiques sur le fonctionnement cérébral général.
Ainsi, le SHFJ développe une imagerie des processus neurodégénératifs, par des travaux sur les maladies de Parkinson et de Huntington. L’étude de ces maladies est complétée par des recherches sur les mécanismes cellulaires de leur développement (mécanismes de mort cellulaire, dysfonctionnements neuronaux, recherche de marqueurs pour ces maladies, recherche de neuroprotecteurs…).

Et pour l’avenir ?

Les moyens d’investigation développés sont mis au service de la recherche et du développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les différentes pathologies étudiées. Le SHFJ est ainsi à l’origine de récents résultats prometteurs concernant le traitement de la maladie de Huntington par la réalisation de greffes neuronales. En collaboration avec d’autres équipes, il a par ailleurs pu montrer la possibilité d’un traitement de la maladie de Parkinson par thérapie génique…

Ajoutons qu’en 2002, le Service Hospitalier Frédéric Joliot a accueilli un nouveau cyclotron à usage médical, afin de répondre aux besoins croissants de production de radio-isotopes pour l’imagerie médicale.

Le prix de l’Institut de France aidera Denis LE BIHAN et Stanislas DEHAENE à continuer leurs travaux : repousser les limites méthodologiques actuelles de la neuro-imagerie et utiliser ces méthodes pour déchiffrer le codage cérébral dont dépendent les processus cognitifs humains (langage, calcul, conscience…).

Ce prix contribuera également au projet NeuroSpin, qui prévoit d’installer, d’ici 2006, à Saint-Aubin, près du centre CEA de Saclay, un plateau technique équipé d’outils d’imagerie par RMN d’une puissance à ce jour inégalée, permettant d’observer le cerveau avec une précision spatiale et temporelle accrue.

Cette plate-forme d’imagerie unique en Europe disposera de ressources et d’outils exceptionnels. Son originalité sera de réunir acteurs méthodologiques et neurobiologistes du plus haut niveau. En étroite collaboration scientifique avec les autres organismes de recherche, dont l’INSERM et les universités, NeuroSpin assurera la coordination des travaux, la mise en réseau des compétences et l’optimisation des moyens. Environ 150 chercheurs, médecins, étudiants, ingénieurs et techniciens sont attendus pour développer de nouveaux outils et de nouvelles méthodologies au service de la santé.

Fédérateur de nombreux partenariats régionaux, nationaux et internationaux, NeuroSpin constituera un véritable moteur de l’innovation et de la diffusion technologique qui bénéficiera en premier lieu au tissu industriel et économique de la région Ile-de-France…

SD

Contacts :
Denis Le Bihan
Stanislas Dehaene

 

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